Cette nouvelle coproduction entre le Müpa de Budapest et le Centre de musique baroque de Versailles propose un fascinant panorama de la musique française du XVIIIᵉ siècle.
Il est quelque peu piquant de constater que c'est de Hongrie que nous vient ce beau florilège d'extraits d'opéras et de cantates du XVIIIᵉ siècle français. Depuis Naïs, Les Indes Galantes, Hypermnestre de Gervais, sans compter d'autres réalisations encore, les projets audacieux portés par György Vashegyi, le Purcell Choir et l'Orfeo Orchestra s'accumulent pour le plus grand bonheur de tous. On est impressionné par la prononciation française des choristes, dont la rondeur vocale force l'admiration, ainsi que par l'idiomatisme des instrumentistes. Ces derniers rendent pleinement justice à l'orchestration subtile de Rameau et de l'ensemble de ses contemporains. Versailles sur les bords du Danube, on aura tout vu !
Le programme de ce captivant album semble se caler sur le principe de l'opéra imaginaire. Il est composé d'une succession d'airs pour soprano, de pages chorales et de pièces pour orchestre, parfois très courtes. Les extraits choisis sont tirés d'ouvrages relativement connus – les opéras de Rameau, les morceaux de Mondonville et de Boismortier – mais également de pièces plus rares, comme c'est le cas pour les longs extraits de l'Omphale de Jean-Baptiste Cardonne ou de la Canente d'Antoine Dauvergne. La plaquette de l'enregistrement ne précise pas s'il s'agit de premières mondiales, le texte de Benoît Dratwicki préférant se focaliser sur les trois chanteuses ayant inspiré les airs figurant sur le CD : Mademoiselle Petitpas, Marie Fel et Marie-Jeanne Lemière. L'agencement des airs pourra faire passer l'ensemble comme une longue cantate dramatique. Chacun pourra trouver sa propre logique dans cet enchaînement qui suggère tour à tour les délices de l'amour, les affres de la guerre et les joies de la paix retrouvée. Les musiciens, nous l'avons dit, sont royaux. Dans les parties de soprano, Chantal Santon Jeffery s'affirme de plus comme une des grandes chanteuses du baroque français sur lesquelles il va désormais falloir compter. Sans avoir encore toutes les grâces vocales d'une Sandrine Piau, ou l'envoutement déclamatoire d'une Véronique Gens, elle parvient à plier son instrument long, puissant et bien timbré – peut-être un peu plus faible dans le bas de la voix – aux redoutables lignes des compositeurs dont elle sert la musique.
Un disque qui fera découvrir à beaucoup les charmes de toute une époque, et qui donnera à d'autres l'envie de connaître les nombreuses pièces dont n'avons ici, grâce à ces quelques extraits, qu'un avant-goût.