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Petites réflexions sur l’histoire de la lutherie française

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La parole est donnée à des facteurs de piano, d’orgue, de clavecin ou encore des luthiers et tout autre artisan « de l’ombre ». Sous la forme d’anecdotes, de réflexion sur le métier, ou de confidences imaginaires d’artisans célèbres dans l’histoire de la musique, ResMusica choisit de les mettre en lumière. Pour accéder au dossier complet : Les confidences d’artisans de la musique

 

Je suis luthier et j’aime mon métier. J’aime la musique et les musiciens. Et je pense que ces derniers me le rendent bien. Nous sommes dans un rapport de respect et d’admiration mutuels ; j’admire leur art, ils admirent mon artisanat.

Atelier-Lutherie-artisanat-Violon-construction-zoom_format_580x670Car, pour eux, je suis avant tout un artisan : je fabrique des instruments (en l’occurrence des altos), seul, je n’ai pas de patron, pas d’employé, ne vends que ce que je fabrique et ne fais pas d’autre commerce. Ce terme d’artisan est donc employé avec une connotation très valorisante, « noble » pourrait-on dire, et s’oppose en ce sens à celui d’ « ouvrier », un travailleur certes, mais qui ne fabrique pas l’instrument dans son entièreté, et à celui de commerçant, qui n’est « qu’un » intermédiaire. Je me rends compte qu’à leurs yeux, je représente une image du monde du travail exceptionnelle, hors du monde marchand, de l’aliénation et des rapports de forces habituellement à l’œuvre dans une société capitaliste. Une bulle écologique, pourrait-on dire, dans laquelle les notions de création et de liberté, en même temps que celles de tradition et de sagesse semblent être prépondérantes. C’est une image morale, faite de valeurs et d’idéaux.

Je le dis, cette image est très largement idéalisée : c’est une image dépolitisée. Personne ne peut vivre dans une bulle. Si je peux vendre les altos que je fabrique à des élèves avancés et à des professionnels, c’est parce que ces derniers ont tous débuté sur des instruments industriels, faits par des ouvriers, au service de patrons, vendus ensuite à des grossistes puis des détaillants, prenant chacun leurs marges. Apparaîtrons alors les notions d’exploitation, de subordination, de profit. Plus tard, certains des musiciens qui jouent mes instruments voudrons en acquérir de plus anciens, plus onéreux. On verra alors apparaître la spéculation, le commerce. Ni la lutherie, ce « métier d’art », ni ses acteurs, n’échappent au système.

Pour autant, cette image me plaît. A dire la vérité, c’est elle qui m’a poussé à faire ce métier. Et j’ai tout mis en œuvre pour que ma réalité lui corresponde. J’ai pu faire le choix de ce mode de vie et de production. Et ça marche, je suis très heureux. Mais je pense que pour être libre dans mon métier, j’ai besoin de comprendre professionnellement d’où je viens pour savoir où je vais : quelle est ma place dans le monde du travail en général, dans celui de la lutherie en particulier, de quelle tradition je relève et comment la réinventer.

J’ai appris mon métier à l’école nationale de lutherie de Mirecourt. A l’époque, en 1982, on y entrait à 15 ans, en classe de seconde. On en sortait à 18, après l’obtention du « brevet de technicien » de luthier, équivalent au baccalauréat. A l’école, on m’a enseigné la technique de fabrication du violon, sa méthodologie, ses gestes. Mais, comme pour toute technique, notamment celles impliquant le corps (telles la pratique sportive ou celle d’un instrument de musique), on m’a implicitement inculqué les valeurs et les idéaux propres à cette technique, c’est-à-dire à cette tradition de la lutherie française mirecurtienne.

