Les mots d'Hélios Azoulay sont des instruments qui parfois se réunissent pour enchanter le monde. C'est dans ce principe d'harmonie que les souvenirs d'un enfant redeviennent palpables.
Les éditions Flammarion annonce un roman, c'est écrit sur la couverture. C'est un peu comme si l'on trouvait une chemise au pays des pantalons, surprise et moment de pure découverte. Premier roman donc, où Hélios Azoulay nous parle de la mort de son père quand il avait quatre ans, de l'amour de son grand père, son oncle et son psychiatre, sa mère et sa collection de cactus, de camés et d' »emmerdes » avec les flics… Bref, une enfance tourmentée.
C'est un texte en rafales, une pierre brute, un drame derrière le miroir, avec son langage crépusculaire qui évoque Eric Satie, mais aussi la lumière profane d'un professeur de clarinette lugubre. Mais le joyau de ces rencontres à la marge du réel, cette présence divine, c'est Ivry Gitlis, le grand, le vénérable de la folie, le Violon du Diable (enregistrement Paganini chez EMI). Il suffit d'avoir dans l'oreille le vibrato débridé de Gitlis pour comprendre toute la subtilité du rythme d'Hélios Azoulay et ses glissades dans le temps de l'enfance.
Dans cette enfance, surgit l'ombre de Romain Gary, sans violon, mais avec les mots et la présence d'un gosse qui voit tout, comme une éponge. Les souvenirs ici prennent l'allure d'un opéra, l'union constante du texte et de la musique. A la vérité, c'est sans doute sur une scène de théâtre que ce thème et variations trouvera une écoute à sa mesure. Car ici, dans les silences, et ils sont nombreux, c'est encore le glissement d'une mélodie qui caresse nos cœurs d'enfants.
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Moi aussi j’ai vécu. Hélios Azoulay. Flammarion, Paris. 136 pages. 16€. 2020
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