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Royaumont. Festival Voix nouvelles. 6-IX-2020. Abbaye : Réfectoire des moines. 14h30 : Francesco Filidei (né en 1973) : Funerali d’ell Anarchico Serantini, pour six musiciens sans instruments ; Alberto Carretero (né en 1985) : Haikus de Machado, pour chanteuse Nô, viole de gambe et percussion (CM) ; Noriko Baba (né en 1972) : Non-canonic Variations pour flûte, clarinette, alto, violoncelle ; Kirsten Milenko (né en 1993), We Are Strangers, pour violon, alto, violoncelle, contrebasse, viole de gambe ; Sofia Avramidou (née en 1988) : Metallages, pour flûte, clarinette, cor, percussion, piano, violon, violoncelle, contrebasse (CM) : Adrian Laugsch (né en 1997) : FUNDUS3 : fetisch j, pour chanteuse Nô, flûte, clarinette, cor, percussion, piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse (CM)
17h : Sérgio Rodrigo (né en 1983), TOCAR, pour viole de gambe / paetzold ; Didier Rotella (né en 1982) : Anamorphose – b, pour chanteuse Nô, flûte basse, clarinette basse, cor, percussion, piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse ; Elisabeth Angot (née en 1988 : N27, pour flûte, clarinette, cor (CM) ; Claudia Jane Scroccaro (née en 1984), Overdrive, pour clarinette basse, contrebasse et piano (CM) ; Francesco Filidéi (né en 1973) : Lied, pour violon (CM) ; Samuel Taylor (né en 1992) : See and Saw, pour flûtes, clarinette basse, cor, percussion, violon, violoncelle et contrebasse (CM) ; Michele Foresi (né en 1988) : I never understood wind, pour chanteuse Nô, violon, alto, violoncelle (CM) ; Carolyn Chen (née en 1963), Cup up red stars round me, pour flûte, clarinette, piano, percussion, violon, alto et violoncelle. Ryoko Aoki, Nô ; Eva Reiter, viole de gambe ; Interprètes de l’Ensemble Voix Nouvelles. Ensemble Musikfabrik, direction Mariano Chiacchiarini
Condensé en un jour et deux concerts, Voix Nouvelles ouvre le festival de Royaumont, sortant par là même l'Abbaye du silence imposé par la crise sanitaire.
Il n'était que dix compositeurs cette année à être venus à l'Abbaye durant les quinze jours de l'Académie pour travailler auprès des maîtres Noriko Baba, Francesco Filidei et Eva Reiter, Dmitri Kourliandski, resté en Russie, ayant opté pour le télé-enseignement. On retrouve sur scène, après leur passage à Manifeste, les musiciens de Musikfabrik, dirigés cette fois par Mariano Chiacchiarini. Ils sont relayés par les sept interprètes de l'Ensemble Voix Nouvelles qui complètent un programme aussi dense que passionnant. On compte au total douze créations, deux commandes ayant été passées à Francesco Filidei et à Samuel Taylor, lauréat de l'Académie Voix Nouvelles 2019.
Ce sont les jeunes interprètes de l'Académie qui débutent la manifestation, assis devant une longue table de bois et masqués pour jouer, sans leur instrument, I Funerali dell'Anarchico Serantini, une pièce emblématique de Francesco Filidei qui lui a été commandée par la Fondation de Royaumont en 2006. Dans ce cérémonial étrange écrit en hommage à l'une des victimes de la répression italienne de 1972, les gestes, attitudes et actions sonores des performers sont autant de pistes métaphoriques pointant les violences policières et l'acte criminel.
Les compositeurs de l'Académie étaient cette année invités à écrire pour la voix Nô de Ryoko Aoki (sur la scène en habit traditionnel), ainsi que pour la viole de gambe d'Eva Reiter, interprète et compositrice. Haikus de Machado, pour chanteuse Nô, viole de gambe et percussion d'Alberto Carretero répond aux deux sollicitations, tâchant de jeter des ponts entre la tradition japonaise et celle du flamenco. Le mélange par trop hétérogène et le déséquilibre patent entre la viole et une percussion très sophistiquée nuisent à la cohérence du projet même si le registre étonnant et la posture vocale de Ryoko Aoki ne laissent d'exercer son pouvoir de fascination. Soliloquio… de un teatro Fracasado de Manuel Hidalgo Navas (à peine 22 ans !) « met en scène » le cor de Christine Chapman dans un solo un rien démonstratif – incluant la voix de la corniste – défendu avec une aisance virtuose par l'interprète. Au côté des flûte, clarinette et alto, le violoncelle est « préparé » dans Non canonic Variations de Noriko Baba où la musique d'orgue de Bach est passée au filtre de la mémoire : délicatesse, humour et amour du son s'y exercent avec un raffinement délectable. La pièce de Kirsten Milenko semble lui faire écho. Au centre du dispositif, la viole de gambe est associée aux violon, alto, violoncelle et contrebasse dans We are Strangers, une musique de l'errance aux textures flottantes et registres clairs superbement restituée par les interprètes de Musikfabrik. Tout fonctionne à merveille dans Metallages de Sofia Avramidou, une pièce dirigée par Mariano Chiacchiarini où l'espace se construit dans l'énergie du souffle, le mouvement cinétique et les textures de bruit blanc. Adrien Laugsch (23 ans) tente un rapprochement plutôt astucieux entre la chanteuse Nô et « Butterfly » dans FUNDUSS3 : fetisch J dont le titre ne laisse d'interroger. Ryoko Aoki est à l'étage, dominant l'ensemble des neuf instruments et manipulant un poste de radio au bruit de fond intermittent. La musique de Puccini s'invite dans l'écriture instrumentale foisonnante que semblent commenter les interventions de la chanteuse, dans son parlando très stylisé (inflexions et vibrato) et une dimension théâtrale bien assumée.
