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Reich / Richter : de la musique à la peinture répétitive

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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 07-III-2020. Steve Reich (né en 1936) : Double Sextet pour ensemble (2007) ; Runner pour grand ensemble (2016). Ensemble intercontemporain, direction Lucie Leguay. Moving Picture 946-3 (2019). Gerhard Richter et Corinna Belz, film, Rudi Haines, montage, Ensemble intercontemporain, direction George Jackson.

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Moment fort d'un week-end à la Philharmonie de Paris consacré à , l' donne trois compositions pour grands ensembles de la période des années 2000. La création française de sa collaboration avec le peintre associe film pictural et composition musicale.

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Si son écriture évolue et que ses recherches sont toujours présentes dans le très récent Moving Picture 946-3, le style de Reich plonge d'emblée dans un univers devenu presque classique, associé à la culture des années soixante et soixante-dix, capable de toucher une large audience, comme celle d'un samedi soir à la Philharmonie, d'une plus grande diversité d'âges que pour d'autres concerts.

Dans Double Sextet, le sextuor peut aussi jouer avec son double enregistré, mais ce sont deux sextuors identiques que dirige avec une présence très incarnée la jeune cheffe . explique qu'il veut produire un dessin unique à partir de l'imbrication de deux instruments identiques. Ici les pianos et vibraphones le font de manière extrêmement rythmique pour stimuler les autres instruments. Cordes, bois et flûtes ont d'abord un rôle plus mélodique et même s'il s'agit de motifs courts, les effets de timbres associant violon, clarinette et flûte produisent d'emblée une atmosphère à la fois plus gaie et plus populaire, moins cérébrale que d'autres compositions de Reich. D'ailleurs pianos et vibraphones proposent parfois des moments jazzy et dans le mouvement lent, les autres instruments évoquent des tangos ou des réminiscences Mitteleuropa, non sans émotion nostalgique, que soulignent les modulations présidant aux changements de rythme. On imagine par moment comment ces thèmes pourraient se développer vers d'autres contextes musicaux, mais la rythmique répétitive, avec ses décalages qui en reportent la résolution comme à l'infini, reprend vite ses droits.

Runner ajoute deux hautbois, deux altos et une contrebasse aux deux sextuors. Le tempo est constant, mais cinq mouvements, joués sans interruption, correspondent à des durées de note différentes. Les instruments entrent les uns après les autres, puis se fondent très subtilement dans ce jeu rythmique chatoyant. Comme dans les multiples vaguelettes d'une surface d'eau décomposant le paysage qu'elle reflète, qui laissent voir par instant un élément plus précis, on entend parfois un instrument ou un autre se détacher de l'ensemble quelques fractions de secondes. Performance des vents dont les doubles croches sont jouées comme une pulsation aussi longtemps que le souffle le leur permet, avec un effet bien visible à la clarinette ! Les associations de timbres sont intéressantes, quand les cordes reprennent la structure rythmique que les bois marquent de façon plus mélodique, pour conduire vers un finale où tous convergent dans une pulsation rapide sur des notes très rapprochées, retrouvant l'effet de transe d'autres œuvres de .

Thème emblématique de la soirée, la création française de Moving Picture 946-3 avec à la direction , résulte d'une collaboration avec le peintre , de la même génération que Steve Reich. L'œuvre associe un film projeté sur grand écran et un ensemble instrumental aux timbres proches des précédents, mais traités assez différemment. Le cadre de composition très structuré, en écho au travail de reproduction informatique de la peinture de Richter, divisée et reproduite en miroir jusqu'à quatre-mille-quatre-vingt seizièmes, se traduit à l'oreille plutôt comme un bain sonore onirique… La forte présence de l'image, extrêmement colorée, sa décomposition lente et obsédante en perpétuelle symétrie, papier peint ou tissage mouvant, rend l'écoute moins précise. On oublie l'orchestre. Reich explique que Richter écoutait ses premières œuvres en travaillant sur sa série de patterns et il précise : « j'ai maintenant passé plus de quarante ans à prendre mes distances avec cette façon systématique de travailler ». Si l'expérience sensorielle est forte, sans doute Richter n'a-t-il pas pris ce recul et la projection visuelle reste peut-être trop systématique.

 

Crédit photographique : / Marian Goodman Gallery

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