Casse-Noisette, réinventé avec bonheur

Revisité par la plume inventive et troublante d'Agnès Desarthe, Casse-Noisette fait plus que jamais rêver. Avec la participation d'une ensorcelante conteuse, Natalie Dessay. Dès 6 ans.

Emblématique de la magie scintillante de Noël, Casse-Noisette est un grand classique de l'album Jeunesse. Pour autant, les péripéties parfois tarabiscotées du livret (adapté de E.T.A Hoffmann) sont un peu difficiles à suivre pour les enfants d'aujourd'hui. Et nombre de versions choisies par les éditeurs pour les accompagner, amidonnées ou pesantes, étouffent les subtilités de la musique de Tchaïkovski.

D'où la pertinence du séduisant objet que nous propose Gallimard Jeunesse pour les fêtes de fin d'année : un Casse-noisette revisité par la romancière Agnès Desarthe. Un petit bijou de malice, de drôlerie, de cruauté aussi, qui ménage pour les plus grands quelques savoureux clins d'œil.

Ici, point de dragée, de chocolat, d'orgeat, ni de sucreries en tout genre. Nous voyageons, en compagnie de Clara et Frank, nos deux petits héros, dans un tout autre monde. Bienvenue dans le royaume des gourmandes charcuteries pour y rencontrer le roi et la reine de Saucissonbourg, le prince de Pâté-en-croûteville, le seigneur de Cassoulet-les-truffes, la comtesse de Canard-à-l'orange-sur-grenadine. Idéal pour déguster « un royal de boudin sur lit de boudineries avec son spumante de boudinocello ». C'est le début d'une trépidante histoire, traversée par des personnages hauts en couleur, telle Madame Souriskaïa (reine des souris, à la terrible vengeance), le professeur Elias ou la princesse Clarinette.

Musicalement, c'est un pur délice. La version musique de chambre, conçue par Luca Antignani et interprétée avec éclat par l'ensemble Agora, fait ressortir toute la richesse mélodique de la partition, ses atmosphères féériques, et lui assure une grande continuité « narrative ». Les sonorités de la harpe sont enchanteresses. Les clochettes, triangle, crécelles, ressorts et sifflet, ajoutés pour l'occasion, créent un tapis sonore enivrant.

Natalie Dessay est comme de coutume une conteuse ensorcelante, avec cette lumière dans la voix qui nous est précieuse. Les illustrations, signées Juliette Barbanègre, plutôt sobres dans l'ensemble mais idéalement fantasmagoriques à l'occasion, épousent parfaitement les différents climats de l'histoire. Voici donc un Casse-Noisette 2.0 tout à fait enthousiasmant, que l'on peut placer les yeux fermés sous son sapin de Noël.