- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Fase : la magistrale leçon de minimalisme d’Anne Teresa de Keersmaeker

38 ans après sa création, confie aux jeunes danseuses de sa compagnie la pièce minimaliste culte qui l'a fait connaître sur la scène chorégraphique internationale. Ce duo au cordeau n'a pas pris un pli et reste toujours aussi percutant.


La queue de cheval impeccablement tirée a remplacé le carré court que portaient Anne-Teresa de Keersmaeker et Michèle Anne de Mey, créatrices de Fase, four movements to the music of en 1982 à Bruxelles. Toutes deux étaient d'anciennes élèves de Mudra, et de remarquables danseuses. C'était une gageure de trouver deux danseuses capables de reprendre ces rôles emblématiques et fondateurs du style de ce qui allait devenir la compagnie . a trouvé en et de parfaites alter ego, qui permettent à la pièce de se transmettre et de durer au sein d'un répertoire pléthorique.

On note cependant dans cette reprise de légères différences d'interprétation par rapport à la version d'origine. Sur la pièce Piano Phase, de 1967, qui ouvre le spectacle, les deux jeunes femmes parcourent une ligne de cour à jardin et de jardin à cour, en pivotant à l'unisson ou en léger décalage temporel, pour se retrouver alternativement l'une face à l'autre ou l'une derrière l'autre. La synchronisation est absolument parfaite, millimétrée, rigoureuse ; manque peut-être cette impulsion rageuse qui caractérisait l'interprétation d'Anne Teresa de Keersmaeker.

Dans Come Out, le deuxième morceau (antérieur) de , les deux danseuses en chemise et pantalon de toile sont assises sous des plafonniers légers. La lumière qui tombe en douche au-dessus d'elle et l'incessant travail du haut du corps accentuent la dramaturgie. Là encore, les deux danseuses semblent plus sages, plus concentrées, avec des gestes moins amples mais extrêmement précis. Le rythme est intense et syncopés.
Autre atmosphère avec Violon Phase, le solo en cercles et diagonales incarné ici par . Silhouette silencieuse et discrète, la danseuse égraine des gestes mesurés qui en deviennent poétiques. Elle rejoint ensuite sa comparse dans Clapping Music, dont le caractère jazzy est souligné par le cadrage précis de la lumière et le retour aux vêtements plus masculins.

Ces quatre volets s'imbriquent avec un sens aigu de la composition et de la dramaturgie dans une continuité temporelle, chaque fragment donnant du sens à celui qui les a précédé. On est encore une fois ébloui par tant de rigueur, de simplicité conceptuelle et de précision, par une articulation de la musique, du mouvement et de l'espace qui a posé les fondements du style Keersmaeker depuis près de 40 ans.

Crédits photographiques : © Anne Van Aerschot

(Visited 1 674 times, 1 visits today)