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La chasse d’Actéon en plan séquence par Les Cris de Paris

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Paris. Théâtre du Châtelet. 16-I-2021. Opéra en plan séquence disponible sur Arte concert puis Mezzo. Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) : Actéon, opus H.481 & 481a., pastorale en six scènes. Mise en scène : Benjamin Lazar. Réalisation : Corentin Leconte. Décors et costumes : Adeline Caron. Maquillage et coiffures : Mathilde Benmoussa. Avec : Constantin Goubet, Actéon ; Adèle Carlier, Diane ; Marielou Jacquard, Junon ; Judith Chemla, la femme qui rêve. Chœur et orchestre Les Cris de Paris, direction : Geoffroy Jourdain
Spectacle enregistré et diffusé sur Arte Concert

Cet Actéon en plan séquence d'une cinquantaine de minutes, est une proposition audiovisuelle originale de (mise en scène) et Corentin Leconte (réalisation). A tel point que sur Arte Concert où elle est disponible jusqu'à janvier 2022, cette pastorale en un acte n'est pas référencée sous la rubrique « opéra ».


Un prologue théâtral débute mené par la comédienne (la femme qui rêve apparaîtra tel un être irréel, observatrice sensible, tout au long de cette production), des sous-sols aux coulisses du Théâtre du Châtelet, soit six minutes face caméra pour présenter avec force l'argument du livret d'un auteur inconnu. Puis une réalisation particulièrement aboutie de l'orchestre des Cris de Paris, exécutant seul sur scène l'ouverture, sans autre parure que leurs instruments baroques, donne rapidement la patte de ce spectacle.

Mêlant les codes de l'opéra, du théâtre et donc du cinéma, sans toutefois s'y emprisonner, affirme dans cette mise en scène une économie de moyens logistiques (une cage de scène à nu, quelques tapis et feuilles automnales, ainsi que trois aquariums suffisent), possible grâce à des plans serrés et d'autres judicieux jeux de caméra, et tout cela au bénéfice du déploiement du discours musical et vocal. A l'écran, le climat rendu est attrayant, facilité par la construction continue du livret qui ne présente aucune ellipse temporelle, la métamorphose bestiale d'Actéon semblant s'opérer en temps réel pour le spectateur. C'est d'ailleurs le choix mené jusqu'au bout dans cette réalisation vidéo, Corentin Leconte prenant le parti de filmer la prestation sans interruption à l'aide seulement d'une caméra à l'épaule et d'une autre sur grue.

Malgré ce court format, ces cinquante minutes et ces six scènes permettent à d'y déployer une large panel de son écriture lyrique par le biais de cette métamorphose d'Ovide. Preuve en est dès le premier chœur enlevé des chasseurs, ici en smoking (!) devant une petite toile peinte inspirée du Douanier Rousseau, « Allons, marchons » retraçant vaillamment les éclats d'une partie de chasse. Cette scène exclusivement masculine, après l'intervention d'un Actéon amoureux (« Déesse par qui je respire ») s'enchaîne avec Diane et ses nymphes, « Charmante fontaine », doux moment de badinage voluptueux élégamment exécuté par le chœur, au sein d'une source figurée par trois aquariums.


Mais l'atmosphère apaisée du héros assoupi dans une douce clairière (« Amis, les ombres raccourcies ») ne dure pas. La respiration saccadée et l'image d'un Actéon transformé en bête en atteste après quelques images dans le noir total. Le désir charnel de l'homme s'est matérialisé en une amère malédiction, qui causera la mort du héros, poursuivi par ses compagnons d'aventure et déchiqueté par ses chiens de chasse à la fin de cette pastorale tragique. La qualité du jeu entre l'ombre et la lumière y est à ce moment admirable : le mythe devient réel sans l'être, au sein d'un Théâtre qui paraît sorti d'un tout autre temps.

Sous la direction de , , sur scène, donnent tout le souffle et la poétique nécessaires à cette partition. Chaque intervention est élégante, portée par des phrasés bien menés et un son souple et mielleux. La longue plainte d'Actéon voit se déployer la solidité de la voix de , qui mène ce « Vante-toi maintenant » avec une évidence sans faille et des nuances subtiles. De son côté, la diction d' reste à parfaire, même si sa voix cristalline séduit dans son air « Nymphes, retirons-nous ». La Junon de expose une ligne de chant un peu tortueuse, mais la mezzo-soprano affirme sa détermination par un timbre ample ainsi qu'une voix pleine.

Encore une fois, après son fantasque Bourgeois gentilhomme, son rêve éveillé pour Heptmeron, ou encore sa frêle Traviata, Benjamain Lazar sait apporter une vision contemporaine à chaque œuvre lyrique, et cela en tout naturel et sans fatras : c'est peut-être là le plus admirable !

Crédits photographiques : ©

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Paris. Théâtre du Châtelet. 16-I-2021. Opéra en plan séquence disponible sur Arte concert puis Mezzo. Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) : Actéon, opus H.481 & 481a., pastorale en six scènes. Mise en scène : Benjamin Lazar. Réalisation : Corentin Leconte. Décors et costumes : Adeline Caron. Maquillage et coiffures : Mathilde Benmoussa. Avec : Constantin Goubet, Actéon ; Adèle Carlier, Diane ; Marielou Jacquard, Junon ; Judith Chemla, la femme qui rêve. Chœur et orchestre Les Cris de Paris, direction : Geoffroy Jourdain
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