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Inattendu rapprochement de Bruckner et Stravinsky autour de la messe latine

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Anton Bruckner (1824-1896) : Messe en mi mineur pour double chœur et instruments à vent. Igor Stravinsky (1882-1971) : Messe pour chœur et instruments à vent. Chœur de la radio de Berlin ; Vents de l’orchestre symphonique de la radio de Berlin ; direction : Gijs Leenaars. 1 CD Pentatone. Enregistré en juin 2019 à Berlin. Notice bilingue (allemand, anglais). Durée : 53:10

 

La mise en miroir surprend de prime abord, pourtant l'idée de coupler ces deux messes inhabituelles dans la production de leurs auteurs, autant par leur destination liturgique que par leur orchestration austère et leur absence de voix solistes, montre une belle logique.

Bruckner-StravinskyLa Messe en mi de Bruckner fait figure d'œuvre singulière dans le corpus de sa musique sacrée. Écrite pour un chœur à huit voix accompagné seulement de quinze vents, elle renonce aux fastes du grand orchestre ou au quatuor de solistes qu'on trouve dans les grandes messes concertantes de Mozart, Haydn ou Schubert, comme à la richesse symphonique des deux autres grandes messes de Bruckner lui-même. Destinée à un usage plus liturgique que les autres, elle laisse d'ailleurs au célébrant le soin d'entonner Gloria et Credo. Mais cette relative austérité, comparable à celle de nombreux motets du compositeur (notamment ceux accompagnés par trois trombones), ne doit pas occulter l'étonnante richesse de la polyphonie terriblement exigeante pour le chœur, ni les effets de timbres que le compositeur parvient à tirer d'un effectif réduit mais puissant. L'œuvre a connu une riche discographie où l'on trouve à la fois des grands chefs « symphoniques » comme Jochum, Mehta ou Barenboim et des chefs de chœurs (Rilling, Bernius) voire des chefs issus du mouvement baroque comme Herreweghe ou Norrington . Cette nouvelle version met surtout en valeur l'homogénéité et la perfection d'intonation du chœur à grand effectif de la radio de Berlin et s'avère remarquable par la lisibilité des lignes vocales et instrumentales. Elle parvient à donner l'illusion d'un grand orchestre avec les moyens limités dont Bruckner fait usage.

Le complément de cet album, malheureusement d'une brièveté frustrante, s'avère surprenant mais en fait très logique. Certes, un monde esthétique sépare l'œuvre du catholique fervent Bruckner créée en 1869 (et révisée en 1882) de la messe composée de façon inattendue par Stravinsky en 1948, mais les effectifs sont comparables ainsi que la destination liturgique. En quinze minutes au total, toutes les parties chantées de l'office sont bouclées par Stravinsky avec une netteté de trait et de dessin proprement fascinantes.

Le rapprochement s'avère donc particulièrement pertinent et la précision du chœur berlinois est digne de son ampleur dans Bruckner. Une belle réussite pour le et son jeune chef enthousiaste , mais on pourra préférer les disques plus homogènes où la messe de Bruckner voisine avec ses motets ou son célèbre Te Deum. Espérons que la très originale série de réhabilitation de la musique sacrée de Bruckner entreprise par Łukasz Borowicz (Accentus) inclura bientôt cette messe.

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Anton Bruckner (1824-1896) : Messe en mi mineur pour double chœur et instruments à vent. Igor Stravinsky (1882-1971) : Messe pour chœur et instruments à vent. Chœur de la radio de Berlin ; Vents de l’orchestre symphonique de la radio de Berlin ; direction : Gijs Leenaars. 1 CD Pentatone. Enregistré en juin 2019 à Berlin. Notice bilingue (allemand, anglais). Durée : 53:10

 
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1 commentaire sur “Inattendu rapprochement de Bruckner et Stravinsky autour de la messe latine”

  • Michel LONCIN dit :

    Il est en effet heureux que la musique sacrée de Bruckner (et pas seulement les trois grandes messes et le Te Deum) fasse de plus en plus l’objet de programmations … Dans un autre ordre d’idée … à QUAND, ENFIN, une biographie de Bruckner en langue française … ? On ne dispose « que » de l’opuscule de Jean Gallois parue, au début des années ’60 dans la collection « Solfège » et les deux livres du regretté Paul-Gilbert Langevin … ? Nous approchons du bicentenaire de la naissance … en 2024 …

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