Christophe Rousset et Ann Hallenberg à la Philharmonie de Paris, Music for a while
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Paris. Cité de la Musique, Salle des concerts. 29-IX-2020. Henry Purcell (1659-1695) : airs extraits du recueil Orpheus Britannicus ; suites pour clavecin n° 2 en sol mineur et n° 7 en ré mineur. Ann Hallenberg, mezzo-soprano ; Atsushi Sakaï, viole de gambe ; Karl Nyhlin, théorbe ; Christophe Rousset, clavecin
Christophe Rousset et Ann Hallenberg ont puisé dans le recueil posthume Orpheus Britannicus des airs de Henry Purcell pour un court mais brillant récital.
Ce concert, qui aurait dû se tenir dans le petit amphithéâtre de la Cité de la Musique, devait être l'occasion d'admirer de près le fac-similé par Émile Jobin (1994) d'un clavecin dû à Vincent Tibaut (Toulouse, 1691) conservé au Musée de la Musique. Et de profiter de ce cadre plutôt intimiste pour reconstituer en effectif réduit (clavecin, viole et théorbe autour d'une chanteuse) un « salon » de l'époque de la reine Mary. Distanciation oblige, l'événement a été déplacé dans la Salle des concerts, qui se révèle très clairsemée avec largement moins d'un siège sur deux occupé.
De prime abord, la salle apparaît trop vaste pour l'événement, et en particulier pour le clavecin dont on regrette fort de ne pas pouvoir bien goûter les sonorités. Gageons que Christophe Rousset ne varie pas autant les registres qu'il l'aurait fait dans un lieu aux dimensions plus raisonnables. Mais dans les deux suites pour clavecin seul qui ornent le programme, on apprécie la grande science du jeu du claveciniste et sa splendide musicalité, chez un compositeur qu'il a relativement peu fréquenté jusqu'alors. L'impression que l'instrument chante est bien là, tout comme celle que chaque note ne pouvait pas tomber à un meilleur moment.
Ann Hallenberg est ô combien habituée à remplir l'espace dans les plus grandes maisons et les plus grands festivals. Elle connaît son Purcell sur le bout des doigts, et chante régulièrement avec Christophe Rousset et les Talens lyriques (y compris dans ce même répertoire). Et elle est en forme vocalement : autant dire que ce programme d'à peine une heure est avalé sans la moindre baisse d'intensité. La mezzo-soprano peut apparaître parfois légèrement en difficulté dans les aigus, mais cela est plus que compensé par son expressivité et son sens du théâtre extraordinaires. Comme le dit Christophe Rousset, on ne vient pas à un récital de chant, mais à une déclamation de poésies. Certains des airs choisis sont de véritables petites cantates, aux contrastes marqués dans lesquels Ann Hallenberg fait merveille, comme Bess of Bedlam où des passages quasi parlés succèdent aux moments les plus élégiaques. Mais on ne se lasse pas d'entendre aussi les « tubes » habituels quand ils sont chantés avec un investissement sans faille et dans une incarnation si fine : If Music be the food of love, Music for a while, O solitude, my sweetest choice, ou encore le déchirant Ah Belinda! tiré de Dido and Æneas. Christophe Rousset, Atsushi Sakaï à la viole et Karl Nyhlin au théorbe sont des accompagnateurs subtils, qui forment avec Ann Hallenberg une équipe animée par une grande complicité au service de la poésie.
Crédits photographiques : Ann Hallenberg © Örjan Jakobsson ; Christophe Rousset © Eric Larrayadieu
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Paris. Cité de la Musique, Salle des concerts. 29-IX-2020. Henry Purcell (1659-1695) : airs extraits du recueil Orpheus Britannicus ; suites pour clavecin n° 2 en sol mineur et n° 7 en ré mineur. Ann Hallenberg, mezzo-soprano ; Atsushi Sakaï, viole de gambe ; Karl Nyhlin, théorbe ; Christophe Rousset, clavecin