Tugan Sokhiev et l’ONCT : jusqu’au bout du drame dans Chostakovitch
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Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 8 en ut mineur op. 65. Orchestre National du Capitole de Toulouse ; direction : Tugan Sokhiev. 1 CD Warner Classics. Enregistré en décembre 2019 à la Halle aux grains de Toulouse. Notice trilingue : français-anglais-allemand. Durée : 66:25
Warner ClassicsAssociant le dramatisme et la violence de Kondrachine à l'hédonisme de Haitink, Tugan Sokhiev et l'Orchestre National du Capitole de Toulouse dressent, ici, une fresque terrifiante de la Symphonie n° 8 de Chostakovitch.
Après avoir côtoyé Ilya Musin à Saint-Pétersbourg, Tugan Sokhiev, directeur musical de l'ONCT depuis 2008 s'est toujours affirmé comme un interprète privilégié des symphonies de Dimitri Chostakovitch. Cet enregistrement de la Symphonie n° 8, composée en 1943, véritable requiem profane fait de glace et de feu, oscillant entre hargne et déploration, en est assurément le plus ardent et le plus dramatique témoignage.
À la fois poignant par la profondeur de l'intonation, par la lenteur du tempo, par l‘ampleur de la respiration orchestrale et déchirant par la stridence des bois, l'Adagio inaugural pose d'emblée le décor d'une interprétation magistrale : une direction d'orchestre inspirée, une lecture au plus près du drame et une phalange d'une qualité superlative dans ses performances solistiques comme par sa réactivité et sa cohésion. Le chef y entretient un discours tendu, sculptant de subtiles nuances pour amener avec une rare acuité l'Allegro non troppo dont la progression rythmique, les contrechants, les dissonances donnent corps à la tragédie poussée jusqu'à l'ultime limite du supportable, avant que la tension scandée par les tambours et timbales ne se résolve dans un monde d'épouvante, d'un statisme écrasant, où seule subsiste la complainte élégiaque du cor anglais émergeant du néant, comme un reste d'humanité qui refuse de s'éteindre.
Grinçant, obstiné, acéré, dans un phrasé fragmenté aux attaques tranchantes, l'Allegretto déroule une marche inexorable, juste troublée par le dialogue incongru du tuba et du piccolo, annonçant l'implacable répétition rythmique, obsédante, de l'Allegro non troppo dont la progression recrute tous les pupitres : véritable musique de transe, appuyée par les cordes graves, les fanfares cuivrées et les menaces de la caisse claire, ce mouvement nous emmène dans une course à l'abîme… à laquelle fait suite sans interruption, dans un contraste saisissant, l'immobilisme inquiétant du Largo : vaste domaine de la déploration, souligné encore par la gravité du cor solo et les cantilènes déchirantes de la petite flûte et de la clarinette basse.
Nimbé de la joie trompeuse du basson solo, du lyrisme des cordes et du chant gracile de la petite flûte, l'Allegretto final ébauche une mélodique pastorale, constamment contrecarrée par le retour du thème obsédant repris tour à tour par tous les pupitres, tandis que grandit la menace dans un discours de plus en plus tendu et dissonant, jusqu'à la péroraison bancale du violon solo et le retour au silence…
Une nouvelle référence, à n'en pas douter !
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Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 8 en ut mineur op. 65. Orchestre National du Capitole de Toulouse ; direction : Tugan Sokhiev. 1 CD Warner Classics. Enregistré en décembre 2019 à la Halle aux grains de Toulouse. Notice trilingue : français-anglais-allemand. Durée : 66:25
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Commentaire un peu décalé car je ne connais pas cet enregistrement mais il semble dommage que cet orchestre qui était avec Plasson un des hauts lieux de la musique française passe dans un domaine ou il y a une forte concurrence et tant de références russes ou autres ….alors que la symphonie française reste pour bcp une « terra incognita » .
Qui pour défendre Ropartz, Roussel, Dukas et tant d’autres ?
A la lecture du présent article, il s’agirait de « LA » version occidentale la plus proche des SOMMETS des orchestres soviétiques et russes … Car, jusqu’à présent, même de la part de Haitink, je n’ai jamais entendu un orchestre occidental (j’entends de ceux situés à « l’ouest » du rideau de fer », car la version de Kurt Sanderling avec le Berliner Sinfonie orchester, de toute première qualité, relève d’un chef ayant fait ses « classes » avec Mravinski et d’un orchestre « de l’est » !) capable de rendre « justice » à ce témoignage de l’IMMENSE tragédie de cette symphonie exprimant l’IMMENSE SACRIFICE de l’URSS/Russie dont « ON » s’efforce désormais de minimiser le rôle DECISIF de l’écrasement de l’HYDRE NAZIE !!!