Herbert Blomstedt, rayonnant et toujours créatif à la Radio Bavaroise
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Munich. Herkulessaal. 10-XII-2021. Wilhelm Stenhammar (1871-1927) : Concerto pour piano et orchestre n° 2 op. 23 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n° 3 Eroica op. 55. Martin Sturfält, piano ; Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise ; direction : Herbert Blomstedt
Stenhammar pour les curieux, Beethoven pour les amateurs de valeurs sûres, et un orchestre au mieux de sa forme pour l'accompagner.
L'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise aime les longs compagnonnages, et sa programmation met à l'honneur des chefs vétérans qui reviennent chaque année. Hélas, Bernard Haitink n'est plus, Mariss Jansons est mort après seize ans de direction sans voir la nouvelle salle de concert qui lui avait été promise ; il reste encore, fort heureusement, Herbert Blomstedt, dont nous avions pu commenter les concerts de 2016, 2017, du printemps et de l'été 2019 – le beau programme prévu pour 2020, avec le chœur de la Radio bavaroise, ayant hélas subi les effets de la pandémie. En 2017 déjà, il s'était préoccupé de faire entendre Stenhammar au public munichois ; cette fois, c'est son très ambitieux second concerto pour piano qu'il a mis au programme avec le pianiste suédois Martin Sturfält. Le compositeur savait bien qu'il n'était pas à la pointe de l'avant-garde en composant cette œuvre créée en 1908, mais il y a là une irréductible originalité qui ne se réduit certainement pas au programme qu'il donnait à sa musique – clarté, joie et naïveté – face aux innovations de Schönberg. La partie de piano, diabolique autant par sa difficulté que par ses caprices méphistophéliques, fait penser à Liszt plus qu'aux compositeurs de son temps, mais ce n'est pas un mince compliment en matière de capacité d'invention. Rares sont les pianistes qui ont cette œuvre à leur répertoire : Martin Sturfält, auquel Blomstedt fait régulièrement appel, est parfaitement à son aise et se fait efficacement l'avocat de son irréductible originalité.
Après l'entracte, au contraire, Blomstedt a choisi un tube, sans doute pour conquérir un public que Stenhammar aurait pu décourager. Sa Troisième de Beethoven est tout sauf un monument – on est loin de la grandeur un peu marmoréenne que Mariss Jansons lui donnait avec ce même orchestre. Ce Beethoven-là est décidément jeune, plein d'idées, parfois pressé, et jamais avare de surprises. La fraîcheur de l'approche est enivrante : on sent bien ici quel effet a pu faire une telle œuvre sur un public nourri aux œuvres de Haydn et Mozart. Le tempo du premier mouvement est vif, les timbres pétillent, et Blomstedt prend un visible plaisir à faire entendre les changements de direction et les ruptures, sans pour autant interrompre le flux irrésistible de la musique. L'orchestre est à la fête : clarinette, hautbois, timbales, les instrumentistes se régalent, les cordes savent tout faire de la légèreté ouatée aux coups d'archet acérés. L'orchestre de la Radio bavaroise est un excellent orchestre, mais comme tous les orchestres le plaisir est décuplé quand un chef d'exception apporte un surcroît de motivation.
La marche funèbre est tout sauf triomphale, solennelle sans doute, mais plus à l'écoute de l'émotion intérieure (jusqu'aux bouleversements des timbales) que de son écho extérieur, avec une tendance marquée à l'élégie. Les deux derniers mouvements, eux, sont tout empreints du sens de la danse que Blomstedt goûte tout autant que les sentiments austères de l'élégie ; dans le scherzo, le motif de chasse des trois cors est mis en avant avec gourmandise, et le motif qui donne son surnom à l'œuvre, dans le finale, retrouve son origine dansée, avec des arêtes affirmées et beaucoup de chic. Blomstedt n'est pas un révolutionnaire remuant à la façon de Harnoncourt ou de Jacobs, mais à sa manière discrète et souriante, il mène les spectateurs vers une expérience nouvelle de l'œuvre, sans effets mais sans concession. Pas étonnant que l'orchestre de la Radio Bavaroise partage cet état de grâce avec lui et avec le public.
Crédits photographiques : © Astrid Ackermann
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Munich. Herkulessaal. 10-XII-2021. Wilhelm Stenhammar (1871-1927) : Concerto pour piano et orchestre n° 2 op. 23 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n° 3 Eroica op. 55. Martin Sturfält, piano ; Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise ; direction : Herbert Blomstedt