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À Genève, Elsa Dreisig trop retenue pour Anna Bolena

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Genève. Grand Théâtre. 22-X-2021. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Anna Bolena, tragédie lyrique en deux actes sur un livret de Felice Romani. Mise en scène : Mariame Clément. Scénographie et costumes : Julia Hansen. Lumières : Ulrik Gad. Dramaturgie : Clara Pons. Avec Elsa Dreisig, Anna Bolena ; Stéphanie d’Oustrac, Giovanna Seymour ; Alex Esposito, Enrico VIII ; Edgardo Rocha, Riccardo Percy ; Lean Belkina, Smenton ; Michael Mofidian, Lord Rochefort ; Julien Henric, Sir Hervey. Chœur du Grand Théâtre de Genève (Direction : Alan Woodbridge). Orchestre de la Suisse Romande. Direction musicale : Stefano Montanari.

Après quinze ans d'absence à l'affiche, retrouve le Grand Théâtre de Genève dans une Anna Bolena dont le bel canto a un peu perdu de son âme et de sa tradition.


A notre époque où la mise en scène prime sur la musique, les chefs d'orchestre et les chanteurs, cette production d'Anna Bolena de démontre combien il est difficile de monter un opéra de bel canto. s'est attachée à raconter l'histoire en fonction du récit plutôt que l'Histoire avec la connaissance du passé. En voulant minimiser l'importance du contexte historique, prétextant que Donizetti et son librettiste avaient aussi pris nombre de libertés avec la réalité des faits, elle se perd dans des considérations annexes et parasites oubliant parfois de servir l'œuvre. Or, une mise en scène se doit d'être une quête d'unité, ici, c'est un « tout-permis » parfois indéchiffrable. Ainsi, que viennent faire ces mésanges géantes ? Ou cet immense cerf allongé dans un salon ? Quelle réflexion devant le roi Henri VIII lâchant les bretelles de son pantalon en acculant Jeanne Seymour contre un mur ? Ou cette vulgaire masturbation de Smenton devant l'image de la reine ? Alors que l'Anna Bolena qui chante est en crinoline, les cheveux défaits, à intervalles réguliers, pour s'assurer (ou se rassurer ?) que nous sommes dans une tragédie historique, fait déambuler un double d'Anne Boleyn, assistant au déroulé de son propre destin. En mélangeant les genres, la metteuse en scène dépassionne les enjeux entre les personnages. Elle semble se complaire à montrer que dans la vie ou sur la scène, les choses et les gens sont identiques. Or, le théâtre, à plus forte raison l'opéra, est là pour faire rêver le spectateur. Voire le faire vibrer.


Alors, à quoi tient un opéra de bel canto si la mise en scène ne peut se concevoir autrement que dans la convention ? Certainement aux chanteurs. Or, si dans la distribution genevoise, les solistes engagés se sont tous appliqués aux critères du chant donizettien et à l'enthousiasme que le « beau chant » peut soulever chez les spectateurs, les moyens vocaux pour y parvenir ne sont pas au rendez-vous. Certes, (Giovanna Seymour) se montre convaincante théâtralement, faisant de son personnage une femme déchirée entre l'amitié pour sa reine, l'attirance pour son roi et l'ambition de la notoriété. Vocalement, elle pêche toutefois dans l'expression d'une ligne de chant dont elle ne ressent pas toutes les subtilités. A ses côtés, la soprano (Anna Bolena) est bien trop retenue pour conduire son personnage de femme bafouée, dont le destin est la mort. Si la voix de la jeune femme est belle, bien posée, on attend plus du personnage. Sa voix manque d'envergure et ne possède pas la folie des grandes interprètes qui donnent corps au tragique d'Anne Boleyn. Dans son exercice de bel canto, il y a encore loin entre sa possession des notes et l'interprétation du personnage. En outre, notons la voix chaude et sonore de la mezzo Lena Belkina (Smenton), qui, même si elle nous gratifie d'un très beau Deh ! non voler costringere initial reste, elle aussi, encore loin de la tradition belcantiste.

Du côté des messieurs, la noirceur parfois exagérée du baryton-basse (Enrico VIII) en fait le personnage idéal de cruauté. Sa belle présence scénique complète le portrait d'un artiste de qualité. Avec (Percy), on se retrouve dans la ligne des ténors aux aigus stratosphériques mais pas toujours harmonieux. Et c'est le cas du ténor qui, en dehors de son allure de rocker hors de l'esprit de la cour d'Anne Boleyn, distribue des suraigus souvent serrés. Enfin, avec le baryton-basse (Lord Rochefort), le Grand Théâtre de Genève intègre une très belle voix dans son Jeune Ensemble.

Dans la fosse, le chef peine à donner corps à un qui semble se borner à ne jouer que les notes de la partition. Le chef, comme soucieux de ne pas couvrir les voix des chanteurs, dirige son orchestre en petites touches, parfois imperceptibles, d'accords et de phrases dont il ne se soucie guère de les rendre colorées. Dommage, il aurait certainement aidé les deux protagonistes principales à se libérer d'une toujours difficile prise de rôle.

Nonobstant, le public, en partie acquis à la cause de la soprano , a réservé un triomphe, peut-être exagéré, à cette « renaissance » du bel canto dans la maison d'opéra de Genève. On attend avec impatience les deux autres opéras des reines, Maria Stuarda et Roberto Devereux au programme des prochaines saisons du Grand Théâtre avec la participation des deux protagonistes féminines de cette Anna Bolena.

Crédit photographique : © GTG / Monika Rittershaus & © GTG / Magali Dougados

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