Mirecourt est une petite ville des Vosges, où l’on fabrique des violons depuis le XVIIe siècle. Mais, au cours du XIXe, de purement artisanale, la production est passée à un mode industriel. En plus des petits ateliers de luthiers indépendants, travaillant seuls ou avec une petite équipe, il y avait aussi, dans cette petite ville de 5.000 habitants, trois usines, employant à elles seules à un certain moment près de 1.000 ouvriers. C’est ce dernier terme qu’il faut retenir : ouvrier. Car, même si, comme je l’ai déjà mentionné plus haut, nombre de luthiers étaient des « artisans », la tradition de Mirecourt est celle de la classe ouvrière. Parmi les valeurs qui lui sont rattachées, on trouve à la fois celles de discipline et d’humilité d’une part, et celles de fierté et de solidarité (c’est-à-dire de corporatisme) d’autre part. La première leçon de notre professeur de musique, Mlle Berger, a été de nous faire apprendre la « chanson des luthiers de Mirecourt » : « Un vrai luthier, c’est un artiste, subtil et modeste à la fois… / Cet art grandiose est l’apanage des mirecurtiens, bons ouvriers / Considérant cet avantage, nous serons fiers d’être luthiers. »

Ce sont ces valeurs qui ont été inculquées aux luthiers, aussi bien ceux des usines que des ateliers artisanaux indépendants. Ce qui implique que, quel que soit le destin de ces luthiers et leur éventuel changement de classe sociale, (une partie d’entre eux s’établissant, après leur apprentissage, dans d’autres villes de France afin d’y pratiquer une activité non plus axée sur la fabrication mais sur le commerce et la restauration d’instruments anciens, accédant à la petite et moyenne bourgeoisie), ils conservèrent leur mentalité d’origine.

Une caractéristique de cette mentalité se retrouve par exemple, du XIXe à la première moitié du XXe siècle, dans les rapports entre les luthiers et les « savants ». Un « savant », pour un luthier, est un individu instruit, qui peut être aussi bien ingénieur que dentiste, qui se passionne pour le violon en tant qu’objet de science et qui rétribue un luthier pour réaliser un certain nombre d’expériences. Quand les « savants » en question parlent des luthiers, ils les qualifient le plus souvent de « braves artisans doués de leurs mains ». Les luthiers qui effectuent les travaux (je pense notamment à Paul Kaul travaillant pour le docteur Chenantais) les nomment « ces Messieurs ». En clair, pour les savants, les luthiers ne sont pas suffisamment éduqués (voire intelligents) pour comprendre le sens même de leur travail et les traitent avec condescendance, pendant que les luthiers considèrent les savants comme illégitimes à s’exprimer sur le sujet. Nous sommes là dans une situation de mépris de classe réciproque.

Au XXe siècle, la lutherie eut à supporter deux crises majeures : la première fut celle, très brutale, de 1929. La seconde fut plus diffuse : après la Deuxième Guerre mondiale, le plan Marshall apportant le rock’n’roll et l’électrophone, la pratique du violon diminua. Les usines employèrent moins de monde, les luthiers indépendants, qui exerçaient partout en France une activité plus axée sur la réparation et la vente, eurent aussi des temps difficiles… à l’exception des parisiens. Il y eu, là aussi, une forme de lutte. Les luthiers de la capitale jouissaient auprès des clients musiciens d’une aura plus grande que leurs collègues provinciaux. Aussi, chaque fois qu’un musicien envisageait l’acquisition d’un instrument d’un certain prix chez un luthier de province, il montait à Paris pour avoir un avis d’ « expert ». Et, systématiquement, ces derniers leur en déconseillaient l’achat et les orientaient sur leur propre offre. Cela finit par ne plus être tenable. Aussi, pour pacifier ce commerce, fût créé, en 1960, le GLAAF : Groupement des Luthiers et Archetiers d’Art Français, pratiquement tous issus de Mirecourt.

Nous en arrivons à une date importante dans notre petite histoire de la lutherie française : Mai 68. Deux faits sont à remarquer. Le premier, avec les accords de Grenelle et l’instauration du SMIG, est la fermeture définitive des dernières usines de Mirecourt : on a estimé qu’il était plus rentable de faire fabriquer les violons en Europe de l’Est plutôt que de payer autant ces ouvriers.

