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Coulibaly et (La)Horde à la Biennale de Lyon

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Lyon. Théâtre de la Croix-Rousse. 11.VI.2021. Wakatt. Compagnie : Faso Danse Théâtre. Chorégraphe : Serge Aimé Coulibaly. Interprètes : Marion Alzieu, Bibata Maiga, Jean-Robert Koudogbo Kiki, Antonia Naouele, Adonis Nebie, Jolie Ngemi, Sayouba Sigoué, Snake, Ahmed Soura, Marco Labellarte. Musique : Magic Malik Orchestra. Scénographie et costumes : Catherine Cosme. Lumières : Giacinto Caponio

Lyon. 14.VI.2021. Grand théâtre. Fourvière. Room with a view. Concept artistique : Rone et (La)Horde. Mise en scène et scénographie : (La)Horde Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel. Assistant artistique : Julien Ticot. Scénographie : Julien Peissel assisté d’Elena Lebrun. Conseiller technique scénographie : Sébastien Mathé. Lumière : Eric Wurtz assisté de Mathieu Cabanes. Son façade : Vincent Philipart. Assistant production son : César Urbina. Costumes : Salomé Poloudenny assistée de Nicole Murru. Hair direction : Charlie Lemindu. Préparation physique : Waskar Coello Chavez. Répétiteurs : Thierry Hauswald et Valentina Pace. Danseurs du Ballet national de Marseille : Sarah Abicht, Daniel Alwell, Mathieu Aribot, Malgorzata Czajowska, Myrto Georgiadi, Vito Giotta, Nathan Gomberg, Nonoka Kato, Yoshiko Kinoshita, Angel Martinez Hernandez, Tomer Pistiner, Aya Sato, Dovydas Strimaitis, Elena Valls Garcia, Nahimana Vandenbussche

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La Biennale de la danse de Lyon et se poursuivent avec les pièces dansées dynamiques et hautes en couleur de et de (La)Horde / , sur les notes du monde de Magic Malik et la musique électro de Rone. Une manière pour notre époque tumultueuse de laisser la place à l'énergie sans fard (ou pas) de la jeunesse.

Danser en des temps troublés en gardant l'espoir, surmonter la violence et rêver de tendresse, tels sont peut-être les enjeux des chorégraphies engagées du chorégraphe . Sa dernière création Wakatt, un mot d'origine arabe qui signifie « notre époque » en dioula, la langue nationale du Burkina Faso, est présentée au Théâtre de la Croix-Rousse, qui rouvre ses portes avec ce spectacle, comme l'a rappelé en accueillant le public masqué, sa nouvelle directrice, Courtney Geraghty, très émue.

Sur un plateau recouvert comme de charbon synthétique, dix danseurs, six hommes et quatre femmes, partagent la scène avec les trois musiciens, côté jardin, du Magic Malik Orchestra. La musique est omniprésente dans la pièce comme les frappés de poitrine ou les sons a capella de Magic Malik. Wakatt s'ouvre en silence sur un tableau angoissant, sept danseurs figés en costume de ville bariolé entendent le huitième sortir du sol et se contorsionner, torturé semble-t-il, il a des soubresauts comme s'il réchappait d'une mort violente. Cette danse de souffrance est entrecoupée de mouvements moins saccadés, c'est l'accalmie.

Le ton est donné, le spectacle oscillera entre des gestes d'une grande violence et des rapprochements plus lumineux entre les danseurs sur le fond noir de ce sol jonché de paillettes noires sous lequel ils s'ensevelissent, qu'ils font gicler ou se jettent, qu'ils chassent ou reprennent. Chaque danseur a son solo au cœur des autres, plus ou moins parlé, plutôt moins d'ailleurs. Quand ils prennent la parole, c'est pour dire « putain, c'est beau » ou « vous allez tous mourir », on en revient bien à cette distorsion ombre-lumière, bien-mal. Il y a de l'angoisse et de la joie dans cette épopée contemporaine, les costumes changent, toujours dépareillés apportant de la gaité et de la couleur à une dominante sombre, jusqu'à l'apothéose d'une des danseuses, qui, drapée d'une grande robe minérale, monte sur le rocher côté cour, faisant corps avec lui, à son sommet, elle ressemble à une Pythie de mauvais augures et ne décolère pas.

Les mouvements sont vifs, rythmés par les notes toniques, suaves ou fauves du flûtiste Malik Mezzadri, les danseurs se répondent sur une partition chatoyante en s'exprimant avec des phrasés de mouvements similaires qui résonnent pourtant très différemment pour chacun, tant leurs personnalités sont fortes et bigarrées. Les deux danseurs blancs de la compagnie parviennent cependant moins bien que leurs homologues noirs, dont la technique est subjuguante, à tirer leur épingle du jeu. Au-delà des solos, des duos se forment et se déforment, les êtres se cherchent, se consolent et se repoussent sans cesse. Les ébauches de solidarité échouent au moment où on commence à y croire. Wakatt est un témoignage touchant sur notre époque tumultueuse, le propos politique n'est qu'esquissé, mais la danse y véhicule des valeurs de résistance et d'espoir, de croisées du corps et de l'esprit, esquissées aussi seulement.

