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Lyon ressuscite Le Messie par Deborah Warner

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Lyon. Opéra. 13-XII-2021. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Le Messie, oratorio sur un livret de Charles Jennens. Mise en scène : Deborah Warner. Avec : Anna Devin, Abel Dauly, sopranos ; Christine Rice, alto ; Allan Clayton, ténor ; Christopher Purves, basse. Chœur, Maîtrise (chef de chœur : Karine Locatelli) et Orchestre de L’Opéra de Lyon, direction : Stefano Montanari

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Monté en 2009 à l'ENO, montré en 2012 à Lyon, Le Messie mis en images par reste toujours aussi impersonnel.


« À Vienne, j'ai vu une version qui commençait par les funérailles d'un suicidé, suivie de toute son histoire. Pour moi, cela ne fonctionnait pas. » Ainsi parle la metteuse en scène anglaise d'un des spectacles les plus forts auxquels il nous a été donné d'assister : Le Messie mis en scène par Claus Guth au printemps 2009 au Theater an der Wien (puis à Nancy), quelques mois avant que cette tentative inédite de mettre en scène le plus célèbre oratorio de Haendel ne fût suivie à l'automne d'une autre, celle de .

« Mon approche n'est pas aussi directe... » Mais quelle approche ? Au terme des 3h20 de la représentation, dont les deux entractes respirent judicieusement avec la construction tripartite de l'œuvre, on peine à en saisir le fil conducteur. L'Ouverture allèche avec d'élégants panneaux vidéographiés déroulant les images, qu'on croirait tirées de Koyaanisqatsi, de l'infernal mouvement perpétuel d'une société à grande vitesse au cœur de laquelle l'individu ne peut qu'être pris d'un vertige cosmique propice aux questionnements existentiels. La suite n'est qu'alignement de vignettes à la piété naïve (icônes, accessoires sulpiciens…) sporadiquement plaquées sur le quotidien d'une contemporanéité en déshérence traduite scéniquement par des errances de choristes dont la trajectoire semble le plus souvent dictée par le seul souci de se retrouver en place face public pour envoyer le son d'une partition qui fait du chœur le personnage principal. Les déambulations, que tente de dynamiser la chorégraphie passe-partout de , sont d'une lisibilité toute relative. Un enfant blond va et vient, fait la pluie et le beau temps chez les solistes, bref se mêle de tout sur commande, et l'on en vient même à douter que sa conséquente mission scénique avoue un autre but que celui de séduire un public (applaudimètre à fond aux saluts) prompt à s'attendrir. Dans la Pifa se trouve peut-être la clé de l'approche de , qui joue à fond la naïveté d'une représentation de fête d'école de fin d'année devant un public de parents d'élèves complaisants. Alors que, plus curieusement, il arrive que, sans crier gare, elle pratique ce qu'elle condamnait : sur I know that my Redeemer liveth, on est presque gêné, dans l'œcuménisme d'un tel contexte, de devoir être témoin, via une interminable toilette mortuaire sur lit médicalisé avec soignants, de tous les détails d'une fin de vie. Une frontalité bien surprenante que le scénario viennois (DVD Cmajor) pratiquait avec une toute autre subtilité.

Les costumes, d'une banalité voulue, n'étant gratifiants pour personne, le jeu d'orgues jouant (non sans risques pour le cyclorama du fond de scène) sur un sol en miroir constitue un vrai motif de satisfaction esthétique. Le spectacle, qui donne le sentiment que l'on est davantage au théâtre (d'où vient Deborah Warner) qu'à l'opéra (où ses Britten ont retenu l'attention), ploie forcément sous l'ombre portée de celui de Guth (suffocant thriller émotionnel) et même de Wilson (lumineuse torche poétique).


Même les quatre voix solistes, toutes venues d'Albion, semblent peiner à se déployer, comme corsetées par le déficit dramaturgique. Surtout , habitué à d'autres défis haendéliens (à quel Saul Barrie Kosky l'entraîna !). La bête de scène est ce soir comme abandonnée, condamnée à n'exister que par les notes : une certaine nasalisation caractérise les vocalises, la gestion du souffle affleure sur The trumpet shall sound, donné avec sa reprise, la voix retrouvant le théâtre au cours des brefs récitatifs, notamment le si troublant Behold, I tell you a mystery. Le soprano d' est pur et tranquille. L'alto de affiche sa belle couleur. Les deux femmes donnent néanmoins le sentiment de rester dans la confidence. affirme au fil de la soirée une juvénile élégance vocale. Plus juvénile encore, c'est un enfant () qui assure crânement la partie de soprano qui suit la Pastorale. Le chœur, partiellement masqué (n'aurait-on pu reléguer les rares masques au second plan ?), un peu disparate au début (l'effet de la première ?) gagne très progressivement en cohésion, jusqu'à un galvanisant Alleluia et un Finale d'un profond recueillement.

, toujours passionnant dans le baroque, convie la phalange lyonnaise, dont ce n'est pas vraiment la tasse de thé, à moult accents à la personnalité marquée : l'allegro de la Sinfony d'ouverture rebondit à merveille, le toujours tétanisant Surely est conclu d'un bel abrupt. Le Finale surprend par sa soudaine lenteur jusqu'à un Amen conclu sous les paillettes choyant du ciel de l'Opéra Nouvel… sur le public ! Un public si heureux de voir s'animer en images la sublime profondeur de cette musique populaire (qu'Haendel qualifia étrangement de « divertissement ») qu'il fait un long triomphe à ce Messie donné sans aucune coupure : Alleluia !

Crédits photographiques : © Stofleth

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Lyon. Opéra. 13-XII-2021. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Le Messie, oratorio sur un livret de Charles Jennens. Mise en scène : Deborah Warner. Avec : Anna Devin, Abel Dauly, sopranos ; Christine Rice, alto ; Allan Clayton, ténor ; Christopher Purves, basse. Chœur, Maîtrise (chef de chœur : Karine Locatelli) et Orchestre de L’Opéra de Lyon, direction : Stefano Montanari

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