Le deuxième : en même temps que fermaient les usines, se développait le concept de « métier d’art » et d’« artisanat d’art », fruit des utopies libertaires de l’époque (ce mouvement avait en fait commencé dès le début des années 60). Ce furent au début des potiers, des tisserands qui, en réaction au monde capitaliste, envisagèrent un nouveau mode de production et un nouveau système marchand. Ce principe fut bien sûr lui-même accompagné des valeurs et des idéaux de la classe sociale qui en fut le promoteur : la petite bourgeoisie intellectuelle en quête de sens sur la vie, le travail, le rapport à l’ordre, à la tradition, à la culture… On imagine le choc dans le milieu de la lutherie : deux mondes s’affrontèrent ! D’un côté, ce que j’appellerais les « luthiers traditionnels », petits commerçants-artisans (pas si petits que ça parfois), très empreints de leur mentalité ouvrière et à l’activité professionnelle centrée sur la restauration et la vente des instruments anciens, pour la plupart adhérents du GLAAF. Et, de l’autre, des enfants de la bourgeoisie intellectuelle, entrés « en lutherie » plus âgés, de nature intellectuelle et idéologique plus avancée, souvent diplômés. Perçus par les premiers comme des utopistes hippies, pour la plupart formés dans des écoles étrangères (Crémone notamment), voire autodidactes, ils voulaient créer, c’est-à-dire fabriquer. Je les appellerais les « luthiers-artistes ».

Au début, cette lutte se caractérisa plutôt par un simple mépris des luthiers « traditionnels » envers les « artistes ». En effet, ces derniers investirent d’abord surtout le milieu de la musique folklorique, puis celui de la musique baroque, domaines déconsidérés et délaissés par les premiers. Néanmoins, ces luthiers-traditionnels comprirent qu’ils étaient en danger. Car, si leur activité principale consistait essentiellement à faire le commerce d’instruments industriels ou anciens (et d’accessoires tels qu’étuis, cordes), ils savaient que leur légitimité reposait sur leur capacité à savoir fabriquer un violon, ce qui leur conférait cette image d’artisan. Or rien ne leur garantissait que ces luthiers « utopistes », sachant également fabriquer bien qu’avec d’autres méthodes, n’auraient pas, eux aussi, un jour, des velléités à exercer ce commerce lucratif, qui ainsi leur échapperait. Il leur fallait assurer la relève de leur corporation. Après la fermeture des usines à Mirecourt, le risque était grand de voir toute cette tradition disparaître. Aussi, en 1970, ils créèrent l’École nationale de lutherie de Mirecourt. Le fait de sélectionner des adolescents s’inscrit dans cette tradition. Ne présentant pas, à 15 ans, d’aptitude indiscutable à la pratique d’un métier manuel (j’étais motivé mais pas très doué), je me suis d’ailleurs toujours demandé sur quelles bases mes camarades et moi avions été reçus au concours d’entrée. En fait, ce fut certainement parce que nos profils présentaient une adaptabilité particulière aux principes de soumission et d’obéissance.

De fait, à l’aube des années 80, leurs craintes se virent justifiées. D’une part, les luthiers-artistes commencèrent précisément à s’intéresser aux instruments du quatuor moderne, empiétant en plein sur leur pré carré. Et, d’autre part, à son arrivée au pouvoir en 1981, la gauche augmenta drastiquement les cotisations sociales des entreprises. Ce fut certainement une bonne mesure pour les salariés, leur ouvrant des droits nouveaux, mais, par voie de conséquence, une partie des luthiers-artistes ne put la supporter financièrement. Certains cessèrent leur activité, mais d’autres la continuèrent clandestinement (au noir, pour être clair). Quant à ceux qui perpétuèrent une activité déclarée, le GLAAF refusant de les accepter, ils créèrent en 1982 leur propre groupement, l’ALADFI : Association des luthiers et archetiers pour le développement de la facture instrumentale. C’en était trop pour les « traditionnels ». Ils passèrent à l’attaque !

