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Musiciennes de légende, de l’ombre à la lumière. Marina Chiche. First Editions. 180 pages. 21,95 €. Octobre 2021
La violoniste et productrice d'émissions de radio Marina Chiche poursuit son travail de réhabilitation des femmes artistes et créatrices avec le livre Musiciennes de légende. Une publication qui surfe sur la vague féministe, et contribue utilement à la renforcer.
À lire le texte de présentation au dos de l'ouvrage, millimétré pour affirmer un ton militant en faveur du rôle des femmes et pour une meilleure parité, on comprend que l'ouvrage ambitionne d'être davantage qu'une simple anthologie de biographies qu'on pourrait trouver aussi bien sur Wikipédia. L'absence du sujet brûlant des relations entre musiciens et des avances et pressions d'ordre sexuelles, et l'utilisation du concept contemporain de « plafond de verre » qui ne s'appliquait pas aux femmes des XIX et XXᵉ siècles dont l'ascension était bloquée par un plafond parfaitement visible, aussi bas que quasi-indestructible, font craindre que cet ouvrage grand public (en atteste le choix de l'éditeur FIRST éditions) et institutionnel (le tampon France Musique) reste bien lisse.
Au final, l'objectif de défendre les grandes artistes d'hier et d'encourager les jeunes générations à s'affirmer face aux hommes est atteint. Certes, les questions d'avances sexuelles et leurs conséquences pour celles qui refusent ne sont abordées que de manière allusive, et, de la trentaine de musiciennes évoquées, toutes n'ont pas eu comme difficulté principale leur condition féminine mais ont pu souffrir du racisme (Hazel Harrison, Marian Anderson), de l'antésimitisme (Clara Haskil), du régime politique (Maria Youdina pour s'être opposée au pouvoir soviétique, Nejiko Suwa pour avoir été soutenue par le régime nazi), de la maladie (Kathleen Ferrier, Jacqueline du Pré, Ida Presti, Lili Boulanger). Au fil des portraits, on prend mieux conscience de la problématique de l'exposition et de l'engagement du corps, celui des violonistes et encore plus des violoncellistes (dont le jeu ou la position ont pu être jugée indécents), mais aussi des préjugés sur les compositrices (Rebecca Clarke) ou les cheffes d'orchestre (Antonia Brico), ou encore du choix déchirant de renoncer à être mère (Maria Callas) ou à être concertiste (Camilla Wicks). Et si, pour Marina Chiche, on a tendance à oublier Ginette Neveu, c'est que sa vie s'est brisée trop tôt dans un accident d'avion.
Fort heureusement, toutes ces femmes n'ont pas eu qu'une destinée tragique, et ont pu surmonter, pour l'essentiel, épreuves et préjugés, de Pauline Viardot à Ida Haendel en passant par Clara Schumann ou Nadia Boulanger. D'autres femmes victorieuses apparaissent ici ou là, comme la princesse Winnaretta Singer-Polignac, liée à Nadia Boulanger.
Doit-on se réjouir que ce livre témoigne de la prise de conscience que la femme musicienne est bien l'égale de son partenaire masculin, ou doit-on regretter qu'on en soit encore là en 2021 ? Un mot pour souligner que l'iconographie est réussie, mais l'absence de légendes est aussi curieuse que regrettable.
Un ouvrage efficace, que l'on sait nécessaire aux hommes, et que l'on souhaite inspirant aux femmes.
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Musiciennes de légende, de l’ombre à la lumière. Marina Chiche. First Editions. 180 pages. 21,95 €. Octobre 2021
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