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Bayreuth à Paris avec Andris Nelsons

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 1-IX-2021. Richard Wagner (1813-1883) : Extraits de Lohengrin : Prélude ; In fernem land ; Mein lieber Swann ; Höchstes Vertrauen hast Du mir schon zu danken. Extraits de Parsifal : Prélude ; Amfortas, die Wunde ; Nur eine Waffe taugt ; Enchantement du Vendredi Saint. Extrait de La Walkyrie : Chevauchée des Walkyries. Extraits du Crépuscule des dieux : Voyage de Siegfried sur le Rhin ; Marche funèbre ; Scène finale. Klaus Florian Vogt, ténor. Christine Goerke, soprano. Orchestre du festival de Bayreuth, direction : Andris Nelsons

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Tout juste sorti de la fosse mystique du Festspielhaus de Bayreuth, l'Orchestre du Festival éponyme, accède à une juste lumière sur la scène de la Philharmonie de Paris pour un florilège d'extraits symphoniques et vocaux tirés de Lohengrin, Parsifal, La Walkyrie et Le Crépuscule de dieux, servis par avec et en solistes.

Les affinités entre le chef et Wagner, sont confirmées par ses nombreuses apparitions sur la colline verte, dont un Lohengrin historique en ouverture du festival 2010 et un tout récent concert de clôture en 2021 avec les mêmes chanteurs. Ce soir, c'est à Paris et en pleine lumière que nous découvrons les musiciens du festival, véritables « Nibelungen musiciens » que l'on entend chaque année avec délectation, mais qu'on ne voit jamais ; plus de cent cinquante musiciens venus d'une cinquantaine d'orchestres différents, majoritairement saxons (Leipzig et Dresde) pour cette « grand-messe » wagnérienne qui ouvre la saison.

Si l'acoustique brillante, à la fois analytique et idéalement réverbérante de la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie est notoirement différente de celle du Festspielhaus de Bayreuth, plus fondue et moins contrastée du fait de la situation de l'orchestre placé sous la scène, , en grand chef lyrique et symphonique, parvient à nous livrer, ce soir, un Wagner passionnant bien que très différent de celui entendu à Bayreuth : des sonorités plus tranchantes, des contrastes plus marqués, une organisation sans doute plus claire du propos, portée par une direction attachée aux détails de l'orchestration comme à la continuité du discours, conciliant vue analytique (performances solistiques), cohésion orchestrale (ampleur de la sonorité, nuances et contrastes) et strict respect des différents plans sonores (chants, contrechants et polyphonie).

Annoncé par une sonnerie de cuivres, comme dans le temple bavarois, le début du concert s'ouvre sur le Prélude de Lohengrin, hypnotique, admirablement mené par cordes, petite harmonie et cors dans un climat mystérieux et poétique annonçant l'entrée en scène de  : trois airs successifs (In fernem land ; Mein lieber Swann ; Höchstes Vertrauen hast Du mir schon zu danken) pour confirmer un statut de titulaire du rôle de Lohengrin actuellement incontestable : timbre éthéré, voix presque « blanche » comme venue d'ailleurs, sublime legato, souplesse de la ligne avec quelques vocalises innovantes, diction claire et puissance en juste adéquation avec l'orchestre.

Le Prélude de Parsifal poursuit ensuite l'odyssée rédemptrice vers le Graal dans une sorte de prière d'une infinie douceur, fervente et recueillie, s'appuyant sur une orchestration fondue qui mêle différents thèmes : celui de la Cène, du Graal et de la Foi, exhalés par le basson, la petite harmonie et les cordes, bientôt relayés par des cuivres conquérants et un dramatique « Amfortas ! Die Wunde » superbement chanté par . L'Enchantement du Vendredi Saint, tout en nuances met en avant la superbe complainte du hautbois de Viola Wilmsen et un pupitre de cors impressionnant de justesse et de précision conduit par Adrian Diaz Martinez.

Après la pause, La Chevauchée des Walkyries ouvre en fanfare la seconde partie. Reconnaissons que nous la craignions quelque peu cette page célèbre si souvent malmenée… Et pourtant il faut admettre que nos craintes étaient infondées tant la théâtralise avec pertinence et équilibre sans la saturation cuivrée tellement redoutée ! Tout ici est audible : les hennissements des chevaux, le galop des sabots dans un phrasé très narratif comme rarement entendu. Le Voyage sur le Rhin, d'une remarquable fluidité (violoncelles intensément lyriques sur une longue pédale de cors) et la Marche funèbre, saisissante par son tempo pesant, glaçante par sa sobriété dramatique appuyée par les tubas wagnériens, et scandée par les timbales alimentent une même veine orchestrale superlative.

Peut-être aurait-il fallu que le voyage s'arrêtât là… Car, hélas, l'Immolation de Brünnhilde chantée par la soprano , du fait d'une voix quelque peu altérée par la patine des ans et d'un vibrato trop marqué, se révèle incapable de soutenir la joute avec l'orchestre chauffé à blanc sous la direction d'Andris Nelsons ; seule fausse note de ce concert, comme quoi la perfection n'existe pas en notre pauvre monde, pas plus d'ailleurs que dans celui des héros du microcosme wagnérien. Ce qui est rassurant !

Crédit photographique : © Philharmonie de Paris/ Ava du Parc / J'adore Ce Que Vous Faites

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