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Péter Eötvös, Pedro Amaral : Parlando Rubato. Entretiens, monologues et autres déambulations. Éditions MF, version française, septembre 2021. 364 p. 18,00€. Septembre 2021
Cet ouvrage consacré aux opéras de Péter Eötvös, désormais disponible en français aux éditions MF, recueille la parole vive du compositeur hongrois en dialogue avec Pedro Amaral, fin connaisseur de l'univers du maître dont il fut l'élève en direction d'orchestre.
« Je suis un compositeur d'opéra à succès », aime à dire, le sourire aux lèvres, Péter Eötvös dont Trois sœurs, son premier ouvrage lyrique de grand format (1998), compte aujourd'hui une vingtaine de productions différentes ! Neuf opéras sont abordés de manière chronologique dans ce livre d'entretiens, d'Harakiri (1973) à Die Tragödie des Teufels (2009), une étude qui fait également une large part au contexte historique et aux éléments biographiques. On y apprend notamment que le jeune compositeur venu à Cologne pour parfaire sa formation sera, dans la même année 1966, l'élève de composition de Bernd Alois Zimmermann à la Hochschule für Musik et le copiste de Karlheinz Stockhausen dont il dirigera par la suite les deux premières « journées » de son opéra Licht. Ces deux figures de l'avant-garde allemande totalement opposées sur le plan esthétique (et qui se détestaient) allaient marquer à jamais sa formation.
Pour Péter Eötvös, il est essentiel de concevoir chaque opéra comme « une pièce unique, avec un langage propre qui ne peut en aucun cas se répéter ». Son langage musical est fonction de la situation dramatique abordée voire de la langue choisie pour le livret, qui doit imprimer une manière de chanter et un style instrumental appropriés. Ainsi parle-t-il de « pragmatisme de terrain » qu'il associe à sa connaissance de la scène, ayant travaillé plusieurs années dans un théâtre de Budapest où il forge son métier de dramaturge. Comme Strauss qu'il aime citer, chacun de ses ouvrages lyriques relève d'une catégorie opératique singulière : proche du musical de Broadway pour Angels in America, du cabaret et du bordel pour Le Balcon ; et si Trois sœurs s'assimile à l'opéra « de répertoire », il qualifie le suivant, As I crossed a bridge of dreams, plus expérimental et aventurier, de Klangtheater (théâtre sonore) : « Depuis le début de mon œuvre, je pense à l'opéra comme étant d'abord une pièce de théâtre », souligne-t-il, confiant le plus souvent l'écriture du livret à son épouse Mari Mezei.
Pour chacun des chapitres abordés (il y en a cinq), Pedro Amaral, qui a été lui-même assistant de Stockhausen, a imaginé un type d'introduction différent, biographique (« Cologne »), poétique (« Traversant le songe ») voire théologique (« Dieu et le diable »), offrant un champ de réflexion et autant de digressions passionnantes avant de cibler le propos purement opératique : telle cette ample « déambulation » à plusieurs voix (« Le Moine et le troubadour ») au début du quatrième chapitre, « L'art du spectacle », où Péter Eötvös évoque notamment ses souvenirs avec Stockhausen qu'il a accompagné jusqu'à sa mort en 2007.
Le dialogue entre les deux interlocuteurs est toujours vif et chaleureusement amical, où les rôles sont parfois inversés, Péter Eötvös se mettant à l'écoute de celui qui est censé l'interroger. L'ouvrage n'en dévoile pas moins toutes les facettes d'une personnalité attachante et d'un immense musicien qui, différemment de Stockhausen, prétend se cacher derrière chacun de ses opéras : « … Je peins des scènes, des scénarios, des drames – pas des autoportraits », prévient-il à propos de Die Tragödie des Teufels sur lequel se referment ces entretiens.
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Péter Eötvös, Pedro Amaral : Parlando Rubato. Entretiens, monologues et autres déambulations. Éditions MF, version française, septembre 2021. 364 p. 18,00€. Septembre 2021
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