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À Berne, valeureuse Chauve-Souris

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Berne. Musiktheater. 2-V-2021. Johann Strauss Jr. (1825-1899), Die Fledermaus, opérette en trois actes. Livret de Richard Genée d’après la comédie Le Réveillon d’Henri Meilhac et de Ludovic Halévy. Arrangements musicaux de Roger Niese et Enrico Delamboye. Mise en scène : Alexander Kreuselberg. Chorégraphie : Vanni Viscusi. Décors et costumes : Frank Lichtenberg. Lumières : Bernhard Bieri. Dramaturgie : Gerhard Herfeldt. Avec Beau Gibson, Gabriel von Eisenstein ; Sofie Jensen, Rosalinde ; Philipp Mayer, Franck, directeur de la prison ; Sarah Mehnert, Le Prince Orlofsky ; Nazarij Sadivskyy, Alfred ; Todd Boyce, Dr. Falke, le notaire ; Andries Cloete, Dr. Blind, l’avocat ; Réka Szabó, Adele ; Vesela Lepidu, Ida ; Irina Wrona, Frosch. Chœur du Konzert Theater Bern (chef des chœurs : Zsolt Czetner), solistes du Berner Symphonieorchester, direction : Enrico Delamboye

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Dernière maison d'opéra en Suisse à fermer ses portes à cause du Covid-19, avec les représentations de l'Otello de Giuseppe Verdi en novembre dernier, le Musiktheater de Berne peut s'enorgueillir d'être le premier opéra à rouvrir sa scène dès l'allègement des mesures sanitaires avec une valeureuse production de La Chauve-Souris de Johann Strauss.

Valeureuse parce que les décors, les costumes, l'orchestre et les chanteurs étaient fins prêts pour la première le 22 novembre dernier quand, patatras, les autorités fédérales décidaient la fermeture des lieux de spectacles en raison du Covid-19. Aujourd'hui, à peine entr'ouverte la porte sanitaire, courageusement, la direction de l'opéra de Berne a appelé sa troupe pour montrer sa détermination à l'adage : « The show must go on ! »

Certes, la reprise est timide. Un public, encore limité à cinquante personnes, est disséminé dans les 650 fauteuils que compte le théâtre. Cette « nouvelle première » se déroule dans une ambiance des plus étranges pour les habitués des maisons lyriques. Si la salle résonne du vide de spectateurs, c'est à l'entracte que le climat est le plus saisissant. Alors qu'habituellement le public se précipite à la buvette, forme de petits groupes commentant le spectacle, saluant les connaissances et amis, se bousculant dans une convenue éducation, ici, les quelques spectateurs de la soirée errent comme des âmes en peine dans les couloirs déserts des trois étages du théâtre bernois. Masques sur le nez, improvisant de savants ballets pour respecter les distances imposées, la vue de leur soudain désœuvrement, de leurs mains vides de verres, de leurs chuchotements de conspirateurs, de leurs œillades interrogatives sur l'identité de ces autres privilégiés soudain empiétant sur leur pré carré plombent l'ambiance.

Bien évidemment, les mesures sanitaires présentes dans les couloirs se prolongent jusque dans la salle. Et sur la scène. Tous les protagonistes sont masqués jusqu'au moment de chanter (ou de parler). Pour respecter les consignes sanitaires, rares sont les artistes qui se touchent. De même l'orchestration est réduite en raison des exigences distancielles. En tout, seize musiciens se partagent la fosse. Malgré cet orchestre squelettique, la musique de Johann Strauss Jr. s'épanouit admirablement. Merci au chef , aux réarrangements musicaux qu'il a préparés pour l'occasion, sa belle musicalité et sa baguette entraînent la musique de Strauss avec sensibilité et précision.

Est-ce le public restreint, les changements de dernières minutes, le trac de la première, les longs mois sans répétitions, reste que le spectacle mis en scène par ne décolle pas. Il semble que, malgré des décors efficaces, des costumes (principalement ceux des dames) parfois manquant singulièrement de classe, la direction d'acteurs du metteur en scène s'avère besogneuse quand bien même l'intrigue est clairement racontée, quoique sans grande inventivité. Comme souvent, les meilleurs comédiens s'en sortent tandis que ceux scéniquement plus empruntés trouvent rapidement leurs limites théâtrales. Une opérette aussi pétulante et dynamique que La Chauve-Souris demande des acteurs accomplis, des chanteurs ayant des voix projetant le chant autant que le texte parlé. Scéniquement, le plateau se ressent du manque de dynamisme, de bulles de champagne que cette comédie viennoise normalement inspire. On aurait aimé plus de folie, plus d'excès. Ne parlons pas du ballet des choristes, qui ressemble plus à des rondes enfantines improvisées

Vocalement, le plateau est assez homogène. Toutefois quelques voix s'imposent. A commencer par le ténor (Gabriel von Eisenstein) dont l'assurance tant vocale que scénique reflète bien l'esprit du cocu magnifique. Talentueux, campé dans son personnage, il anime la scène autant que faire se peut de sa voix puissante et timbrée. A ses côtés, la soprano (Rosalinde) possède un bel instrument vocal. Avec ses brillants aigus, il est presque trop beau, et certainement trop lourd, pour cette comédie viennoise. De même, les limites de son souffle se mesurent dans son interprétation de la fameuse czardas (Klänge der Heimat) du deuxième acte qu'elle peine à enchaîner tout au long de sa ligne mélodique. Des autres rôles, on aura aimé le ténor Nazarij Sadivskyy (Alfred) dont les citations de Rigoletto, La Traviata et un très beau début de Nessun dorma de Turandot, brusquement interrompu par les bruyantes facéties du gardien de prison Irina Wrona (Frosch), apportent une note de scintillement musical bienvenu. On note avec plaisir l'ouverture vocale d'un (Dr. Falke, le notaire) jusqu'ici souvent trop discret, la confirmation du talent de comédienne et de chanteuse de la mezzo-soprano (Le Prince Orlofsky), la belle voix du baryton Philipp Mayer (Franck, directeur de la prison) qu'on aurait aimé aussi sonore et projetée dans ses dialogues parlés que dans son chant. Quand bien même ce rôle apparaît encore difficile pour sa jeune carrière, la mezzo-soprano (Adèle) montre son aisance dans un registre au-dessus de sa tessiture naturelle. Dans cette carrière naissante, attention de ne pas en abuser !

Crédit photographique : © Annette Boutellier

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