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L’Auditorium de Radio France retrouve son public

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Paris. Auditorium de Radio France 25-VI-2020. Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Symphonie en sol majeur H 657 (W 182/1) ; Bohuslav Martinů (1890-1959 ) : Double concerto pour 2 orchestres à cordes, piano et timbales BB 118 ; Béla Bartók (1881-1945) : Divertimento pour orchestre à cordes BB 118. Cédric Tiberghien, piano, François Desforges, timbales. Orchestre National de France ; direction François-Xavier Roth

Fermé au public depuis le début mars, l'Auditorium de Radio France rouvre ses portes au public dans le respect des règles sanitaires les plus strictes. Il n'y a pas d'instruments à vent sur le plateau pour ce sixième concert de la série « Le temps retrouvé » mais, à l'affiche, des œuvres rarement jouées comme ce double concerto pour deux orchestres à cordes, piano et timbales de Martinů, invitant le pianiste au côté du « National » dirigé par .

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Les barrières sanitaires (prise de température, masque et distance entre chaque auditeur) n'auront pas découragé le public pour ce premier concert live d'une grosse heure, et sans entracte, qui réunit ce soir 600 personnes occupant tous les espaces de l'Auditorium ! Trois mille places, au prix modique de dix euros, ont été mises en vente par Radio France pour les cinq soirées publiques programmées du 25 juin au 23 juillet, convoquant en priorité les cordes et les percussions des deux orchestres de la Maison.

Cordes et clavecin sont mobilisés dans la Symphonie en sol majeur de ,  une « mise en bouche » à fleur de nerf, qui met au défi les cordes du « National» : confère à cette musique intranquille, qui se joue des contrastes et des silences impromptus, son originalité et sa saveur, même si l'on aurait souhaité plus de légèreté encore et de précision dans les attaques.

Pas de changement de plateau entre les œuvres mais un simple déplacement en fond de scène des musiciens qui rejoignent le timbalier du « National » François Desforges et pour l'œuvre attendue de la soirée, ce double concerto de Bohuslav Martinů. Chef d'œuvre peu connu du maître, il réunit deux orchestres à cordes (placés symétriquement de part et d'autre du chef), le piano et les timbales. L'œuvre a été  commandée par en 1938, juste après la Musique pour cordes, percussion et célesta de Bartók à laquelle elle fait penser. Elle est créée en 1940 à Bâle, sous la direction du mécène, durant une période ô combien tourmentée dont la musique se fait l'écho.

L'atmosphère est donnée dès les premières mesures installant un climat d'urgence et un dramatisme sombre des cordes auquel le pianiste apporte ses couleurs : contrepoint serré et ponctuations sonores des timbales qui participent du drame latent dans un premier mouvement implacable. Extrêmement concis et d'autant plus profond, le mouvement lent laisse davantage la parole au piano, un instant d'une grande émotion sous le jeu sensible, admirablement conduit et toujours bien timbré de . La tension est maintenue sans faille par dans un troisième mouvement fulgurant et concentré où Martinů fait revenir in fine le choral du mouvement lent. Cédric Tiberghien, bien inspiré, revient sur scène pour nous offrir en bis une chanson populaire harmonisée par , une perle à laquelle il confère une fraicheur de ton et une ciselure des contours magnifiques.

On retrouve le maître hongrois et l'inspiration populaire dans le Divertimento pour cordes, une œuvre de maturité écrite en quinze jours, qui a été commandée à Bartók par le même Sacher en 1939. L' a réinvesti sa position initiale sur le devant de la scène pour interpréter cette pièce en trois mouvements vif lent vif. Elle relève de l'idée du concerto grosso baroque qui fait dialoguer un petit groupe de solistes (violon, alto, violoncelle) et le tutti. Dans l'esprit enjoué de la danse populaire irriguant une écriture dûment savante, le premier mouvement sonne haut et clair sous les archets réactifs des musiciens. Le mouvement lent contraste radicalement ; chromatique et sombre, c'est une sorte de marche funèbre un rien oppressante, rappelant le contexte dans lequel est écrite la partition. Le dernier mouvement est l'expression jubilatoire d'un compositeur rompu à toutes les complexités du contrepoint – le fugato est galvanisant sous la conduite du chef – ménageant quelques belles parties solistes – celle du violon solo –  et préfigurant l'esprit du Concerto pour orchestre : une manière de nous faire oublier l'absence des vents au sein d'un concert qui, au final, regorgeait de pépites.

Crédit photographique : © Frances Marshall / Radio France

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