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Mikhaïl Bouzine, pianiste tout feu tout flamme

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Pianiste et compositeur, remporte en 2020 le Premier Prix du 14ᵉ Concours International de Piano d'Orléans, une édition « héroïque » selon les termes de sa directrice Isabella Vasilotta, en raison du contexte pandémique. L'aventure se poursuit pour le jeune pianiste avec une tournée de concerts internationale et un enregistrement discographique sous le label B Records. C'est à cette occasion que nous l'avons rencontré au Théâtre d'Orléans où il répond à nos questions.

ResMusica : , vous êtes lauréat du Concours International de Piano d'Orléans 2020. Comment avez-vous vécu cette édition un peu spéciale du concours ?

 : C'était la première fois que je participais à un concours international et j'étais particulièrement attiré par cette manifestation qui permet de présenter du répertoire contemporain. J'ai le souvenir d'une atmosphère plutôt chaleureuse, assez rare dans ce genre de situation. J'étais confiant dans le choix de mon programme mais n'avais aucun recul par rapport à ma prestation. J'ai été tout à la fois heureux et surpris d'arriver jusqu'en final ; quels ne furent pas mon émotion et mon bonheur de me voir attribuer le premier prix du concours !

RM : Vous êtes durant cinq jours à Orléans pour l'enregistrement de votre premier CD, un album très original dans sa conception où vous nous faites découvrir de la musique très peu connue, je pense à celle de . Pourquoi l'avoir intitulé « L'oiseau rebelle » ?

MB : Je tenais à faire apparaître dans ce CD des compositeurs que l'on joue peu comme Arthur Lourié, artiste russe qui a tenu une place importante dans la vie musicale de Saint-Pétersbourg après 1918, ou comme le Britannique Cornelius Cardew : des créateurs engagés politiquement, qui défendaient une cause à travers leur écriture et incarnaient l'esprit de rébellion. Ainsi le nom de Carmen (phonétiquement proche de Cardew ) m'a-t-il traversé l'esprit. J'ai pensé à cette femme libre chantant « L'amour est un oiseau rebelle » dans l'opéra de Bizet. J'avais trouvé mon titre !

RM : Votre présentation du programme en un prologue et quatre actes renvoie bien évidemment à l'opéra. Peut-on y discerner une trajectoire dramatique ?

MB : C'est davantage un concept abstrait que j'ai développé en collaboration avec Isabella Vasilotta et qui m'a permis d'établir au mieux la succession des onze pièces du programme ; en plaçant par exemple, en guise de prologue, La Beguinage de , ce Danois à l'écriture étrange et inclassable, entre veine populaire et gestes subversifs, qui met d'emblée notre écoute en alerte. L'acte 1 regroupe des noms plus connus comme des incontournables du piano des XXᵉ et XXIᵉ siècles, rebelles chacun à leur façon, dont je tiens à défendre la fulgurance du propos. L'acte 3 est entièrement dédié à Cornelius Cardew avec ses Winter Potato n°1,2 et 3, des pièces tellement originales qui ne ressemblent à rien et qu'il fallait mettre en valeur d'une façon ou d'une autre au sein de l'enregistrement.

RM : La richesse des propositions révèle des talents de découvreur. Comment s'est orientée votre recherche ?

MB : Certaines œuvres m'ont été soufflées par mon maître Nicolas Hodges, friand lui-aussi de raretés. C'est lui qui m'a orienté vers qu'il connaît bien puisqu'il a été son professeur de piano.

RM : L'acte 2 de votre album « met en scène » et . On regarde cette fois vers le passé…

 MB : Avec son titre à la Satie, Mon Prélude hygiénique du matin de Rossini est extrait de l'Album pour les enfants dégourdis où la virtuosité est de la partie. Le recueil appartient au corpus des « Péchés de vieillesse » (volume VI) écrits entre 1857 et 1868 à Massy. Je tenais à faire le lien avec la musique des siècles passés. J'ai moi-même étudié le clavecin qui m'a familiarisé avec le répertoire baroque. Pour jouer La Stahl (1765) de C.P.E. Bach, j'ai prévu une légère préparation du piano sous la forme d'une bande de scotch que je vais coller sur les cordes pour essayer d'approcher la sonorité du clavier d'époque.

RM : …C.P.E. Bach que vous jouerez sous peu à la Philharmonie, nous y reviendrons. Y a-t-il dans cet enregistrement des temps forts qui rythment la trajectoire « opératique » ?

 MB : Il y en a plusieurs en effet : La Beguinage du prologue, en premier lieu, qui dure treize minutes ; je citerai également Evryali de Xenakis (Acte 1) qui ouvre les vannes du son et de la résonance, le « prélude » très brillant et théâtral de Rossini dans l'acte 2 et la dernière pièce de l'enregistrement, Pianoforte de qui prend tout son relief et sa puissance expressive après l'abstraction du Prélude et Fugue en fa# mineur de .

RM : Compositeur vous-même, vous n'avez pas souhaité inclure votre musique, ni dans le concours ni dans votre CD. Pour quelles raisons ?

MB : La composition n'a pas, dans mes préoccupations d'aujourd'hui, la même place que celle de mon piano. Je ne l'ai jamais sérieusement étudiée et je n'ai pas envie aujourd'hui de dévoiler cette partie intime de mon être. J'ajouterai que je n'ai jamais écrit pour le piano solo et que je ne suis pas tenté de le faire pour l'instant.

RM : À l'enregistrement de ce CD s'ajoute la perspective de nombreux concerts qui vont vous permettre de vous produire en France et à l'étranger…

 MB : Comme chaque lauréat du concours, je bénéficie d'une tournée de dix concerts suivis de dix master-classes dans la région Centre-Val de Loire. J'ai également été sélectionné, dans le cadre de la nouvelle édition de la Paris Play-Direct Academy [1] pour jouer à la Philharmonie de Paris un concerto de avec l'orchestre de Chambre de Paris que je dirigerai de mon clavier. Je serai l'année prochaine au côté de l'Orchestre symphonique d'Orléans dont le programme n'est pas encore fixé mais aussi sur les scènes internationales d'Allemagne et d'Italie. Les prochaines dates sont celles de Lille Piano Festival et en juillet sur la scène des Bouffes du Nord à Paris, pour le traditionnel concert de la finale du concours.

[1] Depuis 2011 l'académie accompagne l'évolution de solistes de haut niveau vers la direction d'orchestre, leur proposant un approfondissement de la technique du joué-dirigé.

Crédits photographiques : Image de une © Gérard Laurenceau ; Portrait © Didier Depoorter

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