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Kirill Petrenko et les Berliner dans des poèmes symphoniques russes

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Berlin. Philharmonie. 16-I-2021. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Roméo et Juliette, ouverture fantaisie d’après Shakespeare, op. 29. Francesca da Rimini, fantaisie symphonique en mi mineur, d’après Dante, op. 32. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : L’Île des Morts, poème symphonique. Berliner Philharmoniker, direction musicale : Kirill Petrenko
Concert sans public filmé en direct et diffusé sur le site Berliner Philharmoniker Digital Concert Hall

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En cette rentrée 2021 toujours sans public, et ses Berliner Philharmoniker abordent trois poèmes symphoniques russes, dans un flux orchestral dont peine à ressortir une quelconque vision interprétative.


Si l'on a déjà évoqué le fait que la tradition russe était exempte du jeu de , tant lors d'un concert éclectique début 2020 que pour sa Huitième de Chostakovitch en fin d'année, la Pathétique enregistrée en 2017 avait en plus créé des doutes sur l'apport d'une quelconque vision autre que purement orchestrale de la part du chef dans ces musiques. Le premier concert de 2021 présente les mêmes caractéristiques, tant pour Tchaïkovski que Rachmaninov, tous deux abordés exactement de la même manière, d'une simple lecture de la partition, seulement orientée de façon à agencer à la suite les groupes ou les pupitres.

L'ouverture fantaisie Roméo et Juliette, interprétée dans sa classique version 1880, introduit le programme avec un son rond, plus propice à Rimski-Korsakov qu'à Tchaïkovski, mais au moins coloré et nuancé dans le grave. Puis à mesure que le poème d'après Shakespeare avance, ni les superbes flûtes d'Emmanuel Pahud et Jelka Weber, ni la harpe de Marie-Pierre Langlamet ou les hautbois de Jonathan Kelly et Christoph Hartmann ne suffisent à dynamiser une partition dans laquelle on oublie tout dramatisme. Des coloris d'une grande Pâques russe ne parviennent jamais à se dégager la moindre violence, surtout pas de la bataille des Capulets et Montaigus, qui fait bien pâle figure face aux nombreuses propositions de l'ouvrage déjà enregistrées.

La suite du programme devait proposer le Francesca da Rimini opératique de Rachmaninov. Pandémie oblige, c'est le poème symphonique éponyme de Tchaïkovski qui est donné, après un autre poème de Rachmaninov. Et si l'on trouvait peu de faste à Roméo, L'Île des Morts perd tout intérêt dans une balade pastorale dont les sonorités jamais tendues annihilent toute puissance. A défaut de s'en approcher, on tourne autour de l'ile inspirée par Böcklin pour entrer dans un joli tableau impressionniste, bien trop coloré et à mille lieux de la noirceur que savait apposer Svetlanov dans la pièce, sans parler de Rachmaninov lui-même. Ici, limite ses grimaces précédentes pour maintenir un visage plus fermé, mais ne propose qu'un lyrisme hors-sujet. Les passages plus clairs, comme l'échange à la flûte de Pahud puis au cor anglais de Dominik Wollenweber (3') créent de beaux moments d'orchestre à l'image de la poésie des violons (5') ou des amples phrases des violoncelles (7'), desquels il faut pourtant chercher loin les rames mortelles de Charon, pour un tableau qui s'éteint d'une étrange lumière.

Francesca da Rimini enfin, composé par Tchaïkovski lors d'un séjour à Bayreuth quelques mois après la création du Ring, ne déploie jamais un style différent de la partition précédente et pourrait presque faire croire à un auditeur novice qu'elle provient de la même main. Ici encore, on ne retrouve même pas ce drame de l'instant que l'on pouvait pourtant parfois reprocher au chef, notamment lorsqu'il abordait les symphonies du même compositeur. Là encore, on cherche une histoire comptée seulement par un flux orchestral exposé à la mesure. Aucune noirceur dans l'Enfer initial, aucune rupture dans les échanges entre instruments pour l'arrivée dans l'enceinte des ombres condamnées, puis aucun cataclysme pour la tornade, dans laquelle on attendait au moins la gestuelle exacerbée de Kirill Petrenko, tout juste un peu plus libre dans les ultimes coups de poignards du poème.

A mesure que le temps passe et malgré les acclamations d'une majorité des critiques et du public aujourd'hui, on cherche de notre côté de plus en plus à comprendre ce que le chef peut proposer d'autre qu'une lecture primaire des partitions symphoniques ; espérons que le concert de fin janvier, avec Daniil Trifonov au piano, vienne contredire ces propos.

Crédits photographiques : © Monika Rittershaus / Berliner Philharmoniker

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