Saint-Saëns au fil de la plume

Camille Saint-Saëns, compositeur prolifique, voyageur infatigable, interprète virtuose, ne dédaignait pas la plume de critique musical, et Karol Beffa nous en révèle les bonnes feuilles.

Saint-Saëns étonne décidément. Combien de mélomanes savent qu'au surplus des 20 000 courriers qu'il a échangés avec ses contemporains, il aimait à faire connaître son opinion sur toutes sortes de sujets, de l'astronomie à la zoologie, en passant par la botanique ou la psychologie ?

Naturellement, c'est à son opinion sur la musique que les mélomanes prêteront intérêt. S'il ne s'agit pas de dire que Saint-Saëns est de la stature d'un Hector Berlioz ou d'un George Bernard Shaw, il a écrit des pages sur ses contemporains d'une finesse et d'un tranchant qui justifient de figurer dans une belle bibliothèque musicale.

Ce qui rend particulièrement délectables les portraits et analyses sur Berlioz (la défense la plus ardente), Bizet (la plus amicale), Gounod, Liszt (la plus chaleureuse), Massenet (la plus soigneusement ambiguë et équilibrée, un modèle), Rossini, Pauline Viardot (qui fascine Saint-Saëns, et pour laquelle il a ce mot : « elle n'était pas belle, elle était pire »), c'est qu'il parle de manière franche, directe, simple, non dénuée d'humour, parfois provocateur, et que devant vous s'animent la vie musicale de cette époque, dont il retrace en des traits rapides les changements constants et les perspectives nouvelles. Toutes ces grandes personnalités – et la sienne propre – prennent vie et nous paraissent étonnamment proches. Eh oui, Saint-Saëns nous a quittés il y a 100 ans tout juste, et la fraîcheur de ses analyses nous confirme que c'était hier.