Concerts, La Scène, Musique d'ensemble

Gesualdo par les Arts Florissants : de moins en moins d’amour, toujours plus de mort

Plus de détails

Paris. Cité de la Musique, Salle des concerts. 10-II-2020. Nicola Vicentino (1511-1575) : Laura, che’l verde lauro ; Roland de Lassus (1532-1594) : Timor et Tremor ; Luca Marenzio (1553-1599) : Solo e pensoso ; Luzzasco Luzzaschi (1545-1607) : Quivi sospiri ; Claudio Monteverdi (1567-1643) : Luci serene, e chiare ; Carlo Gesualdo (1566-1613) : Quatrième livre de madrigaux. Les Arts Florissants : Miriam Allan et Hannah Morrison, soprano ; Lucile Richardot, contralto ; Sean Clayton, ténor ; Edward Grint, basse ; Paul Agnew, ténor et direction

Avec le quatrième livre des madrigaux de donné à la Cité de la Musique, sont, déjà, aux deux-tiers d'une intégrale qui restera certainement dans les mémoires.

arts_florissants_gesualdo

C'est désormais presque un rituel : les chanteurs (exactement les mêmes que pour les deuxième et troisième concerts de la série) se disposent en un arc de cercle serré, ils entonnent une première pièce d'un contemporain de Gesualdo, puis prend la parole pour accueillir l'auditoire et éclairer le programme. La première partie est toujours consacrée aux musiciens de Ferrare ou passés par cette ville qui ont influencé Gesualdo, avant que le livre de madrigaux du prince de Venosa soit donné en intégralité et dans l'ordre de ses numéros.

Le programme de la première partie permet de toujours mieux situer Gesualdo par rapport au terreau ferrarais. Nicolas Vicentino, et ont innové par leurs recherches sur les modes grecs, dont Gesualdo s'est nourri, mais n'ont pas atteint la puissance expressive de celui-ci. C'est particulièrement manifeste dans le madrigal Solo e pensoso de Marenzio, imprégné de chromatismes. Monteverdi, dont un madrigal écrit sur le même texte que le premier du Quatrième livre de Gesualdo est donné ici, est parvenu à une forme d'expression riche mais plus évidente, plus abordable. Alors que déploie un style foisonnant nettement plus proche de celui que Gesualdo développe : Quivi sospiri, une sorte de description de l'enfer en miniature, en témoigne puissamment.

Le troisième livre des madrigaux de Gesualdo marquait un net infléchissement vers le côté sombre de la vie. Le quatrième va encore plus loin, marqué par l'omniprésence de la douleur et la quasi disparition des thèmes légers et pastoraux dominants dans le premier et le deuxième. Ici, les textes sont plus courts et plus chargés symboliquement, et tous évoquent de près ou de loin la mort. Signes musicaux de ce thème, les dissonances sont très nombreuses. Mais c'est toute la musique qui va plus loin dans l'expression et la singularité. Les chanteurs des Arts Florissants ne négligent aucune dimension des textes et des moyens expressifs pour les souligner. En particulier, la manière de balancer d'une brève individualisation des voix (notamment celle pleine de chair de ) à un retour au premier plan de l'ensemble, est superbe. S'y ajoute un travail remarquable sur la dynamique du son, et sur les changements de rythme comme à la fin de « Che fai meco » (4) ou de « Ecco morirò dunque » (12) où le temps semble s'étirer interminablement. Dans « Moro, e mentre sospiro » (9), les chanteurs parviennent à des moments de flottement contrôlé absolument délicieux.

La beauté des voix et l'intelligence musicale ne sont que légèrement contrariés par une bizarrerie qui n'est peut-être que conjoncturelle : dans l'espace somme toute vaste de la Salle des concerts de la Philharmonie de Paris, les sopranos semblent relativement distantes. Peut-être est-ce dû à leur positionnement en bout d'arc de cercle qui amène à tourner le dos à une partie de la salle ? Mais la belle voix de basse d' à l'autre bout ne souffre pas de ce défaut. Malgré cela, ce concert qui sort de l'ordinaire est, comme les précédents, une très belle réussite.

 

Crédits photographiques : © Oscar Ortega

(Visited 502 times, 1 visits today)

Plus de détails

Paris. Cité de la Musique, Salle des concerts. 10-II-2020. Nicola Vicentino (1511-1575) : Laura, che’l verde lauro ; Roland de Lassus (1532-1594) : Timor et Tremor ; Luca Marenzio (1553-1599) : Solo e pensoso ; Luzzasco Luzzaschi (1545-1607) : Quivi sospiri ; Claudio Monteverdi (1567-1643) : Luci serene, e chiare ; Carlo Gesualdo (1566-1613) : Quatrième livre de madrigaux. Les Arts Florissants : Miriam Allan et Hannah Morrison, soprano ; Lucile Richardot, contralto ; Sean Clayton, ténor ; Edward Grint, basse ; Paul Agnew, ténor et direction

Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.