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Vienne. Wiener Staatsoper. 4-II-2022. Giacomo Puccini (1858-1924) : Manon Lescaut, drama Lyrica en 4 actes sur un livret de Luigi Illica, Giuseppe Giacosa et Marco Praga, d’après L’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut de l’Abbé Prévost. Mise en scène & Lumières : Robert Carsen. Décors & Costumes : Antony McDonald. Chorégraphie : Philippe Giraudeau. Dramaturgie : Ian Burton. Avec : Asmik Grigorian, Manon Lescaut ; Boris Pinkhasovich, Lescaut ; Brian Jagde, Il Cavaliere Renato des Grieux ; Josh Lovell, Edmondo/Il maestro di ballo/Un Lampionaio ; Artyom Wasnetsov, Geronte di Ravoir/Il comandante di marina ; Marcus Pelz, L’oste ; Ilja Kazakov, Sergente degli arcieri. Daliborka Lühn-Skibinski, Dijana Kos, Anna Charim, Dymfna Meijts, quatre chanteuses. Chor der Wiener Staatsoper (Chef de chœur : Thomas Lang). Orchester der Wiener Staatsoper, direction : Francesco Ivan Ciampa
Créée en 2005, la production de Robert Carsen pour Manon Lescaut de Puccini réapparait cette saison au Wiener Staatsoper et permet d'y entendre la magnifique Asmik Grigorian dans le rôle-titre et le beau chevalier des Grieux de Brian Jagde.
Depuis sa création en 2005 dirigée par Seiji Ozawa, prévue pour Alexia Cousin tout de suite remplacée par Barbara Haveman, la production de Manon Lescaut par Robert Carsen, qui transpose l'action dans le béton des villes neuves asiatiques avait peu intéressé la presse locale viennoise. Reprise cette saison pour quelques dates, dont la première annulée à cause du Covid-19, la mise en scène assume son parti pris et trouve encore dix-sept ans après une bonne efficacité, malgré les libertés prises par le metteur en scène avec le livret.
D'une rue pleine de vitrines de grands magasins, l'action d'Amiens est alors transportée vers l'Asie, où l'argent attire maintenant comme en Occident, avec une disparité riches-pauvres plus marquée, à l'instar de trois siècles plus tôt en France. Le deuxième acte laisse apparaître un port asiatique par les fenêtres en fond de scène, qui prépare déjà au transfert du Havre au troisième, toujours dans le même décor, mais sous une lumière verdâtre et dans une rue aux devantures totalement fermées ; les mêmes seront rouvertes dans un décor dévasté pour le final américain. De ce monde où les prostituées sont de luxe et où l'Opéra profite du mécénat de Lexus pour emporter Manon dans une berline LS-430 modèle 2005 en fin d'acte II, Carsen adapte le rôle d'Edmondo, qui devient paparazzi et reprend également les rôles du maître de ballet et de lampiste. En parrain de la pègre, le géant Géronte tient aussi le rôle du commandant et c'est lui qui permet à Des Grieux de monter sur le bateau avec son amante à la fin de l'acte III.
Lors de cette seconde représentation de cette reprise devenue première, sans répétition ou presque puisque l'on est dans un système de répertoire, la musique met quelques minutes à s'organiser sous la direction de Francesco Ivan Ciampa. Puis l'énergie du chef italien porte toute la soirée, avec un Orchester der Wiener Staatsoper souvent très sonore, mais toujours dynamique et même romantique à l'Intermezzo. D'abord en débordement des cordes, les bois s'ajustent au fur et à mesure et portent la scène finale, juste dirigée de manière un peu trop droite, mais toujours d'une belle flamme. Le Chor der Wiener Staatsoper prend le même temps à se coordonner pour finalement être totalement chaud dès la fin de l'acte I, très bien préparé tant pour le chant (Thomas Lang) que pour la danse (Philippe Giraudeau).
Sur le plateau, l'Edmondo vaillant de Josh Lovell se montre seulement parfois un peu court en fin d'aigu, quand le Geronte de deux mètres d'Artyom Wasnetsov impressionne tant par sa stature physique que vocale, encore aussi impactant par les graves lors de sa décision à la place du commandant. Markus Pelz offre un hôte dynamique et Ilja Kazakov un Sergente bien présent. Dans les premiers rôles, Lescaut trouve avec Boris Pinkhasovich un frère à la voix parfaitement projetée sur tout le registre bas-médium et grave. En chevalier Des Grieux, le ténor américain Brian Jagde procure toute sa puissance, rarement très nuancée, mais utilisée d'un chant déclamatoire émotionnel, particulièrement au duo d'amour de l'acte II et à la scène finale.
Et puis arrive Asmik Grigorian, entendue dans le rôle-titre à Vilnius et Riga depuis une décennie, mais parvenue à un autre niveau de carrière depuis sa Salomé salzbourgeoise en 2018. La soprano ne possède peut-être pas la puissance et la ductilité latine des références dans le rôle, mais la tenue de la voix dès l'entrée, puis la beauté des duos et le réalisme de la mort achèvent de nous convaincre. Superbe en scène, elle est aussi d'une pureté vocale sur toute la tessiture, toujours sublime dans un aigu jamais poussé à la démonstration et bien ajusté pour délivrer les émotions fortes de Manon. Une fois encore, cette soirée démontre l'intouchable niveau de qualité du répertoire dans la maison viennoise.
Crédits photos : ©Wiener Staatsoper / Michael Pöhn
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Vienne. Wiener Staatsoper. 4-II-2022. Giacomo Puccini (1858-1924) : Manon Lescaut, drama Lyrica en 4 actes sur un livret de Luigi Illica, Giuseppe Giacosa et Marco Praga, d’après L’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut de l’Abbé Prévost. Mise en scène & Lumières : Robert Carsen. Décors & Costumes : Antony McDonald. Chorégraphie : Philippe Giraudeau. Dramaturgie : Ian Burton. Avec : Asmik Grigorian, Manon Lescaut ; Boris Pinkhasovich, Lescaut ; Brian Jagde, Il Cavaliere Renato des Grieux ; Josh Lovell, Edmondo/Il maestro di ballo/Un Lampionaio ; Artyom Wasnetsov, Geronte di Ravoir/Il comandante di marina ; Marcus Pelz, L’oste ; Ilja Kazakov, Sergente degli arcieri. Daliborka Lühn-Skibinski, Dijana Kos, Anna Charim, Dymfna Meijts, quatre chanteuses. Chor der Wiener Staatsoper (Chef de chœur : Thomas Lang). Orchester der Wiener Staatsoper, direction : Francesco Ivan Ciampa