Semyon Bychkov dirige les Berliner Philharmoniker dans une création de Larcher et la 4e de Mahler
Plus de détails
Berlin. Philharmonie. 4-XII-2021. Thomas Larcher (né en 1963) : Concerto pour piano et orchestre. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 4 en sol majeur. Chen Reiss, soprano. Kirill Gerstein, piano. Berliner Philharmoniker, direction : Semyon Bychkov
Débuté par une très intéressante création, le Concerto pour piano de Thomas Larcher, avec pour soliste Kirill Gerstein, le concert des Berliner Philharmoniker dirigé par Semyon Bychkov expose ensuite toute la maturité du chef dans la Symphonie n°4 de Mahler avec Chen Reiss en soliste.
Un mois après la création du Concerto pour piano de Peter Eötvös à Budapest et Paris, un autre concerto d'importance apparaît pour le même effectif, celui de l'Allemand Thomas Larcher. Commençant par des couleurs bleutées à l'instrument soliste, le premier des trois mouvements, Poco lento, se développe dans une atmosphère froide, surtout aux violons, puis au cymbalum. Kirill Gerstein apporte son geste à la partition, intelligent et précis, vif dès que le rythme s'accélère. Au milieu des lumières aquatiques, installées en partie par le bâton de pluie de l'un des percussionnistes, le concerto offre ensuite une cadence, qui permet au pianiste d'afficher sa dextérité sur tout l'ambitus du clavier, avant de laisser à nouveau l'orchestre l'accompagner.
Passé le premier mouvement de presque vingt minutes, l'Adagio, tempo rubato contraint Gerstein, déjà souvent dans le cadre du piano pour y pincer ou bloquer des cordes, d'ajouter à présent des tampons aux marteaux sur environ deux octaves en milieu de clavier. Son Steinway se matifie alors pour créer des sonorités asiatiques, bien relevées par les bruits lointains des percussions, dont ceux des brosses glissées sur les peaux des timbales et grosses caisses, ainsi que par les nappes de cordes. Le dernier mouvement, Fast, utilise cette fois le bois des percussions et permet à Gerstein de libérer sa technique, ainsi qu'aux cordes graves de montrer toute leur raucité.
Au retour d'entracte, Semyon Bychkov revient à Mahler, déjà porté magnifiquement en début de saison à la Philharmonie de Paris dans la Symphonie n° 2. Il reprend à la Philharmonie de Berlin la Quatrième, avec devant lui une machine orchestrale toujours aussi fascinante dans ce type d'ouvrage. Débuté par un surprenant rubato aux violons dès la fin de la première phrase, le premier mouvement, Bedächtig, se développe tranquillement sur les bruits de clochettes, de plus en plus allant à mesure qu'il avance. Le second In gemächlicher Bewegung, met encore un peu plus en avant les qualités des musiciens berlinois, dont évidemment le premier violon, Noah Bendix-Balgley, jouant en alternance son violon normal et le violon désaccordé, presque trop bien joué tant le legato est parfait.
Encore plus fascinant, le Ruhevoll est pris par Bychkov dans un tempo extrêmement lent, où seuls quelques chefs, dont Abbado, réussissaient à en tirer la substance. À la splendeur des cordes et des cors s'ajoutent alors celles des bois avec la flûte peut-être légèrement en retrait. Andreas Ottensamer à la clarinette offre son large souffle à tous ses soli, et surtout Jonathan Kelly au hautbois magnifie chacune de ses interventions, bien assisté aussi par le cor anglais de Dominik Wollenweber. Le timbalier, demandé martial et très soutenu dans le climax en fin de mouvement, retrouve ensuite plus de subtilité au finale.
Plus que la démonstration de musiciens exceptionnels, c'est surtout la vision globale du chef qui attire particulièrement à partir du mouvement lent, puis au suivant, où la soprano Chen Reiss apporte toute la justesse et la pureté de son chant. Très souple et lyrique sur tout l'aigu, elle moire ses couleurs vocales dans le plus haut du spectre, toujours avec une excellente maîtrise du texte, impeccablement prononcé. Parfaitement emportée vers les dernières phrases du lied du Knaben Wunderhorn, elle s'éteint sur un doux Daß alles für Freuden erwacht (Et tout s'éveille à la joie), plaquée par les derniers accords graves à la harpe de Marie-Pierre Langlamet, demandés très mats par le chef.
Crédit Photographiques : © Ole Schwartz
Plus de détails
Berlin. Philharmonie. 4-XII-2021. Thomas Larcher (né en 1963) : Concerto pour piano et orchestre. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 4 en sol majeur. Chen Reiss, soprano. Kirill Gerstein, piano. Berliner Philharmoniker, direction : Semyon Bychkov