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Brno. Národní divadlo Brno – Janáčkově divadle. 8-II-2020. Marko Ivanović (1976*) : Monument. Opéra en 10 scènes et un épilogue sur un livret de David Radok. Mise en scène & Décors : David Radok. Costumes : Zuzana Ježková. Lumières : Přemysl Janda. Avec : Svatopluk Sem, Sochař ; Markéta Cukrová, Manželka ; Roman Hoza, Kolega ; Ondřej Koplík, Ministr kultury ; David Nykl, 1. Tajemník ; Martina Mádlová, Manželka 1. Tajemníka ; Tereza Kyzlinková, Milenka ; Andrea Široká, Zpěvačka ; Igor Loškár, Petr Levíček, Tajný muži ; Pavel Valenta, Petr Karas, náměstci ; Martin Novotný, sochař. Sbor Janáčkovy opery NdB ; Český akademický sbor ; Dětský sbor Brno (Chefs de Chœurs : Pavel Koňárek, Michal Vajda, Valeria Maťašová). Orchestr Janáčkovy opery NdB, direction musicale : Marko Ivanović
Basé sur un livret de David Radok autour de la figure de l'artiste par rapport à son œuvre et au pouvoir en place, Monument est créé en ce début d'année au Théâtre National de Brno, dans la mise en scène du librettiste. Le compositeur Marko Ivanović, lui-même directeur musical des lieux, officie en fosse.
Fortement inspirée par l'époque communiste et la figure de Staline, Monument est créé cette saison à Brno par le compositeur lui-même. L'histoire restée marquante en République Tchèque s'attache à la figure de l'artiste, par l'intermédiaire du sculpteur Otakar Švec, bien que, pas plus qu'aucun autre protagoniste masculin, l'homme n'y soit directement cité. Au contraire, tous sont représentés par leur fonction plutôt que par leur nom, afin de ne pas limiter l'action à une temporalité passée.
En dix scènes et un épilogue, le livret décrit le choix d'un sculpteur par le ministre de la culture, afin de créer une statue du président, dont le monde entier découvrira quelques années plus tard le visage de meurtrier de masse. Le fragment présent sur scène par les décors de David Radok, également metteur en scène en plus d'être le librettiste de l'opéra, ne montre qu'une main à l'index recourbé, tandis que l'œuvre évoquée est le célèbre Stalinův pomník (monument à Staline), inauguré à Prague le 1er mai 1955, deux moins seulement après la mort de son auteur et dynamitée sept ans plus tard. Déjà évoqué sous le titre Le Monument par Elsa Triolet dans l'un de ses plus beaux écrits, l'histoire reprend pour personnage principal l'artiste en pleine création et s'inscrit à la suite du Mathis de Hindemith et du Palestrina de Pfitzner.
Musicalement, l'ouverture ne laisse apparaître que le souffle des instruments, troublé seulement par quelques coups de glockenspiel, pouvant présager d'un type de composition dans la continuité de Lachenmann ou Neuwirth. Puis le cor, parfaitement tonal, lance les cordes et le chœur, montrant finalement une partition dans le prolongement des grandes pièces du début du XXᵉ siècle, Britten pour la gestion du chœur et Janáček pour la prosodie et le soutien coloriste de l'orchestre. Les scènes plus sombres ensuite rappellent également Chostakovitch et son chef-d'œuvre lyrique, ainsi que par la neutralité ténébreuse du tissu de cordes, un compositeur tchèque pour lequel Marko Ivanović a enregistré l'intégrale des symphonies chez Supraphon, Miloslav Kabeláč.
Rivé sur un orchestre de Brno parfaitement à l'aise dans cette musique, le compositeur et chef d'orchestre donne chaque départ du plateau de la main droite, tandis qu'il montre la battue de sa baguette à la main gauche. Il maintient chaque groupe en place et ne déséquilibre jamais ni le chœur, notamment les excellents jeunes des Český akademický sbor et Dětský sbor Brno, ni le plateau. Parfois amplifiés, voire déformés par des micros pour donner l'impression de discours par radios ou haut-parleurs. Les chanteurs tiennent un texte parfaitement compréhensible dans leur langue natale, sur une scène grise aux murs froids souvent déplacés. L'éclairage se colorise pour ne se parer que de rouge mêlé de bleu dans les images de foule au début et à la fin, ainsi que d'une légère éclaircie lors de la fête de la Scène 3.
Portée par le sculpteur de Svatopluk Sem, baryton profond impliqué dans les errements métaphysiques qui le conduiront à se suicider, la distribution fait également ressortir le premier secrétaire de David Nykl, basse aussi marquante par la voix que par la présence scénique, parfaite pour présenter un homme malsain et haineux dans sa possession non-officielle, mais bien effective, du pouvoir. Plus perturbé et souvent face à ses doutes, le Ministre de la Culture revient au ténor Ondřej Koplík, voix aigre et peu statutaire, faite pour instiller l'idée d'une position déséquilibrée, particulièrement inconfortable. Le collègue de Roman Hoza ramène à plus de sérénité, là où chez les femmes, l'aigu étincelant de la Milenka de Tereza Kyzlinková s'apprécie particulièrement, quand la mezzo-soprano Markéta Cukrová développe plus de douceur et un médium plus posé pour Manželka.
Sans rénover ni refuser la matière musicale déjà existante depuis plus de soixante ans, Monument s'inscrit dans le prolongement des grands opéras tchèques et démontre la dynamique de la deuxième scène du pays, le Národní divadlo Brno.
Crédits photographiques : © Marek Olbrzymek
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