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Dernier concert virtuel à l’Opéra de Dijon : Variations Goldberg

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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Variations Goldberg BMW 988. Brice Pauset, clavecin
Concert sans public, diffusé en direct

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Le Festival Artistes en Résidence/Artistes en Résistance accueille pour un concert sans public. Voici le compositeur du dernier opéra vu sur la scène de l'Auditorium avant clôture prématurée de la saison 2019/2020, seul en scène pour un face-à-face avec Bach.

Brice Pauset (c) Gilles Abegg
fait figure de vétéran dans la riche écurie des résidents de l'Opéra de Dijon. Au cours de dix années (2010-2020), il a pu exercer conjointement ses talents de compositeur et d'interprète, deux activités que, de son propre aveu, il n'a jamais pu concevoir comme séparées. Deux opéras (L'Opéra de la Lune en 2012, Les Châtiments en 2020), ont balisé nombre de concerts issus de nombreuses collaborations et de commandes diverses (Les Dissonances de , ou encore la si originale Tétralogie de Laurent Joyeux lestée par Pauset de deux Prologues inédits…). Une foultitude de récitals (une intégrale Couperin) a fait la part belle à Bach.

Jusqu'au grand œuvre des Goldberg, prévu le 16 juin 2020. Nous y sommes. Mais dans un tout autre contexte : celui d'un clavecin sur la scène d'un auditorium désert entraperçu comme par effraction. Contrairement à d'autres concerts du Festival, l'expérience intime à laquelle l'œuvre convie s'accommode assez bien de ces hautes solitudes. Il n'y aura d'ailleurs cette fois, au-delà d'une très pédagogique préparation en ligne, ni introduction ni échange avec le public, comme ce fut le cas, par exemple avec Leonardo García Alarcón.

L'introduction d'un travelling avant s'enchaînant à un mouvement circulaire pour s'approcher à pas comptés de l'interprète sur l'Aria introductive voit sa savante progression buter sur les mains de dont les doigts affichent d'emblée un temps d'avance sur l'image : les yeux n'en croient pas leurs oreilles et vice-versa ! On soupçonne la connexion internet, on coupe et réinitialise en vain. Las, il faut se résoudre à la schizophrénique expérience (corrigée en replay) sur la durée de la soirée : de mémoire de mélomane, jamais vécue dans le monde réel des concerts en vrai.

Les Goldberg, destinées, dit la légende (fausse dit-on encore), à accompagner, en 1741, les insomnies du protecteur du compositeur, le Comte Kaiserling, pourraient ce soir encore soulager bien des insomnies contemporaines dans l'ample interprétation (1h25), du genre « plus c'est long plus c'est bon », qu'en donne Brice Pauset sur un clavecin de Christophe Kern (Staufen im Breisgau, 2016) d'après Michael Mietke (Berlin, 1710). Le son est superbe, bien que parasité çà et là par quelque crachin numérique (plus discret que la toux du voisin). L'irrésistible Variation 3, prise avec retenue, indique que la virtuosité le cédera à l'intériorité. Les variations les plus longues sont appréhendées comme des oasis de silence (le recueillement de la Variation 24 frôle les dix minutes) et leur séduction soulignée avec une belle science des effets (le dialogue enchanteur des deux claviers de la Variation 13) tandis que les enchevêtrements arachnéens des numéros les plus animés éclatent dans toute leur complexité, vaincus les uns après les autres avec l'endurance et la concentration tranquille d'un corps immobile, d'un visage impassible. La stature quasi-janséniste, d'un Leonhardt du XXIᵉ siècle.

Lorsqu'enfin la caméra donne tout son sens à l'Aria conclusive en rejouant judicieusement à l'envers le travelling circulaire du début ponctué par un plan large qui fait découvrir la solitude du musicien dans l'immensité désolante de l'Auditorium, on est heureux d'apprendre le retour du public dès le concert suivant de ce Festival, conclusion d'une vision lyrique à large vue, celle de l'Opéra de Dijon où, sous l'ère Joyeux, le spectateur a pu, comme Brice Pauset dit l'avoir fait lui-même, « vérifier grandeur nature l'adage selon lequel un public est quelque chose qui se construit ».

Crédit photographique : © Gilles Abegg

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