L’harmonie en question, par Claude Abromont et Eugène de Montalembert
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Claude Abromont et Eugène de Montalembert : Vocabulaire de l’harmonie. Éditions Minerve, collection Musique ouverte. 251 pages. 19,50 €. Septembre 2021
Cerner au plus près la notion d'harmonie : c'est la mission que se sont donnée les deux auteurs de ce livre, Claude Abromont et Eugène de Montalembert. Vocabulaire de l'harmonie, treizième de la collection des éditions Minerve, est le fruit d'un travail à quatre mains où convergent l'érudition et la réflexion des deux têtes chercheuses dans un cadre spatio-temporel le plus large possible.
Si le mot « Harmonie » recouvre à lui seul sept acceptions différentes, avec l'entrée « Contrepoint », sous l'impulsion du spécialiste en la matière Eugène de Montalembert, c'est l'archéologie de l'harmonie qui est reconstituée. La notice s'intéressant à l'avancée de la polyphonie à partir du IXᵉ siècle friserait le hors-sujet s'il ne débouchait sur les prémices de l'harmonie avec la mention dès 1612 de la « monade » définie par Johannes Lippius dans Synopsis musicae novae : un accord à trois sons que la pratique d'instruments polyphoniques tels que l'orgue, le luth ou le théorbe tend à répandre. Chaque terme du dictionnaire est considéré au regard de l'histoire, comme celui de « Cadence » (une des notices les plus développées de l'ouvrage) dont les auteurs font remonter l'origine du mot aux IIᵉ et IIIᵉ siècles de notre ère ; tout comme l' « Enharmonie » et ses quatre acceptions dont la première relève de la théorie de la musique grecque antique. Passionnante également, et extrêmement fouillée, « Basse chiffrée » suscite un véritable travail d'historien s'appuyant sur les traités d'époque des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles et associe plusieurs exemples musicaux (traités et partitions) illustrant cette technique d'accompagnement à différentes époques.
Autre entrée, le « Chiffrage » (les codes pour renseigner la nature et la fonction des accords, dans l'analyse harmonique notamment) a évolué au cours des siècles, du XVIIᵉ à nos jours, comme le mentionnent les auteurs, et varie d'un pays à l'autre. Ainsi ont-ils confronté dans un tableau très éclairant qui regroupe les accords les plus usités, le chiffrage français, toujours opérationnel dans les conservatoires, et le chiffrage international (adopté désormais par l'enseignement universitaire) qui tend aujourd'hui à s'imposer. Plus spécifique encore, le problème épineux (tout professeur d'analyse s'y sera heurté) des accords de cadence (« Quarte et sixte cadentielle ») est dûment exposé ainsi que les six façons – bonnes et mauvaises – de les chiffrer.
Parmi les 72 entrées du dictionnaire liées entre elles par un système de renvois, les termes moins usuels d' « Anhémitonique », « Copula », « Tonicisation », « Rosalie » ou encore « Anatole » ne peuvent qu'exciter la curiosité du lecteur ; quant à celui d' « Échelle non-octaviante », il offre un sujet qu'avait à cœur d'aborder Claude Abromont marchant sur les brisées de son maître Claude Ballif. La notice met en lumière les théories encore trop peu connues d'Ivan Wyschnegradsky sur les « octaves contractés et dilatés », de nouveaux espaces harmoniques conçus dans l'univers de la microtonalité.
Le dictionnaire est très maniable et d'une lecture aisée, qui pourra répondre aux questions du mélomane, former l'esprit de l'apprenant et combler les attentes du spécialiste.
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Claude Abromont et Eugène de Montalembert : Vocabulaire de l’harmonie. Éditions Minerve, collection Musique ouverte. 251 pages. 19,50 €. Septembre 2021
Éditions Minerve