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Nice. Festival Manca. 22-X-2021. Édith Canat de Chizy (née en 1950) : Vega pour deux accordéons microtonals (transcription du duo XAMP) ; Arcanes pour deux accordéons microtonals et électronique (CM) ; Pulse : suite de compositions pour deux accordéons électro-XAMP : œuvres de Florent Caron Darras, Adrien Trybucki, David Hudry, Daniel Cabanzo, Giulia Lorusso, Michelle Agnes Magalhaes ; Pauline Oliveros (1932-2016) : Crossing the sands & Traces, extraits de The Roots of the moment (arrangement duo XAMP). Duo XAMP, Fanny Vicens et Jean-Étienne Sotty ; technique CIRM ; Réalisatrice en Informatique Musicale, Monica Gil Giraldo

L'électronique du CIRM se frotte aux deux accordéons microtonals du dans un programme hautement vibratoire où s'inscrit la création mondiale Arcanes d'.

D'octobre 2021 à février 2022, l'équipe du CIRM et des Manca de Nice, sous la houlette de sa nouvelle directrice Donatienne Michel-Dansac, remettent à l'affiche une dizaine de concerts/spectacles pour la plupart annulés en 2020. Ils investissent différents espaces niçois, tel le Théâtre Francis Gag bien sonnant où la technique CIRM a déployé ses outils pour le concert du , et , assisté par la réalisatrice en informatique musicale du CIRM Monica Gil Giraldo.

C'est à ses côtés qu'a travaillé pour sa nouvelle pièce faisant appel à l'électronique, Arcanes, la troisième de ce type après Over the sea (2011-2012), incluant déjà l'accordéon, et Visio (2016) convoquant les voix et un ensemble instrumental. Comme pour les deux pièces précédentes, la partie électronique combine des sons fixés (exclusivement des sons d'accordéon enregistrés et retravaillés en studio) et un traitement en temps réel. L'électronique intervient ponctuellement, via des pédales confiées aux interprètes ayant la double tâche de jouer la partition et d'assurer les déclenchements. Arcanes fait référence aux cartes du Tarot de Marseille qui enflamment l'imaginaire d'. Ainsi la pièce propose-t-elle un voyage ésotérique et sonore guidé par le choix de cinq images prélevées sur les vingt-deux atouts du Tarot, la Lune, la Mort, l'Étoile, la Maison-Dieu et le Soleil : autant de stimuli pour la compositrice qui élabore une dramaturgie sonore en cinq séquences enchaînées. L'espace est béant, traversé de souffles laryngés et animé de motifs épars dans Lune, où l'électronique creuse la profondeur de champ et confère une résonance aux figures dessinées par les accordéons. Rappelons que les instruments sont accordés en quart de ton et permettent l'élaboration de trames irisées dans les aigus « stellaires » de l'instrument (l'Étoile, le Soleil) que viennent enrichir les fréquences électroniques. Par opposition (la Mort, la Maison-Dieu), de violentes déflagrations s'entendent dans les graves de l'instrument, chocs sauvages réverbérés par l'électronique dans un parfait équilibre sonore. Les textures et les couleurs flamboient sous le geste précis autant que puissant de nos deux interprètes conférant à cette œuvre rare tout à la fois son mystère et son intensité vibratoire.

On reste dans le registre stellaire et la vibration lumineuse avec Vega (2000), la première des pièces pour orgue d'Édith Canat de Chizy que le a transcrite pour les deux accordéons microtonals, sans le recours de l'électronique. De fait, l'espace déployé est moindre mais l'effet de panoramique entre les deux instruments et le phénomène de battement/irisation produit par la superposition des fréquences microtonales (cette lueur vacillante dont parlent les interprètes) évoque les sonorités de l'orgue tandis que la pureté de certains aigus crée l'illusion d'une source électronique.

Insatiables et toujours créatifs, et sont en quête de nouveaux territoires du son. Pour leurs deux accordéons microtonals (qu'ils ont construits eux-mêmes avec la collaboration du facteur Philippe Imbert), ils ont conçu leur propre dispositif électronique – accordéons electro-XAMP – , une sorte d'échantillonneur relié à des pédales d'effet (comme pour la guitare électrique) qui est désormais fonctionnel et leur permet de mixer le son en direct. Les six courtes pièces de la suite Pulse sont des commandes passées en 2020 à autant de compositeurs et compositrices, tous jeunes et aventuriers, qui ont exploré l'espace interactif entre les deux pôles, acoustique et électronique. Cadran de joue sur les phénomènes d'itération/granulation d'une matière sonore enrichie par les apports de l'électronique. Le son tressaute, toujours dans l'urgence, avec En Stries d' formant une figure fractale aussi légère que lumineuse. Electro Tango de développe un jeu percussif et plein d'humour que l'électronique amplifie : taping, effet guiro avec le soufflet, bouclage, glissade, etc. Electro Tango est une sorte de chorégraphie de gestes soumise à une métrique implacable. Dans Electrical (Im)pulses, modèle une matière où les deux sources interfèrent et se confondent, laissant in fine une trace purement électronique. They steal the wind de la jeune Romaine fait converger les deux instruments en une trame mouvante, richement polyphonique et traversée de fulgurances. L'Hommage à P.O. (Pauline Oliveros) qui referme la suite est une courte pièce de la Brésilienne invoquant le « deep listening », l'écoute immersive du son revendiquée par la compositrice américaine, et accordéoniste, qui aurait eu 90 ans en 2022. Les XAMP lui rendent également hommage avec deux extraits de The roots of the moment, une longue pièce électronique dont ils ont transcrit les dix premières minutes. Sa musique réclame cette écoute attentive qui nous fait entrer dans le son et ses composantes microtonales. On y entend certes de l'accordéon mais aussi de la cornemuse (on reste dans l'univers des anches) avec ses bourdons et ses strates polyphoniques, ou encore du shō, l'orgue à bouche japonais : autant d'illusions auditives nées sous le jeu de nos deux interprètes et leurs accordéons electro-XAMP dont le souffle puissant nous fascine.

Crédit photographique : © Jacques Lerognon

 

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