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Mahler d’une parfaite justesse avec Jukka-Pekka Saraste

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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 5-III-2020. Gustav Mahler (1860-1911) : Lieder eines fahrenden Gesellen ; Symphonie n°6 en la mineur « Tragique ». Stéphane Degout, baryton. Orchestre de Paris, direction : Jukka-Pekka Saraste

Malgré la présence de , c'est avant tout la direction profondément respectueuse et intelligente de qui passionnent lors de ce concert de l' à la Philharmonie.

Jukka-Pekka Saraste ccFelix Broede
nous précisait récemment vouloir chanter plus en concert par rapport à ses saisons actuelles, surtout composées d'opéra. Il tient aujourd'hui à la Philharmonie de Paris la partie des Lieder eines fahrenden Gesellen, premier cycle mature de lieder de Mahler, orchestrés onze ans après leur version pour piano. Wenn mein Schatz Hochzeit macht montre tout de suite l'application du baryton sur le texte allemand, malgré un accent français identifiable. L'ouverture large de la bouche et une posture orientée vers le bas limitent toutefois la projection, pour un chant sans doute moins perceptible au public des balcons et de l'arrière-scène. Mais le texte est vécu et ses accents tous parfaitement appliqués, les inflexions sombres trouvant un caractère particulier dans la coda du premier lied, comme celles, violentes bien que jamais trop soulignées, du troisième chant, Ich hab' ein glühend Messer.

L'accompagnement de l', dirigé par , prouve une fois de plus la justesse du chef dans Mahler. Même lors du troisième lied, l'orchestre accompagne avec une raisonnable fougue la férocité du chanteur. Plus passionnant encore, Saraste est ensuite seul sur le devant de la scène dans une Symphonie n° 6 en la mineur qu'il avait déjà portée à des sommets à Paris en 2009, à la Salle Pleyel avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France. Face une formation comme l', le chef ne recherche jamais l'intensité de cordes qu'a pu trouver Kirill Petrenko en janvier avec ses Berliner Philharmoniker, mais au contraire une netteté et une dynamique toujours mesurées. Il y démontre en plus une parfaite connaissance de la partition, non seulement par son texte, mais aussi par son histoire.

Ainsi, à la différence de la grande majorité des chefs aujourd'hui, il revient aux préceptes d'Adorno et La Grange pour interpréter la symphonie dans un sens qui nous paraît être encore plus évident lorsqu'on l'écoute en concert. L'Andante n'est donc pas replacé en seconde position, comme Mahler l'avait fait à la création, mal influencé par des amis ayant eu peur pour lui d'une nouvelle désillusion, mais en III, en véritable pause entre le premier bloc, constitué de l'Allegro energico et du Scherzo, et le dernier, constitué du Finale, plus long mouvement purement symphonique jamais écrit par Mahler. La marche initiale fixe la magnifique concentration de l'orchestre, cordes, cuivres et percussions, pour une rapide explosion. Puis les bois prennent le relais, excellents, notamment la clarinette basse et le cor anglais, ainsi que le hautbois solo. Les cloches d'alpages entrent aussi en scène, même si celles face à nous sont moins sonores que les autres, cachées en coulisse et réutilisées jusqu'au Finale.

Après une splendide coda du premier mouvement puis une courte pause, émaillée de quelques applaudissements, ainsi que de quelques défections, cette œuvre colossale étant encore sans doute encore inaccessible pour certains, le chef relance la machine avec le Scherzo. Il reprend donc encore des accords de marche, plus mortuaires que militaires cette fois, bien que relativement proches de ceux du premier mouvement. La tension renait immédiatement, sans être jamais exagérée, très loin de la verticalité d'autres chefs, pour une application et une justesse de chaque instant, tant par les équilibres que par l'intelligence du discours. Jamais trop cérébral, le message s'y développe dans une géniale polyphonie, pour glisser doucereusement, sans trop de tragique, vers l'ample Andante.

Passé le lyrisme de cordes dominées par le premier violon de Philippe Aïche, avec un placement des altos tout à droite du chef, le mouvement lent cède lui aussi la place au monumental Finale, débuté Sostenuto. La sombre introduction ne montre toujours aucun excès de la part de Saraste, concentré pendant encore trente-cinq minutes pour rendre passionnante chaque phrase du gigantesque exposé. Et ce jusqu'à un dernier moment de répit, puis à un ultime cri, tandis que la mort du héros avait déjà été annoncée par la très rare insertion du troisième coup de marteau, quasiment jamais osé aujourd'hui !

Crédits photographiques : © Felix Broede

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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 5-III-2020. Gustav Mahler (1860-1911) : Lieder eines fahrenden Gesellen ; Symphonie n°6 en la mineur « Tragique ». Stéphane Degout, baryton. Orchestre de Paris, direction : Jukka-Pekka Saraste

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3 commentaires sur “Mahler d’une parfaite justesse avec Jukka-Pekka Saraste”

  • Michel LONCIN dit :

