Trios russes à Strasbourg, entre douleur et lumière avec Vadim Repin
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Strasbourg, Palais de la Musique et des Congrès, 7-III-2020. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Trio avec piano Op. 50 en la mineur « A la mémoire d’un grand artiste » (1881-1882). Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Trio pour piano et cordes n° 2 en mi mineur op. 67 (1944). Vadim Repin, violon; Alexander Kniazev, violoncelle, Andrei Korobeinikov, piano
Au service de Tchaïkovski et Chostakovitch, Vadim Repin, Alexander Kniazev et Andrei Korobeinikov donnent des trios d'une intensité suprême.
En bordure d'une saison multi-thèmes très riche, l'Orchestre philharmonique de Strasbourg organise quelques moments de musique de chambre. Profitant de la présence pour un autre concert de Vadim Repin, de ses « cordes célestes » et de son initiative du Festival du Transsibérien, il est proposé au public strasbourgeois le Trio avec piano en la mineur « à la mémoire d'un grand artiste » de Tchaïkovski et le Trio avec piano n° 2 en mi mineur de Chostakovitch.
Le programme est pertinent et dense de signification, puisque Tchaïkovski a écrit son trio pour piano et cordes après la perte de son grand ami Nikolaï Rubinstein, et Chostakovitch le sien après la perte de son meilleur ami, le musicologue Sollertinski. Le parallélisme entre les deux œuvres s'impose : identité de culture slave, identité de forme, identité de souffrance humaine et surtout d'objectif : comment supporter la douleur, comment la transmuter en quelque chose ayant du sens ?
Le défi de la perte d'un être proche – qui nous concerne tous dans notre chair – est conduit et résolu avec brio. Vadim Repin, en tête d'affiche, tire de son Stradivarius des sonorités amples, subtiles, d'une beauté parfois bouleversante quand Tchaïkovski le veut, ou suraiguës voire grinçantes quand Chostakovitch l'exige. Ses amis et complices, Alexander Kniazev au violoncelle et Andrei Korobeinikov au piano, forment avec lui un trio où le somptueux et le brillant se mêlent, pour un résultat symbiotique. Nous sommes fascinés par leur façon de s'écouter, de se tenir les uns les autres pour porter conjointement le sens du texte musical. Les lamentations du pezzo elegiaco de Tchaïkovski sont menées sans dolorisme excessif, et après une tentative de consolation dans des danses traditionnelles, la coda finale reprend l'expression d'une tristesse amplifiée mais sublimée. Chostakovitch, avec d'autres techniques d'écriture, va encore plus loin. La douleur se manifeste jusque dans le son des cordes, devenant âpre, ou dans la brutalité des accords martelés au piano. Mais de ces tensions émergent des phrases d'une beauté lyrique presque insoutenable.
Terrassé et enthousiasmé, le public fait une ovation méritée. Après une telle musique, comment proposer le moindre bis ? On repart dans son quotidien, en se disant que seule la musique peut apporter une introspection aussi intime de sa propre humanité.
Crédits photographiques : © Gregory Massat
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Strasbourg, Palais de la Musique et des Congrès, 7-III-2020. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Trio avec piano Op. 50 en la mineur « A la mémoire d’un grand artiste » (1881-1882). Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Trio pour piano et cordes n° 2 en mi mineur op. 67 (1944). Vadim Repin, violon; Alexander Kniazev, violoncelle, Andrei Korobeinikov, piano