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Paris. La Bellevilloise. 26-I-20. Georges Aperghis (né en 1945) : Les Sept Crimes de l’amour (1979), Simulacre I (1993) ; Basile Chassaing (né en 1986) : Laps (2019) ; Garth Knox (né en 1956) : No pitch, no problem (2017) ; Ricardo Nillni (né en 1960) Panta Rhei (2019) ; Noriko Baba (née en 1972) Non-Canonic Variations (2011) ; Alexandre Singier (1993) : Rigaudon (2020). Ensemble 2e2m : Angèle Chemin, soprano ; Elisa Humanes, percussions ; Claire Merlet, violon alto ; Véronique Fèvre, clarinette ; Clément Caratini, clarinettes ; Alain Huteau, perscussions ; Jean-Philippe Grometto, flûtes ; David Simpson, violoncelle. Direction : Fernando Fiszbein
Ce soir, La Bellevilloise inaugure une série de concerts dominicaux associant la musique aux arts visuels. Aujourd'hui, Georges Aperghis, grand représentant du théâtre musical, se frotte à de plus jeunes générations. Un concert intime et surprenant parfois, servi par des artistes très investis de l'ensemble 2e2m.
Quoi de mieux qu'un concert de chambre en fin d'après-midi et de dimanche hivernal pour se réchauffer ? La Bellevilloise, perchée sur les hauteurs de Ménilmontant, est l'endroit rêvé pour sortir de ses ruminations citadines et entrer dans un autre espace-temps. Les réjouissances débutent par Laps (2019) de Basile Chassaing, dans le « sas », étonnante pièce rectangulaire entre débarras et cabinet de curiosités avec ses bustes d'animaux. Au fond, sur une estrade, une femme tout de noir vêtue et portant aux deux mains une bague brillant d'une lumière bleue. Autour d'elle, de minces colonnes de guirlandes de lumière blanche formant comme les barreaux espacés d'une cage. Laps, solo pour capteurs de gestes et électronique live, raconte une histoire en mêlant figures imposées et improvisations : une personne solitaire découvre que les seuls mouvements de ses bras dans le vide déclenchent une série de sons et agissent aussi sur l'éclairage. Il s'ensuit une série d'interactions entre l'artiste et son environnement. La dramaturgie, la précision gestuelle de l'interprète, l'enchaînement naturel des sons et des séquences, la sobriété de l'ensemble, sans oublier la beauté altière d'Elisa Humanes, font de cette pièce originale un moment très frais, apaisant et propre à réveiller l'imaginaire. La pièce sera donnée une seconde fois à la fin du concert. Bis repetita placent !
Le public se déplace dans la grande salle voisine pour entendre tout d'abord Les Sept Crimes de l'amour (1979) de Georges Aperghis. Par nature, le théâtre musical possède une charge humoristique due à la rencontre improbable entre une situation dramatique et son expression en musique. Ici, sept saynètes, qui sont autant de variations plus ou moins acrobatiques, les trois musiciens se déplaçant de leur chaise pour, qui s'agenouiller, qui s'allonger sur les genoux des deux autres, qui croquer une énorme pomme, qui utiliser le zarb en porte-voix (Elisa Humanes), qui souffler dans une clarinette sans embouchure (Clément Caratini), etc. Tour à tour chuchotant, caressant, hurlant, invectivant, la soprano Angèle Chemin, épatante chanteuse et comédienne, domine le trio. Les mêmes musiciens se retrouveront associés plus tard dans une autre œuvre d'Aperghis, Simulacre I (1993), qui exploite la même veine comico-dramatique, par exemple dans la progression cahoteuse du début, quand la voix et la percussion font des quintolets, tandis que la clarinette basse (magnifiques sonorités) exécute des triolets.
Humour encore dans le morceau No pitch, no problem (2017) de Garth Knox. Pas de hauteurs de notes, donc pas de problèmes ! Juste des bruits furtifs, ceux que produit l'archet leste et précis de Claire Merlet sous le chevalet, sur les éclisses ou encore plus haut que la main gauche, laquelle tapote les cordes ou en tire des arpèges : un vrai spectacle ! Imperturbable, Alain Huteau accompagne la mélodie fantôme de l'altiste au djembé tout en improvisant. Plutôt réjouissant.
Le même duo interprète Panta Rhei (2019) de Ricardo Nillni, donnée ce soir en création mondiale. « Tout passe » est la leçon donnée jadis par Héraclite et reprise ici dans un effet de glissement permanent engendré par les chuchotis de l'alto et du marimba, dont les timbres se marient à merveille.
Noriko Baba convie quatre instrumentistes pour ses Non-Canonic Variations (2011), dont le thème de départ évoque explicitement Jean-Sébastien le Grand, mais s'en détache rapidement pour varier en couleurs – les différents instruments (flûte, clarinette, alto, violoncelle) – dans une atmosphère irréelle.
Last, but not least : Rigaudon (2020) d'Alexandre Singier. De la danse traditionnelle et de son ambiance paysanne, il reste la vivacité, entretenue par le jeu moteur de la batterie (Elisa Humanes, tout en nuances), le débit saccadé d'Angèle Chemin lisant le texte Attitude Clando de Dieudonné Ningouna, les timbres d'outre-tombe de la clarinette contrebasse de Clément Caratini, et un dispositif électronique noyant l'ensemble dans un climat pop. Une œuvre qui atteint l'objectif qu'elle s'est donné : créer une foire distanciée.
Un public chaleureux, composé majoritairement d'amis, salue ce beau moment de partage.
Crédit photographique : Angèle Chemin © Philippe Chemin
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Paris. La Bellevilloise. 26-I-20. Georges Aperghis (né en 1945) : Les Sept Crimes de l’amour (1979), Simulacre I (1993) ; Basile Chassaing (né en 1986) : Laps (2019) ; Garth Knox (né en 1956) : No pitch, no problem (2017) ; Ricardo Nillni (né en 1960) Panta Rhei (2019) ; Noriko Baba (née en 1972) Non-Canonic Variations (2011) ; Alexandre Singier (1993) : Rigaudon (2020). Ensemble 2e2m : Angèle Chemin, soprano ; Elisa Humanes, percussions ; Claire Merlet, violon alto ; Véronique Fèvre, clarinette ; Clément Caratini, clarinettes ; Alain Huteau, perscussions ; Jean-Philippe Grometto, flûtes ; David Simpson, violoncelle. Direction : Fernando Fiszbein