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À Genève, Don Giovanni viennois et brillant

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Genève. Victoria Hall. 12-XII-2019. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Don Giovanni, drame giocoso en deux actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte (Version concertante). Avec : Samuel Hasselhorn, Don Giovanni ; Dan Paul Dimitrescu, Il Commendatore ; Irina Lungu, Donna Anna ; Benjamin Bruns, Don Ottavio ; Federica Lombardi, Donna Elvira ; Riccardo Fassi, Leporello ; Clemens Unterreiner, Masetto ; Daniela Fally, Zerlina. Chœur et orchestre du Wiener Staatsoper. Direction musicale : Michael Güttler

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Les versions concertantes d'opéras occupent de plus en plus les scènes avec des résultats artistiques parfois discutables. Mais, quand le mythique Wiener Staatsoper tient l'affiche qui plus est avec le Don Giovanni de Mozart, la qualité supplée grandement à l'absence de décor, de costumes et de mise en scène.

daniella_fally_portraitC'est ainsi que fait son entrée l'orchestre viennois sous les yeux de son futur ex-patron Dominique Meyer promu, dès l'an prochain, à la direction de la Scala de Milan. Après une ouverture un peu bruyante et désordonnée, (Leporello) apparaît. Lui aussi semble avoir quelques difficultés à trouver ses marques. Si la voix est bien timbrée, la diction intelligible, l'assurance semble lui manquer. Quand entrent (Don Giovanni) et (Donna Anna), le malaise se confirme. La cohésion vocale s'étiole, on craint que chacun tire à hue et à dia pour sa gloire personnelle et tant pis pour Mozart et son Don Giovanni. À ce jeu, pleine d'assurance, semble prendre le large. La voix puissante de la soprano russe s'impose rapidement sur celle de ses comparses.

Mais il ne faudra pas plus d'une quinzaine de minutes pour que la musique reprenne ses droits et que l'expérience de la scène, le grand professionnalisme des protagonistes ramènent Mozart au centre de l'intrigue. Mozart oui, parce que son opéra continue à être là sans son âme. On chante, certes. Et même bien. Mais on ne raconte rien. La faute au rôle-titre tenu par le jeune . Récent vainqueur célébré du Concours Reine Élisabeth, le baryton allemand possède un instrument vocal techniquement irréprochable, sans pour autant qu'il le mette au service du personnage. Son Don Giovanni n'a ni la grandeur d'un Cesare Siepi, ni la noblesse d'un Ruggiero Raimondi, ni l'ampleur d'un Samuel Ramey ni encore la gouaille d'un Erwin Schrott. Il est pâle, sans charisme et sans envergure et sa grande stature le fait apparaître comme étranger à l'intrigue alors qu'il doit en être l'instigateur.

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En absence de Don Giovanni, c'est Leporello qui se porte au centre du jeu. Et le baryton italien Riccardo Fassi déjà remarqué à Pesaro s'acquitte ici des qualités vocales et théâtrales qui semblaient lui faire défaut au début de la soirée. Son Air du catalogue soulève les premiers applaudissements d'un public genevois toujours frileux aux premières minutes d'un spectacle. Quant à lui, le ténor (Don Ottavio) offre un chant très travaillé mais fabriqué. Par contre, il peine toujours à dominer son « Dalla sua pace » et son « Il mio tesoro », des airs dont nous avions déjà souligné le manque de fluidité et de justesse lors du Don Giovanni de La Chaux-de-Fonds en janvier dernier.

Chez les dames, la soprano (Donna Anna) confère à son personnage classe et présence avec une voix franche, solide, même si non dépourvue de lumineux aigus. Dans le même personnage que lors du Festival d'été de Lucerne en août dernier, (Donna Elvira) est apparue en bien meilleure forme vocale. Cependant, on aurait aimé, comme alors, qu'elle s'investisse plus avant dans l'esprit de sa Donna Elvira, cette femme constamment trompée et humiliée par Don Giovanni.

L'heureuse surprise de cette soirée vient du couple Masetto () et Zerlina (). Si le premier crédibilise bien ce personnage ingrat sans trop le caricaturer, la seconde se révèle être un véritable enchantement. La soprano chante Mozart avec une simplicité, un dépouillement, un naturel si profonds qu'on entend les grandes voix de la tradition. Aucune sophistication dans ce chant, simplement l'expression des mots que la musique de Mozart illustre si bien. Quelle fraîcheur, quel engagement, quel phrasé, sa Zerlina a l'âge du rôle ! Ce n'est pas de sitôt qu'on oubliera son « Vedrai carino », ni son « Batti, batti, o bel Masetto » interprétés avec une émotion à faire pleurer les pierres.

On l'a vu, à chaque soliste sa propre personnalité, mais la cohésion et la rigueur interprétative qu'ils démontrent dans les ensembles vocaux de la fin du premier acte et dans le sextuor du deuxième acte prouve qu'ils sont soudés par un très grand professionnalisme et un sens aigu de l'écoute de l'autre. Artisan incontournable de cette qualité, l'orchestre du Wiener Staatsoper à l'autorité musicale indéniable. Quels pupitres, quelles cordes, et comme ces bois sont superbes. Il fallait bien cela devant la direction sans audace du jeune chef allemand .

Crédit photographique : Orchester der Wiener Staatsoper © Jeanette Handler, © Marcel Gonzales Ortiz

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