Maria João Pires en souveraine à l’Arsenal de Metz
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Metz. Arsenal. 20-II-2022. Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano n°13 D. 664 ; Claude Debussy (1862-1918) : Suite Bergamasque ; Ludwig van Beethoven Sonate pour piano n°32 op. 111. Maria João Pires, piano
Beethoven et l'opus 111 viennent couronner un récital d'une confondante intelligence toute en modestie.
Deux jours après un concert parisien, Maria João Pires fait étape à Metz, avec le même programme. Certes, les 1354 places de l'Arsenal ne sont pas toutes occupées, mais l'excellent remplissage fait plaisir à voir après les longs mois de purgatoire post-confinements, où les spectateurs retrouvaient le chemin du concert avec une prudente réserve. Et les spectateurs présents, visiblement, n'ont pas regretté d'être venus : c'est immédiatement après la dernière œuvre au programme qu'une ovation debout s'est formée, à fort juste titre.
Maria João Pires, pourtant, n'est pas de ces bêtes de scène du piano, qui entraînent les foules avec elles à force de mimiques, de virtuosité gratuite et d'accoutrements voyants. Le public messin a donc été sensible à la pudeur et à l'humilité d'une grande interprète qui s'efface devant les œuvres qu'elle interprète. Pour ouvrir la première partie, elle a choisi une sonate de Schubert qui n'encombre pas les programmes de concert, et qui est rendue ici à sa délicatesse mozartienne, ce qui n'exclut pas une franchise de ton qui protège de toute tentation mièvre ; de même, la Suite Bergamasque a toutes les nuances de la sensibilité impressionniste, mais aussi une solide carrure qui soutient l'écriture musicale beaucoup plus qu'une approche plus émotionnelle.
Cette même approche décidée mais discrète caractérise aussi son interprétation de la pièce de résistance du programme, la Sonate opus 111 de Beethoven. L'œuvre se prête bien aux interprétations à grand spectacle, aux cathédrales sonores comme en construit aujourd'hui Igor Levit ; le contre-pied discrètement radical de Maria João Pires est particulièrement bienvenu. Ici la plus sauvage des variations de l'Arietta ne donne pas dans le free jazz, et la continuité de la pensée musicale prend le pas sur la recherche de sensations fortes. Les dernières paroles pianistiques de Beethoven n'y perdent rien de leur folle inventivité – et là encore, rigueur rythmique et délicatesse du toucher ne sont pas chez Pires une marque de faiblesse. La sévérité du début du premier mouvement installe immédiatement une atmosphère tendue et rigoureuse, non sans pauses abruptes qui ne laissent pas ignorer l'aspect exploratoire de cette musique. Le début du second mouvement apparaît alors presque comme un relâchement de tension, mais ce n'est qu'une manière de poser les données fondamentales de ce qui suit : chaque note ajoute une ampleur nouvelle à cette exploration, sans jamais perdre la vision d'ensemble, sans jamais perdre l'auditeur. Seuls les plus grands de nos musiciens savent trouver pareille simplicité dans une œuvre aussi vertigineuse.
Crédit photographique : © May Zircus
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Metz. Arsenal. 20-II-2022. Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano n°13 D. 664 ; Claude Debussy (1862-1918) : Suite Bergamasque ; Ludwig van Beethoven Sonate pour piano n°32 op. 111. Maria João Pires, piano