Tocar (toucher) pour viole de gambe de Sérgio Rodrigo, qui débute le deuxième concert, relève de la performance. Comédienne autant que musicienne, Eva Reiter s'accompagne de son instrument traité comme une grosse guitare (avec des techniques de jeu étendues) pour dire le texte de Hakim Bah qui dénonce là encore les violences policières au Brésil. Plus risquée et développée, Anamorphose – b de Didier Rotella place la voix de Ryoko Aoki au sein de l'ensemble, dont le cri de détresse – « I can't breath » – est répercuté par les instruments dans un souffle et une envergure dramatique saisissante. S'il faut saluer la performance de la chanteuse, l'intégration de sa voix si typée au sein de l'écriture n'est pas moins réussie. Sage autant que ludique, N27 pour flûte, clarinette et cor d'Élisabeth Angot revisite certains types d'écriture de l'histoire de la musique (hoquet, choral, scherzo…) auxquels la compositrice apporte sa touche personnelle, comme ce scherzo elfique en bruit blanc. Conduite de main de maître, Overdrive pour clarinette basse, contrebasse et piano de Claudia Jane Scroccaro balance entre musique éruptive, en mode free jazz, et plages contemplatives. La partie de la contrebasse – immense Florentin Ginot – sertie par les sonorités inouïes de ses deux partenaires enchante la section finale.
En création mondiale également, Lied pour violon de Francesco Filidei, sous l'archet subtil de Hannah Weirich, est une courte pièce jouant sur les allures du son (vibration, ondulation, stylisation ornementale) où la sensualité le dispute à la sobriété du geste. Commande de la Fondation Royaumont avec le soutien de Christine Jolivet Erlih, See and Saw pour ensemble de Samuel Taylor confirme le savoir-faire et la sensibilité de cette oreille à l'affût, via un travail d'orchestration très fin sur les textures portées vers la sphère lumineuse des bols en résonance.
Le chef est assis pour diriger la pièce de Michele Foresi, I never understood wind pour voix et trio à cordes. On ne comprend pas toujours ce que nous raconte la chanteuse Nô adoptant le parlé-rythmé de sa voix traditionnelle. L'éventail qu'elle manipule devant son visage participe de l'univers bruité de l'écriture instrumentale sans véritablement éclairer la signification de ses gestes.
On retrouve, en fin de parcours, les interprètes de l'Ensemble Voix nouvelles sous le geste souple de Mariano Chiacchiarini dans Cut up red stars round me, une pièce de 2010 de Carolyn Chen : paysage sonore quasi impressionniste conçu dans un registre clair et une harmonie consonante dont on retient surtout le bel effet de cloches lointaines au terme du voyage onirique.
Saluons la prestation des jeunes interprètes et le travail fabuleux de l'Ensemble Musikfabrik face aux exigences des douze pièces en création.
Crédit photographique : © Michèle Tosi
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Royaumont. Festival Voix nouvelles. 6-IX-2020. Abbaye : Réfectoire des moines. 14h30 : Francesco Filidei (né en 1973) : Funerali d’ell Anarchico Serantini, pour six musiciens sans instruments ; Alberto Carretero (né en 1985) : Haikus de Machado, pour chanteuse Nô, viole de gambe et percussion (CM) ; Noriko Baba (né en 1972) : Non-canonic Variations pour flûte, clarinette, alto, violoncelle ; Kirsten Milenko (né en 1993), We Are Strangers, pour violon, alto, violoncelle, contrebasse, viole de gambe ; Sofia Avramidou (née en 1988) : Metallages, pour flûte, clarinette, cor, percussion, piano, violon, violoncelle, contrebasse (CM) : Adrian Laugsch (né en 1997) : FUNDUS3 : fetisch j, pour chanteuse Nô, flûte, clarinette, cor, percussion, piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse (CM)
17h : Sérgio Rodrigo (né en 1983), TOCAR, pour viole de gambe / paetzold ; Didier Rotella (né en 1982) : Anamorphose – b, pour chanteuse Nô, flûte basse, clarinette basse, cor, percussion, piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse ; Elisabeth Angot (née en 1988 : N27, pour flûte, clarinette, cor (CM) ; Claudia Jane Scroccaro (née en 1984), Overdrive, pour clarinette basse, contrebasse et piano (CM) ; Francesco Filidéi (né en 1973) : Lied, pour violon (CM) ; Samuel Taylor (né en 1992) : See and Saw, pour flûtes, clarinette basse, cor, percussion, violon, violoncelle et contrebasse (CM) ; Michele Foresi (né en 1988) : I never understood wind, pour chanteuse Nô, violon, alto, violoncelle (CM) ; Carolyn Chen (née en 1963), Cup up red stars round me, pour flûte, clarinette, piano, percussion, violon, alto et violoncelle. Ryoko Aoki, Nô ; Eva Reiter, viole de gambe ; Interprètes de l’Ensemble Voix Nouvelles. Ensemble Musikfabrik, direction Mariano Chiacchiarini