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Paris. Philharmonie, Cité de la Musique. Du 10-II-2022 au 26-VI-2022. Exposition Révolutions Xenakis. Thierry Maniguet et Mâkhi Xenakis, commissaires de l’exposition. Scénographie, Jean-Michel Wilmotte. Installations sonores et visuelles : studio d’arts numériques ExperiensS. Catalogue sous la direction de Makis Solomos, coédition Les Editions de l’œil et Musée de la Musique, Philharmonie de Paris, 323 pages
Iannis Xenakis aurait eu 100 ans. À la Cité de la Musique, la Philharmonie de Paris rend hommage au compositeur, architecte et ingénieur grec, qui marqua la deuxième moitié du XXᵉ siècle par son audace et sa modernité radicale, faisant figure de pionnier en bien des domaines.
Né en 1922, ou peut-être 1921 ou encore 1924 (plusieurs passeports exposés laissent planer le doute), dans une famille de la diaspora grecque en Roumanie, il n'a que cinq ans lorsque sa mère décède prématurément. Il passe alors sa prime enfance et sa jeunesse en Grèce le temps de ses brillantes études, le temps de la guerre aussi. Engagé dans la résistance, persécuté et traqué, il s'exilera en France en 1947 sous le statut de réfugié politique, après avoir été grièvement blessé au visage par un éclat d'obus. Bref résumé d'une vie tôt marquée au fer rouge de la douleur, de la violence et de la révolte, où fermente l'œuvre à venir. Puisés dans la collection familiale, comme la plupart des documents montrés, quelques photos et objets en sont les témoignages émouvants.
De l'attrait pour la musique qu'il tient de sa mère, du goût pour la littérature et l'antiquité grecque, de sa passion pour les mathématiques, il ne laissera rien de côté, devenant ingénieur, architecte, compositeur, informaticien… et lecteur insatiable de Platon. L'exposition met en avant sa première rencontre déterminante, celle de Le Corbusier qui l'embauche comme ingénieur et lui permet sa première réalisation en l'associant au projet du Pavillon Philips de l'Exposition Universelle de 1958 à Bruxelles. Il a alors en charge le projet architectural, mais aussi une partie de la réalisation sonore dont le Poème Électronique d'Edgard Varèse constitue la pièce musicale maîtresse. Maquette originale, photos, ébauches, dessins, projections de vues de chantier, et la diffusion de Concret P.H., l'intermède musical en question, donnent un aperçu complet de cette œuvre fondatrice. Autres grandes rencontres évoquées, lettres à l'appui, celle d'Olivier Messiaen qui l'encouragea et lui apporta son soutien, et celle du chef d'orchestre Hermann Scherchen, cet « accoucheur de la musique » qui créa plusieurs de ses œuvres musicales dans le monde entier (Pithoprakta à Munich, Achorripsis à Buenos-Aires, Terretektorh au Festival de Royan…).
Sur les cimaises, dessins architecturaux, graphiques, esquisses, plans et partitions se répondent, montrant les procédés compositionnels originaux de Xenakis, révélateurs de sa vision unitaire du monde. Une musique qui se donne à voir et une architecture qui s'écoute, l'ensemble sous-tendu par des lois mathématiques complexes. Pour transcrire ce que le compositeur imagine, la notation musicale traditionnelle ne suffit pas : matrices colorées, tracés de courbes évoquant les glissandi de cordes de Metastasis, nuages de points reliés représentant les masses sonores de Pithoprakta et leur transformation dans le temps, combinaisons de traits multicolores figurant des timbres instrumentaux et des hauteurs de sons… captivent l'œil du visiteur, tandis que la musique le surprend, alors soudain plongé dans le noir : un « court circuit », installation conçue par le studio d'art numérique ExperiensS, propage avec intensité un extrait de la Legende d'Eer, œuvre électro-acoustique, reconstituant avec des flashes lumineux courant au plafond l'ambiance des Polytopes réalisés dans les années 70, œuvres visuelles et sonores installées dans des endroits divers tel ici le Diatope de Beaubourg, que l'on pouvait contempler allongé sur le sol.
Tel aussi le projet non concrétisé de Polytope mondial destiné à relier par la lumière et le son les populations en « lançant des ponts artistiques par-dessus les océans ». Utopie, tout comme celle de la Ville Cosmique et ses édifices de cinq kilomètres de haut pouvant accueillir 25 millions d'habitants, permettant de préserver l'environnement naturel, préoccupation visionnaire de l'architecte.
Autre préoccupation majeure de Xenakis, celle du rapport espace-temps qu'il concrétise en musique dans la spatialisation du son : une vitrine présente des schémas d'implantation des musiciens pour diverses compositions dont Persephassa pour percussions, qu'un dispositif permet d'entendre dans sa version spatialisée originale. Enfin la danse, avec Kraanerg, le ballet composé par Xenakis et chorégraphié par Roland Petit, dont la représentation historique est projetée sur un mur, complète le portrait de l'artiste
La visite se termine dans son domaine privé, vu par effraction à travers les fentes d'une paroi courbe : reconstitution touchante de son bureau, peuplé de livres, photographies et objets lui ayant appartenu. L'exposition offre un prolongement dans le Musée de la Musique, où l'on peut voir au beau milieu des instruments anciens, une dizaine d'œuvres d'art cinétique de Bolognini, Vasarely, Morellet, Soto… en rapport avec l'œuvre de Xenakis.
Crédits photographiques : Xenakis et Le Corbusier © collection philips-DR ; Exposition à la Philharmonie de Paris © Gil Lefauconnier (photo in situ)
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Paris. Philharmonie, Cité de la Musique. Du 10-II-2022 au 26-VI-2022. Exposition Révolutions Xenakis. Thierry Maniguet et Mâkhi Xenakis, commissaires de l’exposition. Scénographie, Jean-Michel Wilmotte. Installations sonores et visuelles : studio d’arts numériques ExperiensS. Catalogue sous la direction de Makis Solomos, coédition Les Editions de l’œil et Musée de la Musique, Philharmonie de Paris, 323 pages