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Les Tchaïkovski de Daniel Lozakovich : une lecture homogène mais pâle

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Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour violon et orchestre op. 35 ; Aria de Lensky dans Eugène Onéguine, arrangement pour violon et orchestre par Michael Rot ; Romance op. 6 n° 6, arrangement pour violon et piano par Mischa Elman ; Souvenir d’un lieu cher op. 42 n° 1 et 3 ; Valse sentimentale op. 51 n° 6, arrangement pour violon et piano par Ivry Gitlis ; Valse-Scherzo op. 34, arrangement pour violon et orchestre par Vasily Bezekirsky. Daniel Lozakovich, violon. Orchestre national philharmonique de Russie, direction : Vladimir Spivakov. Stanislas Soloviev, piano. 1 CD DG. Enregistré en avril 2019 à Moscou. Textes de présentation en anglais et allemand. Durée : 66:30

 

signe un beau programme Tchaïkovski mais son interprétation est encore un peu pâle. Souhaitons à ce jeune violoniste de dominer un lancement médiatique tapageur pour savoir mûrir à son rythme.

Daniel Lozakovich_Tchaikovsky_Spivakov_DGLe cas de laisse assez perplexe. Ce violoniste de nationalité suédoise mais originaire de Russie, né en 2001, a été présenté par son éditeur comme « le nouveau Menuhin », sans que rien dans son récent parcours ne justifie a priori pareil enthousiasme. Son premier disque comme un récital à la fondation LVMH ne nous avaient pas convaincu. La protection de lui vaut aujourd'hui cet album Tchaïkovski sous l'étiquette jaune. Passons sur la présentation prétentieuse de Spivakov confiant au nouveau « génie » (dixit la pochette) : « j'ai joué ce concerto dans mon interprétation personnelle pendant les cinquante dernières années. Maintenant c'est à ton tour de faire de même avec ce concerto pour les cinquante prochaines années »…

À l'audition, on découvre certes une interprétation de belle tenue, mais non dénuée de certains maniérismes, en particulier dans le finale, voire de quelques imperfections, notamment dans les sons filés. L'orchestre suit avec précision mais Spivakov n'est pas avant tout chef et n'apporte pas une vision très personnelle. Le reste du programme est entièrement composé autour de Tchaïkovski avec deux des trois mouvements du Souvenir d'un lieu cher mais sans le Scherzo central (alors qu'une curieuse transcription d'un air de Lenski dans Eugène Onéguine fournit un complément assez discutable), accompagnés par le piano dans la Mélodie et par l'orchestre dans la Méditation (dans l'orchestration de Glazounov apparemment). La très virtuose Valse-Scherzo ne montre d'ailleurs pas Lozakovich techniquement transcendant, loin de ce qu'étaient Repin ou Vengerov lors de leurs fulgurants débuts.

a certainement beaucoup de talent mais l'exposer si tôt à une notoriété forcée n'est peut-être pas lui rendre service. Sans revenir une nouvelle fois aux références historiques nombreuses dans ce concerto particulièrement célèbre ou à ses deux glorieux aînés cités plus haut, la comparaison avec l'enregistrement réalisé il y a quelques années par Julia Fischer, admirablement accompagnée par le regretté Yakov Kreizberg dans un programme similaire (Pentatone) est loin d'être à l'avantage du nouveau venu. Souhaitons à Daniel Lozakovich de dominer cette publicité excessive et de parvenir à mûrir sereinement pour devenir le grand violoniste qu'il sera peut-être un jour.

