Les utopies sonores de Franck Vigroux

Si Franck Vigroux, compositeur et guitariste, partage souvent la scène avec les performers Mathew Bourne et Marc Ducret que l'on retrouve dans cet enregistrement live, c'est la première fois qu'il fait appel à un ensemble instrumental constitué, celui d'Ars Nova dirigé par Philippe Naon, au sein d'un projet où s'abolissent les frontières entre l'écrit et le non écrit, l'instrumental et l'électronique.

L'oreille s'alerte à l'écoute de ce mixe sauvage entre les couleurs crues de l'ensemble instrumental, le morphing de la guitare électrique et la source électronique sculptant un espace sonore incandescent et « noisy ». La voix, celle, omniprésente, de la vocaliste Géraldine Keller, prend en charge ce maelström sonore qu'elle semble canaliser, entre séquences hurlantes, chauffées à blanc par les sources électriques, et moments plus intimistes où la matière se décante et les mots d'un poème (l'œil, le temps, la nuit) se font entendre. Dans l'espace de jungle sonore entretenue par les différentes sources sonores, la voix se retrouve souvent au centre de l'improvisation – Géraldine Keller habitée -, traitée en direct par l'électronique ou nue, pour la laisser dire son poème. Bienvenu – après le climax de tension où l'excès de geste (éclaboussures et déferlements de la percussion) et l'excès d'énergie (densité accrue du tutti dardant ses couleurs) confinent à la saturation – le solo de guitare électrique de Marc Ducret parait presque voluptueux, support sur lequel se coule la voix parlée de la chanteuse, articulant dans l'urgence des phrases affolées.

Il n'y a pas de texte qui accompagne les cinq plages de ces « broken circles live » mais un très beau poème dont les phrases sont distribuées selon une typographie originale sur un carton blanc glissé dans la pochette du CD. Rien n'indique sa provenance ni son auteur (Franck Vigroux ?) ; juste l'écho poétique d'un univers sonore à naître.

En bonus, un solo de Franck Vigroux vient compléter la plage 5 : un flux à haute tension, plus proche du jazz fusion, dans un temps pulsé qui sollicite la batterie et l'électronique.