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Kirill Karabits en ouverture des « Franco-russes » de Toulouse

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Toulouse. Halle aux grains. 13-III-2021. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Le lieutenant Kijé ; Symphonie n° 5 en si bémol majeur op. 100. Orchestre national du Capitole de Toulouse, direction : Kirill Karabits
Concert sans public, enregistré en direct, diffusé sur Youtube et Facebook

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Pour ce concert inaugural de la 3ᵉ édition du festival « Franco-russes », confie les rênes de l' à , étoile montante de la direction d'orchestre, dans un beau programme, totalement dédié à


Au programme, la rare Suite orchestrale du Lieutenant Kijé et la célèbre Symphonie n° 5 sont deux œuvres composées respectivement en 1933 et 1945, dans des contextes bien différents, puisque la première s'inscrit dans un registre satirique, tandis que la seconde appartient aux symphonies de guerre ; toutes deux réunies dans cette mise en miroir par la richesse de leur orchestration, par un appariement savant des timbres et par une maitrise sans faille de la polyphonie, en faisant de magnifiques exercices d'orchestre et de direction.

La Suite orchestrale du lieutenant Kijé est une musique de film composée pour l'adaptation cinématographique de la nouvelle éponyme de Tynianov qui relate l'histoire d'un officier fictif, le lieutenant Kijé, né d'une erreur de transcription administrative ! Faute de vouloir rectifier l'erreur initiale auprès de l'empereur Paul 1er, ce lieutenant fictif va poursuivre son existence virtuelle, jalonnée d'honneurs jusqu'au moment où le Tsar décide de le rencontrer… Dès lors la seule solution est de proclamer sa mort, annonce à laquelle le tsar réagit en disant : « C'est toujours les meilleurs qui partent les premiers ! ». Une pièce orchestrale satirique imprégnée d'un constant sentiment comique que déroule avec beaucoup de clarté comme un conte, plus poétique que véritablement sarcastique, parcouru par le beau thème de Kijé énoncé à de multiples reprises par le saxophone. La Naissance de Kijé fait valoir une magie de timbres (piccolo, caisse claire, cuivres) sur une marche sautillante à laquelle fait suite la Romance portée par une jolie mélodie d'allure populaire, très slave, passant de pupitre en pupitre (saxophone, cordes graves, célesta) avant que les fanfares cuivrées solennelles ne célèbrent le Mariage de Kijé et son voyage en Troika où l'on admire les étranges sonorités (piano, cordes et percussions) reproduisant le bruit des clochettes. L'Enterrement de Kijé clôt cette pièce orchestrale virtuose et espiègle sur les sonorités graves des cuivres (saxophone, cor et tuba), sans véritable déploration comme pour en souligner une dernière fois l'ironie.

Bien différente et d'une toute autre ambition, la Symphonie n° 5 est une œuvre ambiguë, figure de Janus où il serait trop simple de n'évoquer que le caractère épique faisant suite à la victoire finale sur les troupes allemandes, alors que Prokofiev y déploie un constant sentiment de hargne, d'ironie sarcastique et de déploration exprimés par les couleurs de son orchestration et ses rythmes acérés dont et l'ONCT rendent parfaitement compte. L'Andante initial s'inscrit dans cette ligne interprétative, empreint de gravité (cuivres et percussions) avec nombre de contrastes et des nuances très marquées dans un phrasé polymorphe et tendu où l'on apprécie la clarté de la polyphonie, les contrechants ciselés, les dissonances tragiques et les nombreux détails d'une partition que le chef met parfaitement en lumière, sans jamais sacrifier la ligne directrice et la cohérence du discours. L'Allegro Marcato est un scherzo plein d'humour dont on admire la précision rythmique, motoriste et lancinante dans une inexorable marche qui cède, ensuite, la place à un Adagio au lyrisme déchirant porté par les thèmes funèbres des cordes égrenés sur un rythme pesant, dans une ambiance de fin du monde d'où émergent quelques traits de bois. L'Allegro final faussement glorieux par ses sonneries de cuivres achève l'œuvre sur un martèlement (percussions) implacable et désespéré apportant la dernière touche à une lecture juste dans le ton comme dans la note.

Crédit photographique : Kirill Karabits © Konrad Cwik

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