    ENFIN … ENFIN … ENFIN un directeur musical qui comprend le sens et la philosophie de la 6ème Symphonie de Mahler en ne cédant pas à cette FUNESTE mode (une HERERISE sans pareille !!!) consistant à placer l’Andante moderato en seconde position … tout en respectant les dernières volontés du compositeur !!! Rappelons en effet qu’en 1907, Mahler a définitivement rétabli l’ordre premier des mouvements intermédiaires (Scherzo puis Andante) … C’est qu’alors l’Andante moderato apparaît non comme le « repos » appollinien cher à Abbado, Gergiev, Harding et Cie, après la pseudo « victoire » du thème d’Alma (si l’on adopte l’ordre inverse) mais, « se souvenant » de l’immobilité de la section centrale du Développement du 1er mouvement, comme un Refuge … celui des sommets de ces montagnes du Tyrol du Sud où Mahler allait chercher, avec l’apaisement spirituel et moral, l’inspiration … loin de la … « civilisation », loin des hommes, de leur agitation, de leur méchanceté insigne … Outre le fait que, harmoniquement parlant, la fin de l’Andante en Mi bémol Majeur s’enchaîne au mieux avec l’accord altéré (Ut-Mi bémol-Fa-dièse-La bémol) en Ut mineur ouvrant le Finale avant les proches grimaces et le déchaînement en La mineur !!!

    La PREUVE des intentions définitives de Mahler (qui, effectivement, a longtemps hésité relativement à cet ordre), on la trouve dans la lettre du 17 janvier 1907 (soit TREIZE jours seulement après le concert de Vienne) adressée à Wilhelm MENGELBERG et par laquelle il lui demande de lui renvoyer son exemplaire de la partition afin d’y introduire de nouvelles retouches. Malheureusement, il omet de faire part du rétablissement de l’ordre initial (Scherzo puis Andante), si bien qu’il ne subsiste aucune « preuve écrite » dudit rétablissement … Toutefois, toutes les corrections (y compris celles apportées dans la dernière année de la vie de MAHLER) subsistent … y compris cette note TRES IMPORTANTE de la main du chef hollandais : « Nach Mahlers, Angabe II Scherzo erst dann III Andante » (d’après Mahler, d’abord II Scherzo puis III Andante) !!! Et, le 1er octobre 1919, Alma Mahler câblera au même MENGELBERG : « Erst Scherzo dann Andante » (D’abord Scherzo puis Andante) !!!

    D’accord aussi pour la réinsertion du troisième coup de marteau, au « sommet » de la dernière exposition de « l’arche » introductive, peu avant la Coda … que Mahler, par superstition, avait retiré … Et, à cet égard, s’agissant de la 1ère Symphonie, je serais d’avis de rétablir le second mouvement « Blumine », supprimé par Mahler …

  • Antoine C dit :

    Je comprends le zèle de l’auteur de la critique à défendre M. Saraste – après tout on a tout à fait le droit d’être fan de quelqu’un – mais son absence d’une objectivité minimale, pourtant contenue dans ses propres écrits, est surprenante (sa volonté de comparer M. Saraste à M. Petrenko avec les Berliner Philarmoniker est à ce titre drôlement intéressante).

    Ayant assisté au concert, j’avoue avoir ressenti la même impression que M. Guillemin, c’est-à-dire celle d’une grande modération et d’un grand contrôle, sauf que cela m’a plongé dans un ennui abyssal. Cela me semble totalement éloigné du propos de l’oeuvre, comme du compositeur… Il n’y avait malheureusement que l’énervement de voir s’écouler la 6ème de Mahler comme un robinet d’eau tiède qui a maintenu mon attention. L’interprétation évitait soigneusement tout tragique et tout effet pour évoluer dans une torpeur surprenante de la part de M. Saraste que l’on a connu beaucoup plus incisif. Je me demande encore pourquoi il n’a jamais sollicité davantage les cymbales qui étaient dénuées de tout impact, pourquoi les cloches étaient si inaudibles et les percussionnistes si précautionneux à effleurer à peine leurs instruments, pourquoi les cordes jouaient sans aucun rubato, pourquoi faire démarrer chaque crescendo du plus bas pour le mener au simple forte et donc perdre en tension, pourquoi réduire le niveau sonore de tout l’orchestre pour entendre là une clarinette, là une flute, sans réelle justification, pourquoi vouloir tant mettre en valeur les harpes dans le finale (qui était franchement peu cohérent), sans se préoccuper du fait qu’elles n’étaient pas parfaitement ensemble. Bref, si M. Saraste, avec le brin de narcissisme qui le caractérise, voulait nous faire comprendre qu’il connaissait la partition, il a certainement réussi sa mission, par contre Mahler y a perdu beaucoup. Sa battue instable et son bras gauche inutile font bien pâle figure à côté de la prestation livrée par Salonen en décembre… J’étais d’ailleurs à côté d’un spectateur qui est parvenu à dormir durant une grande partie de l’oeuvre en étant placé au 10ème rang d’orchestre, tout est dit…

    • antoine martin dit :

      Dormir au concert ne veut pas dire grand chose quant à la qualité de l’œuvre ou de l’interprétation .
      Significations possibles : la simple fatigue ; une maladie chronique ( Gélinaud ou Pickwick ) ; un ennui profond ….
      Le pire sont les ronflements avec un souvenir terrible : récital de mélodies au Wigmore Hall à Londres et une mamie anglais, venue avec son petit fils, ronflant terriblement alors qu’elle était dans les premiers rangs de cette belle mais assez petite salle .
      Enfin et surtout très interessante contribution montrant qu’un même concert peut etre aprécié très différemment et on a tous nos chefs préférés …Pour ma part bon souvenir de SARASTE avec le national de F en juin 2019 ( messe giagolithique de Janacek trop rarement jouée ).

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