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Ghost light de Neumeier, le Ballet de Hambourg par temps de pandémie

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Festspielhaus Baden-Baden, Allemagne. 8-X-2020. Ballet de Hambourg : Ghost Light. Chorégraphie, décor, lumière, costumes : John Neumeier. Costumes « Dame aux camélias » et « Casse-noisette » : Jürgen Rose. Musique : Franz Schubert. Piano : David Fray. Réalisation : Myriam Hoyer
Spectacle diffusé en vidéo à la demande sur Arte-tv

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a conçu Ghost light, un ballet en temps de pandémie, pour ses danseurs du , qu'il dirige magistralement depuis 1973. Il leur dédie tout particulièrement cette œuvre (« for my dancers ») créée en octobre au festival de Baden-Baden et diffusée depuis le 24 janvier sur Arte.tv

Comment créer en période de pandémie ? Le chorégraphe américain , très soucieux de montrer la danse comme un espace d'espoir, même en des temps très critiques, s'est tout d'abord emparé des règles de distanciations physiques, en suivant un protocole sanitaire strict, qui lui a permis de remettre au travail ses danseurs. C'est l'une des premières compagnies qui, début mai, avait repris les répétitions. A partir de ce cadre empêché, le chorégraphe a créé pour Ghost light des saynètes par groupe de six danseurs en studio, et tissé ensuite une pièce polyphonique sur les concertos pour piano de Schubert, en y insérant des allusions fortes à la Dame aux camélias, à Casse-noisette, ainsi qu'à la figure de Nijinski.

se représente en effet Ghost light comme un tissage délicat, qu'il compare à une suite de mets délicieux juxtaposés tel en un repas traditionnel japonais. La lumière fantôme, symbolisée ici par un pied métallique perché d'une ampoule électrique encagée, fait référence à la tradition théâtrale de la veilleuse. Il s'agit de laisser sur scène, après les représentations, une lumière qui « brûle » jusqu'au retour des artistes, afin de convoquer les fantômes du théâtre qu'ils puissent jouer symboliquement jusqu'à la reprise. Inutile de commenter le parallèle ici en temps de pandémie, John Neumeier a placé cette ampoule tamisée d'espoir au centre droit de la scène. C'est vers elle que se dirige la « dame aux camélias » en silence, effrayée, la regardant, puis allant cracher ses poumons (Marguerite Gautier, le personnage d'Alexandre Dumas, se mourait de tuberculose, une maladie qui renvoie à certains symptômes mortels du coronavirus). Puis la danseuse en robe de taffetas violet, se heurte au mur gris, en fond de scène, et retrouve peu à peu son amant.
Afin de respecter la distanciation, dans ce ballet, seuls les vrais couples « à la ville » se touchent. C'en est sans doute d'autant plus émouvant. Quand un autre danseur en débardeur noir arrive sur scène, une chaise à la main au dossier blanc, il se meut et la musique de Schubert commence. S'en suit un flot de pur bonheur sur les notes de piano sublimes des concertos de Schubert, interprétés ici à Baden-Baden, par . Les scènes s'enchaînent par tableaux de deux ou six danseurs et plus, au fur et à mesure. Quand les duos se forment, s'apprivoisent, se frôlent et se touchent, ce sont des pas de deux à en donner les larmes aux yeux.


Il faut voir sur Arte, grâce à la captation de Myriam Hoyer en direct du festival de Baden-Baden, dont il fit l'ouverture le 8 octobre dernier, ce ballet de 104 minutes, afin de se laisser bercer par le piano de Schubert, sa force enivrante, et reprendre mélancoliquement – à cause de l'impossibilité actuelle – goût aux mouvements éternels et pourtant si particuliers du ballet classique contemporéanisé.

Aux danseurs dans des costumes qui évoquent Casse-noisette, se mêlent d'autres torses nus en collants noirs, épousant ainsi ce vertige de l'ancien et du nouveau, de la ballerine enserrant sa figurine de casse-noisette en bois, aux danseuses en robes jaunes et légères qui s'élancent tout en attitudes, pirouettes, et portés subtils.

Bizarrement ce ballet ne brille pas par son originalité, mais paraît être à aborder par la petite porte, c'est-à-dire par cet empêchement que crée le climat. C'est une brèche dans l'impossible qui donne à penser immensément à l'humain et ses capacités de résilience.
Ainsi, en se laissant porter comme les danseurs par la déferlante de notes envoûtantes de Schubert, le piano prend le pas sur la danse et donne à voir l'inespéré des émotions en mouvement, toute une palette de sentiments d'effroi, de colère, d'angoisse, de tendresse, de complicité, d'amour. C'est alors nimbé d'énergie et de douceur que se comprend ce halo de lumière qui brille sur scène, flamme de vie dans la pénombre, retour de grâce et d'espérances. Les 57 danseurs du , leur chorégraphe, le pianiste sont ovationnés immensément, à raison, ils ont tout donné pour cette grande première après grand confinement, prouvant ainsi à quel point la danse, ainsi que tout spectacle vivant, est essentiel à l'humain, pour retrouver joie de vivre en des temps sombres.

Crédits photographiques © Kiran West

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