Bien trop aimables Prokofiev sous la baguette de Thomas Søndergård
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Serge Prokofiev (1891-1953) : Symphonies n° 1 op. 25 « Classique » et n° 5 op. 100. Orchestre national royal d’Ecosse ; direction : Thomas Søndergård. 1 CD Linn. Enregistré au royal Concerthall de Glasgow, en juin 2019. Notice en anglais. Durée : 56:28
LinnComptant sur la virtuosité de son orchestre et la clarté de sa direction, Thomas Søndergård offre des lectures impersonnelles de deux références de la musique russe du XXᵉ siècle.
Curieuse conception que celle du chef danois dès les premières mesures de la Symphonie “Classique” de Prokofiev ! À vouloir en restituer la rigueur « à la Haydn », il enferme l'interprétation dans une conception rigide. Pas d'humour, alors que c'est bien le sujet du jeune Prokofiev qui provoque les « vieilles barbes » du Conservatoire, comme il l'explique : « Le titre choisi devait être un défi pour mettre les oies en rage et dans l'espoir secret que je ne ferais qu'y gagner si, avec le temps, la symphonie s'avérait réellement classique ». Le basson tente, à lui seul, de divertir dans une œuvre littéralement « radiographiée ». Là où il aurait fallu faire preuve de souplesse, c'est un jeu raide aux violons qui nous est proposé. On retrouve dans cette lecture, les défauts de l'enregistrement des Symphonies n° 2 et n° 7 de Sibelius gravées avec le BBC National Orchestra of Wales. L'analyse fine de la partition ne compense guère le manque d'idées. La dimension lyrique est mesurée « au cordeau », ce qui est d'autant plus dommage car Prokofiev fut d'abord un mélodiste avant d'être un rythmicien. On admire donc la mise en place, la virtuosité pétillante du Finale bien pimenté. Dommage qu'il eut fallu patienter jusqu'au quatrième mouvement… Retour aux références d'Ancerl, Karajan, Gergiev, Abbado et Levine.
La Symphonie n° 5 en si bémol majeur est d'une toute envergure. Chant d'espoir (1944), l'œuvre rend de multiples hommages. On découvre en effet les influences combinées de Sibelius, Brahms, Beethoven, mais également slaves, de Glazounov et de Chostakovitch. L'Andante est précisément digne d'une page de ce dernier, à la fois puissamment rythmé, mais révélant un message d'espérance par le truchement du hautbois. Son chant n'est pas assez porté dans la masse des cordes. La direction est efficace, mais n'évite pas quelques baisses de tension. En vérité, on s'aperçoit que cette lecture demeure bien prévisible, les couleurs du Royal Scottish National Orchestra n'étant pas très variées. L'Allegro marcato rappelle la Suggestion diabolique, pièce pour piano opus 4 de moins de trois minutes, qui dévoile, également, une violence expressive prodigieuse. Il revient à la clarinette, bien valeureuse, d'en organiser la fantastique dynamique grâce à son thème anguleux. La tenue du rythme de marche implacable est à la fois sans faille et sans vraie personnalité. Ballade méditative, l'Adagio est d'une platitude incompréhensible. La narration s'est évanouie alors que cette page évoque le lyrisme de l'écriture de Tchaïkovski aux cordes, et de Moussorgski aux vents. Le Finale, allegro giocoso, débute presque avec nonchalance, sinon une tendresse… grimaçante ! Prokofiev s'amuse sur un rythme de bouffonnerie populaire. La projection sonore est bien faible dans la présente lecture, trop enfermée dans la mise en place. À la suite des témoignages de Karajan, Gergiev, Ashkenazy, Jansons, Rojdestvensky, Tennstedt et Mravinsky, une telle réalisation passe à côté du message de l'œuvre.
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Serge Prokofiev (1891-1953) : Symphonies n° 1 op. 25 « Classique » et n° 5 op. 100. Orchestre national royal d’Ecosse ; direction : Thomas Søndergård. 1 CD Linn. Enregistré au royal Concerthall de Glasgow, en juin 2019. Notice en anglais. Durée : 56:28
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