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Le voyage au bout de la nuit du Quatuor Ébène

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Paris. Cité de la Musique, Salle des concerts. 17-XI-2021. Salvatore Sciarrino (né en 1947) : Ai limiti della notte pour alto solo. Henri Dutilleux (1916-2013) : Trois Strophes sur le nom de Sacher ; Ainsi la nuit. Raphaël Merlin (né en 1982) : Night Bridge. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Verklärte Nacht op. 4 pour sextuor à cordes. Pierre Colombet, Gabriel Le Magadure, violon ; Marie Chilemme, Antoine Tamestit, alto ; Raphaël Merlin, Nicolas Altstaedt, violoncelle

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Dans la salle des concerts de la Cité de la Musique, le , rejoint par à l'alto et au violoncelle, interprétait le programme de leur dernier disque, un parcours nocturne envoûtant, jalonné par deux chefs d'œuvre du XXe siècle : Ainsi la nuit d' et La nuit transfigurée d'.


La salle de concert est plongée dans l'obscurité. Un frémissement émerge du silence, le public est suspendu au fil ténu des sons suraigus, effleurés, touchant à l'imperceptible, d'un alto. L'œuvre qui ouvre le concert, Ai limiti della notte pour alto solo, une des pièces nocturnes (avec Autoritratto nella notte, Allegoria della notte, La navigazione notturna) du compositeur , est un choix idéal d'ouverture d'un concert. Il faut la souplesse et la maîtrise d' pour rendre cette musique à la fois fixe et fuyante et évoquer aussi bien les bruits d'une nature nocturne. prend le relais avec Trois Strophes sur le nom de Sacher, pièce de circonstance de Dutilleux, commandée par Mstislav Rostropovitch à douze compositeurs (avec Messagesquisse de Pierre Boulez par exemple), et hommage au mécène et chef d'orchestre Paul Sacher. Le violoncelle rapide, avec un archet léger, est d'une virtuosité remarquable donnant une illusion de liberté en dépit de sa grande précision, que ce soit dans l'alternance entre frottements et pincements de cordes ou dans le déroulement virtuose de la troisième strophe. Introspectives et nocturnes, mais bien plus lyriques que la première pièce, ces Trois Strophes font le lien avec le quatuor Ainsi la nuit. Chef d'œuvre de poésie, l'œuvre forme un ensemble cohérent, dont les sept parties, entrecoupées de sections courtes appelées Parenthèses, se font écho dans un subtil jeu de réminiscences. Le , qui a noué une véritable intimité avec l'œuvre, en offre peut-être une des meilleures interprétations, aussi bien dans la continuité du discours d'ensemble que dans l'expression de chaque section, de la profondeur des Nocturnes aux deux Litanies si envoûtantes et lyriques, jusqu'au bien nommé Temps suspendu final.

La scène s'éclaire un peu en deuxième partie et le sextuor de cordes est au complet. Pour faire transition entre Dutilleux et Schoenberg, le violoncelliste du , , a composé Night Bridge, créée en 2017, qui mêle les influences de ces deux phares de la musique pour quatuor et celles du jazz avec des citations de standards (« Moon River », « Night and day », ou « Stella by night »). Ces évocations fonctionnent comme des réminiscences, des souvenirs mélo surgissant de la nuit. La pièce, qui s'inscrit assez bien dans le programme, souffre malgré tout de la comparaison et reste anecdotique. Les musiciens poursuivent en fondu enchaîné avec La nuit transfigurée, le chef d'œuvre précoce de Schoenberg d'avant sa période dodécaphonique, dont l'intensité dramatique est resserrée dans sa version pour sextuor de cordes. En osmose, les musiciens trouvent un équilibre assez rare entre lyrisme, tension dramatique et sonorités introspectives. Depuis les ténèbres du début, au pianissimo merveilleusement audible, l'ensemble dessine la grande courbe dramatique, ses péripéties (un mouvement Rascher particulièrement poignant), qui conduit à la plénitude finale : « Deux êtres traversent le cœur de la nuit lumineuse » dit le poème.

Crédits photographiques : Quatuor Ebène © Julien Mignot

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Paris. Cité de la Musique, Salle des concerts. 17-XI-2021. Salvatore Sciarrino (né en 1947) : Ai limiti della notte pour alto solo. Henri Dutilleux (1916-2013) : Trois Strophes sur le nom de Sacher ; Ainsi la nuit. Raphaël Merlin (né en 1982) : Night Bridge. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Verklärte Nacht op. 4 pour sextuor à cordes. Pierre Colombet, Gabriel Le Magadure, violon ; Marie Chilemme, Antoine Tamestit, alto ; Raphaël Merlin, Nicolas Altstaedt, violoncelle

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