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Les deux romantismes de Herbert Blomstedt

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Luxembourg. Philharmonie. 4-IX-2021. Franz Schubert (1797-1828) : Symphonie inachevée D. 759. Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 4 « Romantique ». Wiener Philharmoniker, direction : Herbert Blomstedt

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De retour à Luxembourg avec le Philharmonique de Vienne, l'inépuisable vétéran des chefs d'orchestre joue le contraste entre Schubert et Bruckner.


À peine leur marathon salzbourgeois fini, voilà les membres de l' partis sur les routes d'Europe. C'était qui les dirige pour leur dernier concert symphonique salzbourgeois. Toujours infatigable, Blomstedt les accompagne pour pas moins de 9 étapes en 12 jours, et avec un programme différent de celui qu'il vient de diriger avec eux à Salzbourg.

Il ne faut pas longtemps pour comprendre quelle passionnante aventure va être cette « Inachevée » qui ouvre ce concert. Comme souvent avec Blomstedt, l'amabilité du chef ne saurait masquer la sombre orientation qu'il donne à son interprétation. Le tempo des deux mouvements est particulièrement lent, mais ce n'est ni du maniérisme, ni un alanguissement dû au grand âge. Au contraire, il met à profit ce temps distendu pour creuser les mélodies dont il souligne les angles plutôt que le flux, offrir d'infinies nuances de tempo et de dynamique, explorer toutes les dimensions d'une œuvre si connue.

Ce que Blomstedt fait entendre est tragique, certes, mais cette tragédie est avant tout intime, sans grands événements extérieurs, sans éclats et sans coups du sort : l'atmosphère est celle d'une infinie tristesse, mais cette tristesse n'est pas de plomb. Au contraire, il sait créer des textures aériennes où tout n'est que réminiscences impalpables, souvenirs de douleurs, lancinants, irrépressibles, mais comme des fantômes du passé plutôt que comme des figures du présent.

Il serait très excessif, on s'en doute, de faire de la Quatrième symphonie de Bruckner qui suit l'entracte une œuvre de lumière contrastant avec cette atmosphère tragique, mais ce qu'on entend est tout sauf la simple prolongation de la perspective précédente. Les tempi sont cette fois beaucoup plus classiques, mais l'approche est tout aussi personnelle. Le murmure des cordes qui ouvre la symphonie est plus menaçant que mystérieux, et Blomstedt fait sienne l'indication de Bruckner, immer deutlich hervortretend (« toujours clairement mis en avant »), pour l'appel initial du cor comme pour bien d'autres interventions des cuivres, presque jusqu'à la stridence. Le contraste avec les cordes, qui conservent leur transparence et leur légèreté aérienne, ne saurait être plus grand. Elles sont en quelque sorte les spectatrices de l'événement, inquiètes souvent, interrogatives, fréquemment au bord du silence. Que veut dire ce titre « Romantique » ici ? Il y a chez Bruckner des intentions descriptives, tel le troisième mouvement, avec sa scène de chasse et sa pastorale : Blomstedt n'en fait pas une simple scène de genre, mais un vaste théâtre d'ombres, qui fait irrésistiblement penser au Mahler de la Troisième symphonie. Cette vision brucknérienne n'est décidément pas de tout repos, et elle n'est pas du genre à combler les vœux des amateurs de grands effets symphoniques, empêchés de ronronner en rond par les aspérités de ce parcours inquiet et intense.

On peut souligner à raison la plénitude sonore des Viennois, l'ivresse des timbres des solistes (le cor et la clarinette particulièrement ce soir), l'insigne familiarité qu'ont les musiciens avec ces œuvres. Et on n'oubliera pas de souligner à quel point l'acoustique de la Philharmonie de Luxembourg, qui n'écrase jamais sous les décibels, est précieuse pour cette musique. Il n'en reste pas moins que rien de ce que le public a entendu ce soir n'est pas de la volonté de Blomstedt, tout sauf un tyran, mais un maître « traînant tous les cœurs après soi ». Dans une salle encore vidée par une jauge étroitement limitée, la standing ovation que lui réserve le public de Luxembourg est à l'image de cet artiste unique : les spectateurs se lèvent non pas avec l'excitation de groupies chauffés à blanc, mais calmement, dignement, comme un silencieux hommage venu du fond du cœur.

Crédits photographiques : © Sébastien Grébille

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