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Karine Deshayes sauve la Damnation de Faust à Paris

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Paris. Philharmonie de Paris. 16-I-2020. Hector Berlioz (1803-1864) : La Damnation de Faust, op. 24, sur un livret d’Hector Berlioz et Almire Gandonnière d’après le premier Faust de Goethe. Avec : Paul Groves, Faust ; Karine Deshayes, Marguerite ; Paul Gay, Méphistophélès ; Renaud Delaigue, Brander. Chœur de l’Orchestre de Paris, Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris (Chef de chœurs : Lionel Sow). Orchestre de Paris, direction musicale : Tugan Sokhiev, direction

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Non rejouée par l' depuis 2000, La Damnation de Faust de Berlioz retrouve l'ensemble sous la direction de celui que certains veulent déjà voir comme son nouveau directeur musical. Ce jour de grève, le son est compact et très peu coloré, seulement compensé par le chant lumineux de , et par celui impliqué de et des chœurs de femmes et d'enfants.


Pour sa seconde nuit de Damnation parisienne, entre sur la scène de la Philharmonie après une nouvelle bronca, d'un public divisé entre pro et anti-grève contre la réforme des retraites. Une grève qui comme le jeudi précédent, n'interrompt pas la représentation du concert de l', mais l'altère par une lumière non tamisée.

Au moins, les hueurs devraient-ils être ravis que par rapport à la semaine passée, les musiciens et les chœurs soient en costumes sur une scène graduée, tandis que l'orchestre avait joué à plat et en habits de ville pour le deuxième concert d'Herbert Blomstedt. Sokhiev débute donc sous la lumière le chef-d'œuvre de Berlioz, pour immédiatement le rembrunir par une compacité peu à même de différentier les parties, ni d'en faire ressortir tout le génie de l'écriture. Les cordes jouent certes ensemble, mais forment souvent un bloc, plutôt que d'utiliser la transparence qu'on leur connait pour faire valser la Ronde des Paysans, ou enjouer plus tard un Chœur des buveurs de toute façon peu égaillé par les hommes, tout comme la Chanson de Brander n'est dynamisée ni par le soutien, ni par le chant de . La Fugue sur l'Amen n'est pas plus singularisée d'un matériau orchestral brut dès la Marche hongroise, que ne l'est un Ballet des Sylphes seulement bien traité par les harpes.

De ce son ne se développent surtout pas les instants de magies composés pour les vents, ni par la dynamique de cuivres trop peu endiablés pour accompagner un faible double-chœur d'hommes, lors de la pure merveille qu'est le Chœurs des soldats mêlés ensuite aux étudiants. De même, les bois mériteraient eux aussi de plus ressortir, en plus d'être bien mieux colorés. Heureusement, de cette partie de l'enfer se démarquent un chœur de femmes nettement plus lyrique et tonique, jusqu'à leur splendide cri au Sancta Maria. Le chœur d'enfants ramène également au Ciel à la dernière scène, après un Pandemonium peu inspiré par un chœur d'hommes clairement en retrait ce soir, malgré sa mise en place toujours sans défaut.

Des trois rôles importants de la distribution présentée à la sortie de saison, seule reste Marguerite, qui parvient à illuminer ses airs et son chant dès un Roi de Thulé, sublimé par une définitivement passionnante depuis qu'elle chante avec une voix à rapprocher des Falcon et Viardot plutôt que de la typologie de « mezzo-soprano » caractérisée par notre époque. Plus encore que son premier air, sa Romance trouve une résonance unique lors de cette soirée. Pour l'accompagner, Ludovic Tézier avait rapidement abandonné la portée sans doute trop basse de Méphistophélès, au profit d'Ildebrando D'Arcangelo, annoncé souffrant dès la reprise d'entracte le mercredi, et donc remplacé le jeudi par . Le baryton français suit alors les pas de Van Dam, et Bacquier dans ce rôle avec l'orchestre, pour un diable très caractérisé, parfaitement articulé et chanté comme de l'oratorio, d'une voix souple d'excellente qualité, notamment pour sa Chanson, toutefois en désaccord avec une proposition globale plus massive. Souvent sans regard sur une partition qu'il maîtrise parfaitement, il tente d'emporter avec lui , remplaçant de Jean-François Borras. La voix du ténor se veut d'abord charnue en Partie I, puis plus tendue, bien que d'une bonne prononciation, dès le début de la Partie II et l'air « Sans regrets… ». Franchement en difficulté en dernière partie, il achève vaillamment, sans parvenir à magnifier ni le « Doux Crépuscule », ni l'Invocation à la nature.

Sans démériter par sa préparation, cette Damnation vingt ans après celle de Georges Prêtre, qui avait lui-même fait entrer l'ouvrage au répertoire de l'orchestre dès 1969, démontre que le successeur de Michel Plasson à Toulouse reste encore aujourd'hui plus à l'aise dans le répertoire russe que dans le reste, ce qui lui avait coûté son non-renouvellement il y a quelques années au Deutsches Symphonie-Orchester. A méditer avant de valider les yeux fermés…

Crédit photographique : © Matthias Benguigui

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