Plus de détails
Torre del Lago. Cittadella del Carnevale. Festival Puccini. 27-VI-2020. Giacomo Puccini (1858-1924) : Gianni Schicchi, opéra en un acte sur un livret de Giovacchino Forzano. Mise en scène : Valentina Carrasco. Lumières : Peter van Praet. Décors et costumes : Mauro Tinti. Avec : Bruno Taddia, Gianni Schicchi ; Elisabetta Zisso, Lauretta ; Rossana Rinaldi, La Zita ; Alessandro Fantoni, Rinuccio ; Alberto Petricca, Gherardo ; Aurora Tirotta, Nella ; Pedro Carrillo, Betto, Davide Mura, Simone ; Raffaele Facciolà, Marco ; Chiara Tirotta, La Ciesca ; Alessandro Ceccarini, Maestro Spinelloccio/Ser Amantio di Nicolai ; Samuele Giannini, Gubbio ; Francesco Lombardi, Pinellino ; Nicholas Ceragioli, Gherardino. Orchestra della Toscana, direction : John Axelrod
Le Festival Puccini 2020 à Torre del Lago s'est ouvert avec Gianni Schicchi, premier opéra mis en scène en Europe suite à la pandémie de coronavirus.
La scène s'ouvre, éclairée d'une lumière verte, métallique, couleur hôpital. Les chanteurs rôdent avec des masques, des casquettes, des gants colorés, dans leurs combinaisons d'infirmiers et même avec des masques de plongée adaptés pour ventiler les patients du Covid-19. En prenant des sprays et des cylindres à vapeur, ils commencent à désinfecter les meubles de la maison Donati, un canapé, un fauteuil, une table, tous enveloppés de plastique, produisant des nuages de vapeur même sur le lit où, derrière un écran en plastique, gît le défunt, dont les parents guettent l'héritage.
Ainsi s'est ouvert la 66ᵉ édition du Festival Puccini de Torre del Lago, avec le Gianni Schicchi de Giacomo Puccini que le nouveau directeur artistique, Giorgio Battistelli, a choisi de présenter : « C'est un travail nécessaire ». Il fallait rouvrir le théâtre, faire revivre l'opéra en direct, sauver la saison du Festival Puccini tout en surfant sur les incertitudes.
Pour cette édition 2020, qui comprendra deux nouvelles productions adaptées aux protocoles sanitaires (Tosca, les 6 et 14 août, et Madama Butterfly, les 18 et 21 août), Giorgio Battistelli a voulu transformer en ressorts dramatiques les contraintes imposées par le coronavirus. Aussi a-t-il décidé de débuter avec l'opéra de Puccini, né à l'époque de l'épidémie de grippe espagnole (dont la sœur du compositeur fut l'une des victimes) et mis en scène pour la première fois au Metropolitan Opera de New York en 1918. Cette production, diffusée en direct et pendant 48 heures sur le site italiafestival.it, a été présenté selon le protocole sanitaire du Covid-19 : devant une audience réduite, rassemblée dans la cour de la Citadelle de Viareggio entourée des pavillons des chars du Carnaval.
« E' una vera commedia dell'arte, con le mascherine » (« C'est une véritable commedia dell'arte, avec des masques ») déclare John Axelrod, qui dirige l'Orchestra della Toscana avec des musiciens portant tous des masques et placés à des distances régulières. Un titre comme Gianni Schicchi, où le comique épouse le tragique et le transcende, se prêtait à la perfection aux circonstances. Cela se confirme dans la mise en scène confiée à la talentueuse metteuse en scène argentine qui a fait son apprentissage à la Fura dels Baus et vient de réaliser de beaux succès à l'Opéra de Rome (Carmen à Caracalla, Les Vêpres Siciliennes sous la direction de Daniele Gatti). Valentina Carrasco trouve la clé pour adapter à notre époque de pandémie la mort dans la solitude du riche Florentin, sans jamais tomber dans le trivial, et en renforçant au contraire la veine comique-grotesque de Puccini, jusqu'à l'émouvant hommage final « ai nostri babbini cari« .
John Axelrod exploite la théâtralité des chanteurs dans la meilleure tradition italienne, tout en restituant toute la splendeur orchestrale de la partition. Le plateau vocal est de qualité avec une distribution qui a chanté pendant une heure avec un masque sur la bouche, sauf pour l'abaisser à certains moments, tout en gardant ses distances de sécurité, soit dans les chuchotements initiaux des parents avides, soit dans la recherche de la volonté du défunt, qui se déroule comme une danse folle autour de beignets colorés sortis des canapés, d'oiseaux en plastique et même d'un mannequin de pin-up gonflable, qui passe de main en main comme s'il s'agissait du corps du crime. Le baryton Bruno Taddia dans le rôle-titre fait preuve d'une grande expressivité théâtrale et d'une impeccable technique vocale avec sa voix ronde toute en clair-obscur, suivant la partition à la lettre, de la voce spiegata du chant de Puccini à la voce camuffata du mourant in falsetto. En Lauretta, Elisabetta Zizzo la jeune soprano élève d'Alessandra Mantovani, livre une excellente performance, notamment dans « O mio bambino caro », où la fille de Schicchi promise à Rinuccio, petit-fils du défunt, se dit prête au suicide plutôt que renoncer au mariage, et où avec des couleurs claires de soprano lyrique légère, elle privilégie la douceur pour exprimer l'émotion. Se démarquent Rossana Rinaldi dans le rôle de La Zita, très confiante en ses moyens, et le surprenant baryton vénézuélien Pedro Carrillo, qui harnaché de palmes, masque de plongée et bâches en plastique, chante le rôle de Betto avec l'accent toscan.
Les lumières marquantes conçues par Peter van Praet et les surprenants décors et costumes de Mauro Tinti contribuent également à rendre ce spectacle si particulier mémorable.
Crédits photographiques : © Lorenzo Montanelli / Festival Puccini
Plus de détails
Torre del Lago. Cittadella del Carnevale. Festival Puccini. 27-VI-2020. Giacomo Puccini (1858-1924) : Gianni Schicchi, opéra en un acte sur un livret de Giovacchino Forzano. Mise en scène : Valentina Carrasco. Lumières : Peter van Praet. Décors et costumes : Mauro Tinti. Avec : Bruno Taddia, Gianni Schicchi ; Elisabetta Zisso, Lauretta ; Rossana Rinaldi, La Zita ; Alessandro Fantoni, Rinuccio ; Alberto Petricca, Gherardo ; Aurora Tirotta, Nella ; Pedro Carrillo, Betto, Davide Mura, Simone ; Raffaele Facciolà, Marco ; Chiara Tirotta, La Ciesca ; Alessandro Ceccarini, Maestro Spinelloccio/Ser Amantio di Nicolai ; Samuele Giannini, Gubbio ; Francesco Lombardi, Pinellino ; Nicholas Ceragioli, Gherardino. Orchestra della Toscana, direction : John Axelrod