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En 1983, ils conçurent l’idée d’un « diplôme d’État de luthier », qui autoriserait ses détenteurs à professer et l’interdirait aux autres, étant entendu que eux seuls pourraient se le voir attribuer : une véritable O.P.A. sur le monde de la lutherie française, comme on dirait maintenant. Ils soumirent leur projet au ministère de la Culture, qui ne put le valider tel quel car contraire au principe de la libre entreprise. Néanmoins, ce dernier proposa de le transformer en un « label de qualité », non obligatoire pour exercer le métier mais lui apportant sa légitimité officielle. Cela agréa à ces luthiers, qui réussirent même à se faire désigner pour décider quels en seraient les bénéficiaires. Et cela faillit réussir : le projet avorta simplement pour un vice de forme, donnant le temps au ministère de s’apercevoir qu’il avait été instrumentalisé par ce qu’il faut bien appeler une corporation à visée hégémonique ! Je peux attester de ce fait parce que, à la fin des années 80, j’ai effectué mon service national en tant qu’objecteur de conscience au ministère de la Culture : j’ai eu tout le dossier en mains.

Nous voyons donc apparaître deux groupes de luthiers, avec des mentalités différentes, des traditions et des conceptions de la vie différentes, issus au départ de classes sociales différentes : nous dirions, selon l’ancienne nomenclature de l’INSEE, que les luthiers « traditionnels » relèvent de la rubrique « petits artisans-commerçants » et les luthiers « artistes » de celle des « cadres et professions intellectuelles ». Néanmoins, au cours des décennies qui ont suivi la fermeture des usines, non seulement ces catégories n’ont plus vraiment représenté la réalité sociologique française, mais, de plus, le milieu socio-économique des nouveaux luthiers accédant à la profession s’est largement homogénéisé. Pour être clair, il s’est globalement embourgeoisé. Le simple fait qu’on entre maintenant à l’école de Mirecourt, non plus en seconde, mais après le bac (et toujours sur concours) assimile l’apprentissage du métier à des études supérieures, qu’il faut pouvoir assumer financièrement. De plus, on remarque chez les nouveaux luthiers un nombre de plus en plus élevé de reconversions. Ce sont de jeunes adultes, souvent trentenaires, diplômés, ayant déjà travaillé dans des métiers rémunérateurs mais à leurs yeux dénués de sens, qui intègrent le plus souvent l’École de Crémone en Italie ou Newark en Angleterre, où les mentalités sont très différentes de l’école française. A titre d’exemple, il n’est pas rare que ces derniers, à peine sortis de leur école, s’installent dans la foulée à leur compte, fabriquent (très bien) des violons qu’ils présentent directement à des musiciens professionnels au prix fort (autour de 15.000 euros). Leur maturité, la tradition (ou l’absence de tradition) de leur école et leur éducation leur permet de l’assumer de façon décomplexée. Mais pour un jeune homme comme moi, sortant de Mirecourt à 18 ans en 1985, cette situation aurait été totalement inenvisageable, scandaleuse, sacrilège ! Nous avions l’injonction, si nous voulions être dignes de nous considérer luthier et que nos pairs nous considèrent comme tel, de trouver une place d’ouvrier chez un « maître », pendant au moins 5 ans, payé au SMIC. Et s’il nous prenait la fantaisie de fabriquer un violon et d’oser le vendre, il fallait que cela passe par notre employeur, qui le présentait à un prix bien inférieur aux siens et prenait sa marge au passage.

Si je dessine ainsi deux classes sociales dans la lutherie, je dois m’interroger sur celle qui semble avoir disparue avec les usines : le prolétariat. Existe-t-il à l’heure actuelle un groupe qui pourrait y être assimilé ? Pour moi, il en existe deux, chacun au deux extrêmes du marché du violon.