Pièce pour un musicien et compositeur electro, Rone, et quinze interprètes du , Room with a view est une chorégraphie du collectif (La)Horde. L'album de Rone, sorti en mars 2021, s'intitule « Rone and friends ». On peut entendre sur ce dernier la voix d'Alain Damasio, dont les écrits inspirent autant les chorégraphes de (La)Horde, leur nom vient d'ailleurs du titre d'un roman de l'écrivain de science-fantasy, la Horde du Contrevent (2004), que la musique du maestro de l'électro. Le collectif se réclame aussi des colères raisonnées de Greta Thunberg et milite pour un monde renouvelé, bref un nouveau monde, comme ils dénoncent crûment la violence du nôtre (des viols sont mimés sur scène, un retournement de situation aussi, car la femme humiliée, battue, violée devient celle qui violente son agresseur sur le toit de la carrière, avec une grosse pierre justement. Cette carrière est un hommage au « Live at Pompéi » des Pink Floyd, le concert qu'ils donnèrent en 1972, au cœur du grand théâtre romain, sur les ruines de l'ancien monde pour en faire advenir un nouveau. Les artistes veulent créer une « guerre des imaginaires ».

Les danseurs du commencent d'ailleurs à danser vraiment mais comme dans notre imaginaire, de manière déjantée, bien avant le début du spectacle, alors que la nuit est déjà tombée et que le public s'installe sur les gradins des arènes à bonne distance, dansant déhanchés comme en une boite de nuit, ouverte sur la scène, ou comme dans un concert en plein air plutôt. Ils sont dans une espèce de carrière de marbre, qui ressemblerait à Pompéi, et Rone, le musicien-gourou, trône debout au milieu d'eux, pianotant et virevoltant sur ses synthétiseurs, samplant en DJ calme au centre du tumulte. C'est une belle réécriture car le live de Pompéi était filmé et sans spectateurs dans le théâtre. Là nous sommes nombreux, quasi déconfinés, masqués toujours face à un spectacle très vivant, vivifiant.

Les interprètes surdoués, débridés, donnent tout. Ils danseront plus d'une heure avec une force de vie croissante, dénonçant violence, manipulation et esprit de sape, comme dans Wakatt, et hurlant leur peur de ne pas changer. Il y a un vent de révolte et d'espoir qui souffle ce soir sur la colline de Fourvière et cela n'aura échappé à aucun des spectateurs, ondulant assis ou écoutant-regardant médusés pour la plupart, attendant, essoufflés par les décibels à fond, que la danse s'arrête pour pouvoir enfin applaudir cette bande de fous mis à nu (au propre comme au figuré).

Crédits photographiques : Coulibaly © Sophie Garcia ; (LA)HORDE © Blandine Soulage

Mis à jour le 22/06/2021

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Lyon. Théâtre de la Croix-Rousse. 11.VI.2021. Wakatt. Compagnie : Faso Danse Théâtre. Chorégraphe : Serge Aimé Coulibaly. Interprètes : Marion Alzieu, Bibata Maiga, Jean-Robert Koudogbo Kiki, Antonia Naouele, Adonis Nebie, Jolie Ngemi, Sayouba Sigoué, Snake, Ahmed Soura, Marco Labellarte. Musique : Magic Malik Orchestra. Scénographie et costumes : Catherine Cosme. Lumières : Giacinto Caponio

Lyon. 14.VI.2021. Grand théâtre. Fourvière. Room with a view. Concept artistique : Rone et (La)Horde. Mise en scène et scénographie : (La)Horde Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel. Assistant artistique : Julien Ticot. Scénographie : Julien Peissel assisté d’Elena Lebrun. Conseiller technique scénographie : Sébastien Mathé. Lumière : Eric Wurtz assisté de Mathieu Cabanes. Son façade : Vincent Philipart. Assistant production son : César Urbina. Costumes : Salomé Poloudenny assistée de Nicole Murru. Hair direction : Charlie Lemindu. Préparation physique : Waskar Coello Chavez. Répétiteurs : Thierry Hauswald et Valentina Pace. Danseurs du Ballet national de Marseille : Sarah Abicht, Daniel Alwell, Mathieu Aribot, Malgorzata Czajowska, Myrto Georgiadi, Vito Giotta, Nathan Gomberg, Nonoka Kato, Yoshiko Kinoshita, Angel Martinez Hernandez, Tomer Pistiner, Aya Sato, Dovydas Strimaitis, Elena Valls Garcia, Nahimana Vandenbussche

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