Arrêt sur image : quand Edvard Grieg recevait en toute simplicité
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ResMusica sort de vieilles photographies du placard pour faire ressurgir des souvenirs musicaux, scéniques, chorégraphiques… artistiques en somme. Pour accéder au dossier complet : Arrêt sur image
Cette photographie prise le 25 juillet 1905 au sein de la propriété du couple Grieg située dans les faubourgs de Bergen, concerne quatre personnalités du monde musical. Elle témoigne du réel plaisir qu'éprouvait le compositeur norvégien à rencontrer ses amis et connaissances et ce, en toute simplicité.
Sur cette photo en noir et blanc, quatre personnages assis autour d'une table ronde disposée à quelques pas de la maison se distinguent. A gauche, Edvard Grieg. De profil, dans sa 58e année, manifestement fatigué, avec un léger embonpoint, couvert d'un manteau, le visage sérieux, sans doute très conscient de la dégradation de son état de santé. Son insuffisance respiratoire chronique et sérieuse le préoccupait depuis plusieurs années et gênait très souvent son existence au quotidien. Il devait s'éteindre cinq semaines plus tard.
Sa vie durant, il avait connu un immense et long succès, scandinave et international, grâce à son activité de pianiste, de chef d'orchestre et de compositeur. Sa musique figurait au programme d'un nombre incalculable de concerts, ravissant immanquablement les auditeurs des lieux de musique de l'Europe entière. Leurs préférences allaient au célèbre Concerto pour piano en la mineur, op. 16 de 1868, créé à Copenhague le 3 avril 1869, avant de gagner tous les grands centres musicaux, aux deux délicieuses suites de Peer Gynt pour orchestre (1878) tirées de la musique de scène (1875) d'après l'œuvre d'Ibsen, à ses nombreuses miniatures pour piano et plus largement à un splendide catalogue inspiré par la musique populaire de sa Norvège natale. Aucun autre artiste nordique ne connut un tel succès mondial durant des décennies hormis cette célébrité à la fois attachante et simple, douée cependant d'un caractère bien trempé.
A sa gauche, se trouve un homme assez jeune et élancé. Il n'a que 25 ans. Son nom est Percy Grainger (1882-1961). Pianiste concertiste, chef d'orchestre et compositeur australien, il a fait la connaissance de Grieg en mai 1905, lorsque celui-ci se rendit à Londres pour une série de concerts. C'est de cette époque que date leur amitié. Ce dernier apprécie hautement ses talents de pianiste. Ses interprétations du Concerto en la mineur op. 16 et des Danses paysannes norvégiennes op. 72 connaitront un franc succès public et enchantaient particulièrement le compositeur. Son journal personnel offre plusieurs entrées où l'on peut lire sa joie de fréquenter ce nouvel ami et les qualificatifs élogieux relatifs aux musiques interprétées en sa présence. Arrivé le 25 juillet chez les Grieg, il les quitte le 4 août. Grieg devait théoriquement le retrouver début septembre au festival de musique de Leeds. Il devait diriger l'orchestre et Grainger jouer en soliste le fameux Concerto pour piano. Sa santé l'en empêcha malheureusement. Une grande partie de la carrière Grainger se déroulera aux États-Unis et il deviendra citoyen américain en 1918.
A côté de Grainger, on distingue Nina Hagerup Grieg, cousine et épouse du propriétaire de Troldhaugen, également soprano très appréciée qui défendit avec engagement et inspiration les mélodies écrites par son mari. Née en 1845, deux ans après Edvard, elle allait lui survivre de nombreuses années avant de mourir en 1935.
A l'extrême droite du cliché, assis également mais de profil, on découvre un homme très sympathique, excellent musicien néerlandais, le plus renommé de son pays natal. Il est âgé de 52 ans et se nomme Julius Röntgen (1855-1932), très actif comme chef d'orchestre efficace, pédagogue apprécié et compositeur prolixe. Ami proche de Grieg et de Brahms, il fréquentera plus tard Carl Nielsen et écrira une biographie de son ami Grieg en 1930. Les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois en décembre 1883 aux Pays-Bas et se fréquentèrent régulièrement jusqu'à la mort du maître norvégien. Ils s'écrivirent plusieurs centaines de lettres. Son séjour à Troldhaugen s'étale du 22 au 26 juillet.
La visite des deux musiciens fin juillet 1907 apporte à Grieg joie et réconfort et atténue quelque peu sa courageuse lucidité. Quelques jours avant cette réunion, le 13 juillet, il note : « … Je me suis convaincu que je suis sur le déclin plus rapidement que je ne l'avais pensé ». Avant qu'ils ne quittent Bergen, Grieg, non sans tristesse, confie à ses amis qu'ils ne se reverront plus jamais et que sa fin est proche.
Après le départ de Troldhaugen de Grainger et Röntgen, l'état de santé d'Edvard Grieg se dégrade sensiblement. Ses difficultés respiratoires l'empêchent de dormir allongé. Les soins prodigués à l'hôpital n'apportent pas de soulagement ; la fin est proche. « Tel doit être mon destin », prononce-t-il courageusement. Peu après minuit, le 4 septembre 1907, il décède. Ses funérailles constituent un extraordinaire événement public. Il est enterré sur sa propriété de Troldhaugen, au-dessus du fjord, au sein d'une nature fascinante, tout à côté de l'endroit où il se tenait quand fut prise la photographie que nous évoquons.
Crédits photographiques : © Bergen Public Library Norway de Bergen, Norvège
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