Il est clair que les instruments neufs fabriqués actuellement par les luthiers occidentaux ne représentent qu’une faible part du chiffre d’affaire de la lutherie. Les instruments numériquement les plus vendus (et représentant la plus grosse part du chiffre d’affaire) sont ceux destinés aux élèves et aux débutants. Ils sont fabriqués par des ouvriers chinois (le plus souvent des ouvrières, d’ailleurs, un autre aspect de la lutte des classes) et sont revendus par les luthiers-commerçants. Ces ouvrier–ère-s sont donc les « héritier-ères-s » des mirecurtiens. Mais ils (elles) sont trop loin, trop anonymes, trop étrangers pour que les luthiers français puissent avoir conscience de leur existence en tant que classe sociale.

A l’autre bout de la chaîne se trouve le marché des instruments anciens. Et, pour alimenter ce marché, il existe, depuis deux cents ans, une communauté spécialisée dans ce commerce : les Gitans. Ce terme désigne les marchands itinérants, brocanteurs spécialisés dans les instruments de musique. Ils appartiennent pour la plus grande part à la communauté tsigane française, des sous-groupes manouche et sïnti, mais sont communément appelés « Gitans » (y compris par eux-mêmes). Depuis le début du XIXe siècle et l’émergence de la lutherie bourgeoise, ils font le lien entre les particuliers qui désirent vendre leur violon (la plupart du temps non jouables en l’état) et les luthiers-acheteurs, qui vont les réparer et les proposer à la vente aux musiciens. Il existe donc un commerce en théorie équitable entre ces deux parties, chacune libre et indépendante. Sauf que le rapport de force est déséquilibré : les luthiers, agrégés en corporation, en position de monopole dans la vente des instruments aux musiciens, faussent le jeu de la concurrence et tiennent de fait les Gitans dans la sujétion. Cette communauté, c’est un euphémisme de le dire, souffre de discrimination, de préjugés et de racisme depuis toujours. Les luthiers ne forment pas un groupe plus raciste que n’importe quel autre, son attitude envers les Gitans varie entre la méfiance, l’indifférence ou l’attirance idéalisée.

Toujours lors de mon service au ministère de la Culture, j’ai eu à classer un dossier qui a attiré mon attention : une association d’aide à l’insertion des gens du voyage demandait une subvention pour former à la lutherie des Gitans spécialisés dans la vente de violons, tels que ceux que je viens d’évoquer. Elle faisait part d’un problème : après de nombreuses démarches, elle n’avait trouvé aucun luthier pour assurer cette formation ! Pire : tous ceux qu’elle avait contactés avaient marqué une hostilité, une sidération même, au simple fait d’évoquer ce projet, une aberration à leurs yeux. Il n’était pas souhaitable que des Gitans deviennent luthiers, ils devaient leurs rester inféodés.

Dans le même temps, j’avais reçu une demande bien particulière : après un séjour dans les Andes, un luthier avait eu connaissance d’une pratique de lutherie amateur, fruit d’une tradition de plusieurs siècles. Sur les hauts-plateaux, des Amérindiens, très pauvres, fabriquaient des violons et des harpes. Dans un accès de générosité et d’universalisme, il demandait une subvention pour aller sur place les aider et les former à une pratique plus académique de la lutherie. Mon bureau était à côté de celui de l’inspecteur de la musique pour les musiques traditionnelles, un ethno-musicologue. C’est lui qui m’a mis sous les yeux les deux demandes simultanément. Visiblement, il cherchait à me faire comprendre quelque chose… Les Gitans, en tant que tels, ne constituent pas un prolétariat. Certains sont pauvres, d’autres pas, comme dans d’autres communautés. Mais je considère que leur refuser par principe l’accès à un droit tel que la formation relève, en plus du racisme, d’une réelle confrontation de classe, d’une véritable lutte de classe au sens marxiste du terme.

Voilà ce que je peux dire au sujet de mon métier, de la façon dont je le perçois. J’ai conscience que j’use d’une grille de lecture très partisane, très orientée, assez inhabituelle. Mais c’est celle qui me permet d’avancer avec une représentation cohérente et motrice du monde qui m’entoure. Et de donner du sens à mon artisanat.

Crédits photographiques : © Atelier Lutherie Montpellier

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