Brillants jeux d’influences italiennes avec Les Ombres et Théotime Langlois de Swarte
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Paris. Auditorium du Musée du Louvre. 4-II-2022. Pietro Locatelli (1695-1764) : Concerto grosso en ré majeur op.1 n° 9. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concertos pour violon en si mineur RV 384 et en do majeur RV 179a « Per Anna Maria » ; Sinfonia de L’Olimpiade RV 175. Jean-Marie Leclair (1697-1764) : Concerto pour violon en la mineur op. 7 n° 5 ; Ouverture de Scylla et Glaucus. Théotime Langlois de Swarte, violon. Ensemble Les Ombres, direction artistique : Sylvain Sartre et Margaux Blanchard
Vivaldi, Locatelli et Leclair donnent l'occasion à Théotime Langlois de Swarte et à l'ensemble de Margaux Blanchard et Sylvain Sartre d'une heure de pure jubilation musicale à l'Auditorium du Louvre.
La filiation entre les trois compositeurs est établie historiquement : Antonio Vivaldi et Pietro Locatelli se sont fréquentés à Rome puis à Venise, et Jean-Marie Leclair a rencontré plusieurs fois le second en diverses villes d'Europe et l'on sait qu'il a noué avec lui une relation qui l'a conduit notamment plusieurs fois à Amsterdam pour le retrouver. La filiation musicale quant à elle est assez évidente également, tant la manière particulière de Vivaldi d'écrire pour le violon concertant se retrouve chez les deux autres compositeurs.
Pour l'heure, c'est aussi et surtout l'influence de Corelli qui est perceptible dans le concerto grosso de Locatelli qui ouvre le concert. Les musiciens des Ombres, tous debout quand ils le peuvent, offrent une bonne mise en bouche avec cette musique théâtrale, mais finalement un peu sage quand on connaît les feux d'artifices des sonates pour violon. Le continuo riche (clavecin, théorbe, contrebasse, violoncelle, viole et basson) permet de varier les effets, notamment dans le Largo qui offre un beau solo au premier violon Benjamin Chénier.
À peine le temps de s'interroger sur l'escamotage des quatrième et cinquième mouvements (à la réflexion pas si grave), et Théotime Langlois de Swarte fait son entrée pour un premier concerto de Vivaldi, dont le premier mouvement aux élans martiaux est joué assez tendu mais avec une bonne souplesse. Un Largo accompagné au violoncelle et au théorbe seuls, où le violon du soliste chante généreusement mais avec beaucoup de finesse, est suivi d'un Allegro d'une vitesse diabolique. Dès ce premier concerto, Théotime Langlois de Swarte montre une maîtrise impressionnante, bien aidé par une mise en place orchestrale proche de la perfection qui permet notamment des changements de tempi marqués. Cette cohérence fait aussi merveille chez Jean-Marie Leclair, où l'alternance tutti-soli est moins nette et où l'ensemble prend plus de part à la construction du discours. Le soliste, bien porté par l'énergie des Ombres, fait là encore montre d'une flamboyance impressionnante. Il parvient à rendre intéressants les passages où l'écriture est plus prévisible (notamment dans le deuxième mouvement), et à faire briller ceux où les dons mélodiques de Leclair se sont exprimés au mieux. De quoi donner envie d'entendre davantage ce compositeur, que Théotime Langlois de Swarte connaît déjà bien.
Il existe plusieurs versions du concerto de Vivaldi « Per Anna Maria » qui ferme le programme ; celle donnée ce soir a la particularité de faire entendre (pour la première fois aux dires des musiciens) le troisième mouvement avec une ornementation et des cadences de la main même de Vivaldi, qui ont été retrouvées dans le cahier de musique de la dédicataire, pensionnaire violoniste à l'Ospedale della Pietà. L'écriture est dans l'ensemble plus délicate et plus raffinée que dans les autres concertos du « Prêtre roux ». Dès le premier tutti, on admire la détente et la plénitude des musiciens, qui savent trouver un savoureux mélange de délicatesse et de célérité, d'empressement et de jubilation, de sensualité même. Le Largo est superbe, avec les violons seuls en accompagnement qui reprennent la phrase introductive en ostinato, et une longue cadence délicate sous l'archet de Théotime Langlois de Swarte. L'Allegro final, dont l'écriture se rapproche plus des autres concertos pour violon, se conclut tout de même par une sublime cadence en arpège très rapide dans le suraigu, qui constitue assurément un sommet de la soirée. Vivaldi n'a pas écrit « 500 fois le même concerto », celui-ci en est une brillante preuve.
Entre les concertos, l'ensemble Les Ombres, dans un effectif généreux mais qui aurait pu l'être plus encore, aura joué des œuvres illustrant la parenté de Vivaldi et Leclair : l'ouverture, « à la française » mais à l'écriture marquée par l'Italie, évoquant celle de Rameau, de Scylla et Glaucus, seul et rare opéra de Leclair. Et la Sinfonia de l'opéra L'Olimpiade de Vivaldi, pièce en trois mouvements dont on retient particulièrement l'Andante central où le continuo en pizzicati accompagne dans ses superbes mélodies la viole de Margaux Blanchard.
Un programme que l'on peut retrouver dans un album Harmonia Mundi.
Crédits photographiques : Théotime Langlois de Swarte © Jumpstart Jr. Foundation
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Paris. Auditorium du Musée du Louvre. 4-II-2022. Pietro Locatelli (1695-1764) : Concerto grosso en ré majeur op.1 n° 9. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concertos pour violon en si mineur RV 384 et en do majeur RV 179a « Per Anna Maria » ; Sinfonia de L’Olimpiade RV 175. Jean-Marie Leclair (1697-1764) : Concerto pour violon en la mineur op. 7 n° 5 ; Ouverture de Scylla et Glaucus. Théotime Langlois de Swarte, violon. Ensemble Les Ombres, direction artistique : Sylvain Sartre et Margaux Blanchard