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Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour violon et orchestre op. 35 ; Aria de Lensky dans Eugène Onéguine, arrangement pour violon et orchestre par Michael Rot ; Romance op. 6 n° 6, arrangement pour violon et piano par Mischa Elman ; Souvenir d’un lieu cher op. 42 n° 1 et 3 ; Valse sentimentale op. 51 n° 6, arrangement pour violon et piano par Ivry Gitlis ; Valse-Scherzo op. 34, arrangement pour violon et orchestre par Vasily Bezekirsky. Daniel Lozakovich, violon. Orchestre national philharmonique de Russie, direction : Vladimir Spivakov. Stanislas Soloviev, piano. 1 CD DG. Enregistré en avril 2019 à Moscou. Textes de présentation en anglais et allemand. Durée : 66:30

 
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2 commentaires sur “Les Tchaïkovski de Daniel Lozakovich : une lecture homogène mais pâle”

  • Maciej Chizynski dit :

    Perfection du style et luminosité

    Après le succès du disque dévolu aux œuvres de Johann Sebastian Bach, Daniel Lozakovich tente sa chance dans le répertoire romantique. Et il a raison de le faire car la modestie de son jeu conjuguée au caractère flamboyant et mélancolique des partitions de Piotr Ilitch Tchaïkovski, apporte autant d’équilibre que de raffinement.

    En voyant sur le visuel du disque le portait du jeune interprète aux traits innocents, on se pose la question de savoir si c’est un ange ou peut-être, contrairement aux apparences, encore un autre esprit rebelle voulant révolutionner la manière d’aborder la musique. Ayant déjà connu la clarté aérienne de ses Bach, nous réalisons, dès l’entrée du violon dans le Concerto op. 35 de Tchaïkovski (un enregistrement live), que Daniel Lozakovich est un artiste attentif à la pureté du contour mélodique et aux moindres détails de sa sonorité. Il s’agit, en effet, d’une sonorité noble, à l’instar de celle d’un Nathan Milstein. Ce ton décanté, aux reflets d’ambre, argenté, est baigné de poésie. Le violon de Lozakovich, le Stradivarius « Le Reynier » de 1727, n’arrête pas de chanter tout au long du disque. Dans son parcours apollinien, il respire avec ampleur, reste fidèle à l’esprit de la partition et n’est pas trop analytique, bien qu’il manque, par instants, de spontanéité juvénile.

    Si le mouvement central du Concerto révèle une cantilène plaintive, voire funeste, mais aussi empreinte de douceur, le finale se pare, sous l’archet du violoniste, de distinction et de grandeur, ensoleillées par la limpidité du timbre. Une limpidité si sereine que, par moments, on aurait même aimé y entendre un peu plus de piquant qui correspondrait mieux au caractère de ce mouvement. Or Daniel Lozakovich séduit par le lyrisme, en se refusant – chose la plus étonnante pour un artiste âgé de 18 ans – à déployer un jeu délibérément virtuose. Il opte pour la simplicité, en rejetant ce qui pourrait rendre sa lecture excessivement tendre et mielleuse. Dans cette perspective, la maîtrise du vibrato, qui ne lui sert que de moyen d’expression, est un autre élément significatif de son style, telle une « cerise sur le gâteau ».

    L’Orchestre national philharmonique de Russie dirigé par Vladimir Spivakov assure un accompagnement solide mais un brin monolithique et prosaïque. Quant à Stanislas Soloviev au piano, il captive par la délicatesse du toucher, contribuant au renforcement de l’intimité qui plane sur ces prestations.

  • antoine martin dit :

    Soulignons d’abord que je n’ai pas écouté ce disque mais que les réserves de JC Hulot me semblent assez justifiées : mon « expérience » de ce jeune violoniste ne se basent que (?!) sur un concerto de Beethoven avec le philharmonique de RF fin 2017 . Naturellement il joue bien mais violon scolaire et je ne me suis pas senti empoigné comme avec d’autres « jeunes » violonistes . Souvenir exceptionnel et inoubliable de S Katchatryan dans le 1er de Chostakovitch avec V Gergiev début 2019 (TCE).
    Interet d’un n ième concerto de Tchaïkovski ?
    Il y a énormément de « jeunes » violonistes sur le marché qui n’est pas extensible à souhait et DL va-t-il confirmer avec le temps ? Une plastique d’ange et une bonne technique sont insufisantes pour marquer l’impitoyable monde de la musqiue classique .

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