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Au Collège des Bernardins, Jean-Marc Luisada en son jardin féerique

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Paris. Collège des Bernardins. 27-XI-2019. Joseph Haydn (1732-1809) : Sonate n° 13 Hob.XVI :6. Claude Debussy (1862-1918) : Second Livre des Images ; La Cathédrale engloutie, extrait du Premier Livre des Préludes. Frédéric Chopin (1810-1849) : Nocturnes op. 9 n° 1-3 ; Nocturne op. 62 n° 1 ; Barcarolle op. 60 ; Scherzo n° 2 op. 31. Jean-Marc Luisada, piano

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a choisi d'interpréter Haydn, Debussy et Chopin. Un programme on ne peut plus « classique » devenu, sous ses doigts, un voyage sonore extraordinaire.

Jean-Marc-LUISADA
Le Collège des Bernardins fait salle comble pour accueillir . La Sonate en sol majeur de Haydn, l'une des plus jouées, se doit d'être un hors-d'œuvre, une invitation à l'élégance feutrée pour un public visiblement mélomane. Par convenance, chacun pense disposer du temps nécessaire à la concentration. Haydn… c'est donc…

C'est compter sans l'impatience de , qui entraîne l'auditeur à la découverte de son jardin féerique. Il « joue » avec chacun, sans cesse en mouvement, sur la scène d'un théâtre imaginaire. Nous participons aux conversations qu'il agence à sa guise. Il nous interpelle, s'amuse et se moque. L'imagination fait le reste. On songe aux tourbillons de Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway, tant l'imprévu multiplie les possibilités narratives. Dans l'espace sonore aussi raffiné que naturel de Haydn, les voix se croisent, fortes (quelles basses !) et légères (murmurées), en dialogue permanent. La prise de risques est maximale entre les pianissimi extrêmes et les coups de griffes : tout le florilège des impertinences de Haydn ! Le lointain souvenir du clavecin originel et le pressentiment de Schubert (dont la cruauté désespérée demeure encore étrangère à cet univers) se mêlent et saisissent de bout en bout.

Jean-Marc Luisada revient avec une Cathédrale engloutie dont la masse indécise occupe le temps. La lenteur, si rare, fait vibrer l'onde. Tout n'est que ponctuations dans le Second Livre des Images. Transparence et finesse. Souplesse, plus encore. Chaque note devient une couleur et nous délivre de son attente.

Après la pause, voici le temps de Chopin. Le décor a changé. Il est irrémédiablement intranquille. Tout bouge encore, mais la narration s'appuie sur un mal-être et une rébellion sous-jacente. Jean-Marc Luisada nous offre un Chopin incisif et combattif dont le chant n'est plus seulement en quête de beauté, mais de vérité. On est sidéré par la puissance de certaines notes, une violence comprimée par les cauchemars qu'engendrent les esprits de la nuit, moins ceux du Songe d'une nuit d'été que du Freischütz. Voilà un Polonais au bord de l'exaltation, sans concession vis-à-vis de lui même. La dramatisation du jeu nous prépare à la Barcarolle. On ressent l'émotion du pianiste devant l'un des sommets du romantisme. Il veut en finir. Il calme sa passion par des digressions de couleurs d'une inventivité inouïe et qui repoussent sans cesse l'épilogue. Parfois, le son s'y écrase. Parfois, il jaillit, dépasse l'épuisement, et nous émeut. Le Scherzo n° 2 se construit grâce à des ruptures incessantes. Tout s'entend dans « cette maison des morts » comme le déclara un jour le compositeur à l'un de ses élèves. D'une hauteur de vue peu commune, la lecture de Jean-Marc Luisada est relevée comme un défi, et s'achève en triomphe.

Un Intermezzo de Brahms et Les Rêves extraits des Chants du Rhin de Bizet prennent congé du public dans une chaude pénombre.

Crédits photographiques : © Eric Manas

 

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Paris. Collège des Bernardins. 27-XI-2019. Joseph Haydn (1732-1809) : Sonate n° 13 Hob.XVI :6. Claude Debussy (1862-1918) : Second Livre des Images ; La Cathédrale engloutie, extrait du Premier Livre des Préludes. Frédéric Chopin (1810-1849) : Nocturnes op. 9 n° 1-3 ; Nocturne op. 62 n° 1 ; Barcarolle op. 60 ; Scherzo n° 2 op. 31. Jean-Marc Luisada, piano

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