Noël à Versailles avec Bach selon Valentin Tournet

Fêter Noël à Versailles avec Bach, quel challenge ! Valentin Tournet à la tête de sa Chapelle harmonique nous emmène sur des chemins enivrants de jeunesse et de jubilation, déjà choisis par le compositeur pour marquer son arrivée à Leipzig en 1723.

La musique de Bach résonne à nouveau dans l'acoustique de la chapelle royale de Versailles que Louis XIV lui-même voulue opulente, à l'image de celle d'une cathédrale. Cela explique en partie ses proportions, en particulier sur la hauteur de la voûte. Ce CD réunit deux œuvres dont l'une d'elles, le Magnificat est particulièrement célèbre. La version habituelle, en ré majeur reprend intégralement le texte du Magnificat qui se chantait couramment dans les églises luthériennes. Cependant une première version en mi bémol majeur avait vu le jour précédemment lors de la fête de Noël 1723. Cette mouture primitive était pour la circonstance augmentée de quelques chorals alternés et motets, se rapportant directement à la nativité, manière judicieuse de combiner le texte latin et la musique purement réformée, basée sur le choral. Le programme du disque propose également avec intelligence une cantate pour le temps de Noël, la BWV 63 « Chrétiens, gravez ce jour ».

Dès les premières notes de cette œuvre, on est saisi par une vitalité, une concision de l'ensemble vocal et orchestral de La chapelle harmonique. Le tout jeune chef et gambiste Valentin Tournet mène rondement son ensemble. Les tempi sont sans détour, enlevés et efficaces, ils génèrent instantanément une jubilation communicative, puisée au plus profond de la musique du cantor. C'est Julien Green qui disait : « Au fond de toute œuvre de Bach il y a de la joie ». On comprend les motivations de Bach arrivant à Leipzig et voulant sans doute faire bonne figure en présentant pour son premier Noël dans la place, deux œuvres exceptionnelles.

La version primitive du Magnificat dit « de la Nativité » utilise une orchestration quelque peu différente de la version en ré majeur qui est plus brillante par sa tonalité à grands renforts de trompettes et de timbales. Ici l'emploi de flûtes à bec renforce une ambiance plus pastorale. L'incorporation du choral « Du haut du ciel, je viens ici » trouve une place logique dans ce climat de nativité. Le quintette vocal est lumineux et déclame un discours inspiré. Certains airs sont étonnants, dont le fameux Deposuit potentes de sede, pris dans un tempo tellurique, imageant sans peine la signification même du texte : « Il a renversé les puissants de leur trône ».

La prise de son très maitrisée respecte l'aération du lieu tout en préservant toute la lisibilité requise. Le chœur et les instruments bondissent et dessinent de belles lignes, intégrant un style exemplaire au service d'un répertoire de génie : l'auditeur est comblé ! Encore un mot pour redire le talent affirmé de Valentin Tournet, qui nous promet sans doute une grande carrière.