L’air du large avec Benoît Menut et Musicatreize

Le 5 avril 2021 par Michèle Tosi

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Marseille. Salle Musicatreize. 29-III-2021. Benoît Menut (né en 1977) : Une Odyssée (CM), épopée en cinq escales et traversées, pour ensemble de solistes (utilisant quelques percussions) et chœur mixte ad libitum. Ensemble Musicatreize, direction : Roland Hayrabedian
Concert sans public diffusé sur la chaîne Youtube Musicatreize

France

Provence-Alpes-Côte d'Azur
- Marseille

Né sur les côtes de la mer d'Iroise, le compositeur Benoît Menut a l'âme maritime et voyageuse. En témoignent cette nouvelle œuvre pour ensemble vocal, Une Odyssée, commande de Musicatreize, qui nous invite au voyage, d'une mer à l'autre.

Roland Hayrabedian, chef de Musicatreize, souligne la singularité de cette commande qui intègre une page chorale pouvant être extraite et chantée par un ensemble amateur. Elle sera interprétée en septembre 2021 lors de l'événement « 20 lieux sur la mer » par plusieurs chœurs. Pour l'heure, Benoît Menut vient sur le plateau pour présenter son projet et nous guider dans cette odyssée sonore qui nous mène, avec Homère, de la pointe du Finistère à l'île d'Ithaque en cinq « escales » et quatre « traversées ».

« J'aime la musique des mots », confie Benoît Menut qui a déjà beaucoup écrit pour la voix et pour le chœur. Avant chaque « escale », il nous lit les textes choisis dans leur langue originale (le breton mais aussi le basque ou l'andalou) et donne même de la voix chantée pour nous préparer à l'écoute de sa musique : cinq « escales » donc, et autant de couleurs déployées à travers le choix des échelles, la qualité des textures harmoniques et des registres, pour forger l'intonation de ce folklore imaginaire et pénétrer le mystère des rituels enfouis. A cet effet, les douze chanteurs ont à portée de main tout un panel de percussions – du bâton de pluie au gong en passant par la grosse caisse, les cloches-tubes, sifflets, tambour de basque, triangle, claves, glockenspiel, etc. – qui ajoutent leur timbre à celui des voix, apportent de la profondeur ou rythment le temps de la cérémonie.

L'Appel et la Prophétie, en breton, nous saisissent d'emblée où la voix invoquante des solistes est soutenue, amplifiée et répercutée par le reste du chœur. C'est la dimension rythmique et la scansion énergique des phonèmes qui dominent sur la côte basque tandis qu'un vieux chant judéo-andalou et ses inflexions modales se font entendre sur les côtes de Gibraltar, soutenus par la rumeur en écho du chœur polyphonique. Benoît Menut renouvelle à l'envi les configurations vocales, mêlant, dans l'escale maltaise, traditions chrétienne et païenne en superposant la ligne d'un Ave Maria et le chant traditionnel du Ghana venu du fond des âges : un mixe étrange autant que jubilatoire rehaussé par la résonance des cloches-tubes.

C'est au terme du voyage, Ulysse retrouvant sa Pénélope sur la terre d'Ithaque, que le compositeur a écrit une courte page sous forme de choral susceptible d'être chanté par un chœur amateur. Il dit s'être inspiré de la métrique de l'antique poésie grecque pour cette dernière escale, Egréo, Pénélopïa (Réveille-toi, Pénélope) privilégiant la dimension verticale de l'écriture et la participation des instruments du rituel. Les chanteurs tout terrain de Musicatreize assurent avec une égale maîtrise leur partie vocale et instrumentale sous la direction très concentrée de Roland Hayrabédian… y compris les quatre « traversées » (à la rame, à la voile ou au moteur, c'est selon), « passages » aussi subtils que fonctionnels sans texte où Benoît Menut soigne là encore la polyphonie, variant les allures et les éclairages en glissant parfois quelques effets bruités.